j'ai lu avec intérêt votre tribune publiée sur le site Médiapart (1) ; j'y ai deviné un écœurement, une colère contenue, et surtout une incompréhension face à des mentors, vos aînés, sans doute surpris et irrités de vous voir prendre des initiatives qu'ils jugent aventureuses voire contraires au meilleur des mondes qu'ils ont planifié sans vous. Les coups les plus bas sont donc venus des camarades avec qui vous pensiez partager une utopie, des valeurs communes, une histoire, des luttes, un beau projet pour la France... Vous restez sans voix face à leur soupçon insistant, vous rougissez moins de honte que de colère à vous voir renvoyés aux côtés des soraliens et autres dieudonnistes, à devoir justifier vos convictions, votre enthousiasme, votre engagement ; vous vous défendez maladroitement, et chaque mot que vous prononcez semble vous accuser et vous accabler un peu plus... Solidarité avec les palestiniens ! Allons bon, voilà que les jeunes socialistes se font les complices naïfs, imbéciles, des terroristes du Hamas ! la fièvre antisémite corrompt jusqu'aux meilleurs d'entre nous ! Vous découvrez perplexes la révolte à géométrie variable des cadres du socialisme bedonnant et grisonnant, et leur indignation empesée, toute rhétorique, de professionnels du spectacle politicien qui doivent jouer leur petite partition attendue : vous les voyez froncer les sourcils, adopter la gestuelle malrucienne, le regard possédé par quelques visions abominables, invectivant un accusé absent, vociférant, martelant les mots clefs de leur dictionnaire qui ne compte que quelques pages, dans un réquisitoire sans appel, dont vous vous découvrez ahuris l'objet.
Vous pensiez avoir à vos côtés des camarades avec qui discuter librement, il n'en était rien ; le ton professoral, hautain et méprisant, le regard courroucé avec lequel ils vous toisent et vous clouent au pilori de l'abomination, tout indique chez eux que vous n'avez jamais été qu'un alibi exotique, le supplément d'âme juvénile d'un parti déclinant, qui certes a autrefois tendu une main amicale à la jeunesse mais c'est parce qu'il avait besoin de sa voix et de ses voix pour accéder à la fonction suprême. Mitterand en fin politicien avait médité l'échec de 1974, la classe ouvrière, même appuyée par des classes moyennes désireuses de voir les socialistes gouverner le pays, ne permettait pas d'escompter un succès électoral ; en dépit du programme commun d'inspiration marxiste, c'est vers la jeunesse que le candidat s'est alors tourné, avec le succès que l'on sait. Depuis la gauche considère comme acquis l'adhésion et le vote des jeunes pour ses candidats ; à travers sa politique culturelle, éducative, les associations qu'elle subventionne, elle a construit l'illusion que le socialisme à la française était la voix naturelle de la jeunesse, et donc de l'avenir, une véritable chasse gardée, un vivier au sein duquel elle puise quelques heureux élus pour renouveler de temps en temps les postes laissés vacants par des départs en retraite, bref un tapis de voix sur laquelle elle s'est longtemps reposée sans contrepartie. Le Parti socialiste se présente continuellement comme le parti du mouvement et de l'avenir non en raison d'idées que ses cadres médiocres sont incapables de produire mais justement parce que les idées neuves portées par de nouveaux venus peuvent trouver, après épreuves, pénitences et bizutages, une place et apporter leur vitalité à des vieillards somnolents. En accédant au pouvoir le parti socialiste s'est bunkérisé comme les autres (allégeances, flagorneries, intrigues, cooptation..., aujourd’hui d'ailleurs autant qu'hier, définissent l'ordinaire de cette cour caricaturale, mais Paris-Match a remplacé hélas Saint-Simon), il a en grande partie perdu le vote des jeunes qui ne se déplacent plus le jour des élections, ou s'expriment dans des choix de rupture, de dissidence et de résistance, à l’extrême droite ou à l’extrême gauche plus rarement, mais la puissance symbolique est là intacte, c'est tout ce qu'il reste à la gauche de gouvernement, François Hollande en plagiaire intelligent de Mitterand ne s'y est pas trompé : pour qui annonce des lendemains qui chantent la jeunesse est un étendard précieux.
Que la politique comporte sa part inavouable de petites intrigues, de calculs mesquins, de reniement, de machiavélisme bien ordonné... tout cela n'est guère nouveau et fait partie d'un principe de réalité avec lequel il faut bien compter, que l'authenticité et la pureté des intentions soient de piètres alliés dans la bataille politique qui vise au succès électoral, la cause est entendue... mais le malaise qui traverse votre lettre semble s'enraciner dans une rupture plus profonde, générationnelle ; votre soutien critiqué aux palestiniens révèle un divorce entre une bureaucratie datée (Laurent Fabius était déjà ministre dans les années 80...) qui sous couvert d'une éthique de responsabilité mène en fait la politique de ses artères, néoconservatrice, dans un société vieillissante, et une base militante qui lui sert encore de sympathique alibi, non sans contradiction. Vous vous revendiquez "jeunes, socialistes, pacifistes, internationalistes" j'ai bien peur pour vous qu'il ne se trouve pas un ministre du gouvernement actuel à qui l'on pourrait attribuer spontanément ces quatre qualificatifs et je suis convaincu que certains ou certaines ne manqueraient pas de protester en indiquant qu'ils ont vraiment fait tout ce qui était en leur pouvoir pour ne plus se voir ainsi dis-qualifié(e). Vous devriez approfondir votre perplexité et votre colère, interroger vos doctes cadres, au delà de vos exigences de "respect", afin de prendre la pleine mesure du paradoxe de votre position : on ne prépare demain avec les idées d'hier, le socialisme à la française est chose morte, ce sont ses rentiers, ses héritiers intrigants, qui ont besoin de votre jeunesse pour lui donner l'illusion de la durée, de l'actualité voire de l'éternité, pour garder une place, un poste, un pouvoir, mais ce n'est qu'un rêve, un mensonge complaisamment entretenu, une imposture de plus au passif des socialistes, une faiblesse peut-être chez certains d'entre vous qui comptent sur ce vieux monde pour faire carrière, "arriver" mais dans quel état, dans combien de temps, et pour quel bilan peu glorieux... Qui parmi vous veut être un Harlem Désir, un Julien Dray, voire un Manuel Valls.... , voyez ce qu'ils étaient et ce qu'ils sont devenus, sont-ce là des exemples susceptibles de forcer l'admiration et de galvaniser l'enthousiasme militant, vraiment ?
Vous pensiez avoir à vos côtés des camarades avec qui discuter librement, il n'en était rien ; le ton professoral, hautain et méprisant, le regard courroucé avec lequel ils vous toisent et vous clouent au pilori de l'abomination, tout indique chez eux que vous n'avez jamais été qu'un alibi exotique, le supplément d'âme juvénile d'un parti déclinant, qui certes a autrefois tendu une main amicale à la jeunesse mais c'est parce qu'il avait besoin de sa voix et de ses voix pour accéder à la fonction suprême. Mitterand en fin politicien avait médité l'échec de 1974, la classe ouvrière, même appuyée par des classes moyennes désireuses de voir les socialistes gouverner le pays, ne permettait pas d'escompter un succès électoral ; en dépit du programme commun d'inspiration marxiste, c'est vers la jeunesse que le candidat s'est alors tourné, avec le succès que l'on sait. Depuis la gauche considère comme acquis l'adhésion et le vote des jeunes pour ses candidats ; à travers sa politique culturelle, éducative, les associations qu'elle subventionne, elle a construit l'illusion que le socialisme à la française était la voix naturelle de la jeunesse, et donc de l'avenir, une véritable chasse gardée, un vivier au sein duquel elle puise quelques heureux élus pour renouveler de temps en temps les postes laissés vacants par des départs en retraite, bref un tapis de voix sur laquelle elle s'est longtemps reposée sans contrepartie. Le Parti socialiste se présente continuellement comme le parti du mouvement et de l'avenir non en raison d'idées que ses cadres médiocres sont incapables de produire mais justement parce que les idées neuves portées par de nouveaux venus peuvent trouver, après épreuves, pénitences et bizutages, une place et apporter leur vitalité à des vieillards somnolents. En accédant au pouvoir le parti socialiste s'est bunkérisé comme les autres (allégeances, flagorneries, intrigues, cooptation..., aujourd’hui d'ailleurs autant qu'hier, définissent l'ordinaire de cette cour caricaturale, mais Paris-Match a remplacé hélas Saint-Simon), il a en grande partie perdu le vote des jeunes qui ne se déplacent plus le jour des élections, ou s'expriment dans des choix de rupture, de dissidence et de résistance, à l’extrême droite ou à l’extrême gauche plus rarement, mais la puissance symbolique est là intacte, c'est tout ce qu'il reste à la gauche de gouvernement, François Hollande en plagiaire intelligent de Mitterand ne s'y est pas trompé : pour qui annonce des lendemains qui chantent la jeunesse est un étendard précieux.
Que la politique comporte sa part inavouable de petites intrigues, de calculs mesquins, de reniement, de machiavélisme bien ordonné... tout cela n'est guère nouveau et fait partie d'un principe de réalité avec lequel il faut bien compter, que l'authenticité et la pureté des intentions soient de piètres alliés dans la bataille politique qui vise au succès électoral, la cause est entendue... mais le malaise qui traverse votre lettre semble s'enraciner dans une rupture plus profonde, générationnelle ; votre soutien critiqué aux palestiniens révèle un divorce entre une bureaucratie datée (Laurent Fabius était déjà ministre dans les années 80...) qui sous couvert d'une éthique de responsabilité mène en fait la politique de ses artères, néoconservatrice, dans un société vieillissante, et une base militante qui lui sert encore de sympathique alibi, non sans contradiction. Vous vous revendiquez "jeunes, socialistes, pacifistes, internationalistes" j'ai bien peur pour vous qu'il ne se trouve pas un ministre du gouvernement actuel à qui l'on pourrait attribuer spontanément ces quatre qualificatifs et je suis convaincu que certains ou certaines ne manqueraient pas de protester en indiquant qu'ils ont vraiment fait tout ce qui était en leur pouvoir pour ne plus se voir ainsi dis-qualifié(e). Vous devriez approfondir votre perplexité et votre colère, interroger vos doctes cadres, au delà de vos exigences de "respect", afin de prendre la pleine mesure du paradoxe de votre position : on ne prépare demain avec les idées d'hier, le socialisme à la française est chose morte, ce sont ses rentiers, ses héritiers intrigants, qui ont besoin de votre jeunesse pour lui donner l'illusion de la durée, de l'actualité voire de l'éternité, pour garder une place, un poste, un pouvoir, mais ce n'est qu'un rêve, un mensonge complaisamment entretenu, une imposture de plus au passif des socialistes, une faiblesse peut-être chez certains d'entre vous qui comptent sur ce vieux monde pour faire carrière, "arriver" mais dans quel état, dans combien de temps, et pour quel bilan peu glorieux... Qui parmi vous veut être un Harlem Désir, un Julien Dray, voire un Manuel Valls.... , voyez ce qu'ils étaient et ce qu'ils sont devenus, sont-ce là des exemples susceptibles de forcer l'admiration et de galvaniser l'enthousiasme militant, vraiment ?
Je vois aussi dans votre sensibilité piquée au vif, bien des qualités, qui se trouvent détournées, exploitées au profit d'un parti et d'individus qui ne les méritent pas. La tentation de taire son authenticité pour se fondre dans la doxa d'une force politique qui vous permettra une belle carrière est sans doute grande, surtout en temps de crise, je passe sur ceux qui comme Jospin prétendaient via l'entrisme transformer l'appareil de l'intérieur, cet ancien trotskiste a fini premier ministre.... Mais c'est un mauvais calcul, rien ne dit que le socialisme à la Française conservera ses prébendes après les élections de 2017 et offrira à ses militants dociles autant de débouchés qu'auparavant ; au lieu d'être les derniers d'une histoire qui s'achève de la plus triste manière, à savoir réactionnaire et conservatrice (les socialistes craignent la nouveauté politique qui les renverrait définitivement dans les poubelles de l'histoire), pourquoi ne pas être les premiers à porter une nouvelle utopie politique ? Les partis institués, leurs cadres attendent vos idées, votre énergie, votre temps, votre dévouement, pour alimenter leur programme, installer leurs élus... et si vous commenciez d'abord par vous mobiliser pour vous-même, sur la base d'une condition commune, d'un destin partagé par ceux et celles qui vivent leur jeunesse comme une épreuve ou une impasse dans une France bloquée qui n'annonce aux arrivants qu'un lot de galères et de misères ? car avant d'être socialistes vous êtes jeunes, et c'est cela qui vous donne un avantage, théorique et pratique, sur ces mêmes socialistes. A lire les sociologues, les jeunes sont les grands perdants de l'époque, et ils n'auraient d'autres ambitions que de militer pour le confort de leurs grands parents ? sérieusement ? Il n'y a rien à attendre d'un parti aussi fatigué que le parti socialiste, c'est à vous de prendre la relève, de le rendre irrémédiablement inactuel en proposant aux problèmes qu'il soulève mais auxquels il ne sait pas répondre, vos propositions, vos solutions, vos convergences, vos revendications.
Dans votre lettre, vous prenez bien soin de vous désolidariser des dieudonnistes et des soraliens, vous condamnez les "casseurs", soit mais que proposez-vous à ces jeunes enragés qui cherchent l'affrontement avec les forces de l'ordre, manifestent défiance et hostilité face à la morgue républicaine d'un premier ministre droit dans ses bottes : de la prison, de la rééducation, des amendes ???... C'est avec cette jeunesse là, perdue pour les élections, tentée par les extrêmes et la radicalité, qu'il vous faudra aussi dialoguer, voire agir, afin de lui donner toute sa place dans la société, non seulement comme bénéficiaire de possibles réformes mais surtout comme acteur de ces transformations. L'avant-garde réelle n'est en rien cette réduction communautariste, ethnique, confessionnelle tant prisée par Monsieur Valls, c'est la ligne de force qui traverse l'ensemble du corps social, et découvre par les fractures qu'elle révèle d'étonnantes convergences, des rapprochements impensables hier, qui bousculent l'ordre établi, appellent une redistribution des cartes, des alliances, des conflits...
Je comprends votre révolte, je la partage et je vous souhaite de la pousser jusqu'à son terme libérateur.
Dans votre lettre, vous prenez bien soin de vous désolidariser des dieudonnistes et des soraliens, vous condamnez les "casseurs", soit mais que proposez-vous à ces jeunes enragés qui cherchent l'affrontement avec les forces de l'ordre, manifestent défiance et hostilité face à la morgue républicaine d'un premier ministre droit dans ses bottes : de la prison, de la rééducation, des amendes ???... C'est avec cette jeunesse là, perdue pour les élections, tentée par les extrêmes et la radicalité, qu'il vous faudra aussi dialoguer, voire agir, afin de lui donner toute sa place dans la société, non seulement comme bénéficiaire de possibles réformes mais surtout comme acteur de ces transformations. L'avant-garde réelle n'est en rien cette réduction communautariste, ethnique, confessionnelle tant prisée par Monsieur Valls, c'est la ligne de force qui traverse l'ensemble du corps social, et découvre par les fractures qu'elle révèle d'étonnantes convergences, des rapprochements impensables hier, qui bousculent l'ordre établi, appellent une redistribution des cartes, des alliances, des conflits...
Je comprends votre révolte, je la partage et je vous souhaite de la pousser jusqu'à son terme libérateur.
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