vendredi 1 novembre 2013

ROLAND SABATIER A LA FONDATION DU DOUTE EXPOSITION/PROJECTIONS II



FONDATION DU DOUTE/ BLOIS
Pavillon dʼexposition temporaire
9 novembre 2013/ 9 février 2014

L A  (C E R T A  I N E) I M A G E

D U  C I N E M A

D E  R O L A N D  S A B A T I E R

PROJECTIONS ORGANISÉES DANS LE CADRE DE LʼEXPOSITION DE ROLAND SABATIER
ŒUVRES DE PÉDAGOGIE ESTHÉTIQUE (1988-1990)


PROJECTIONS ORGANISÉES DANS LE CADRE DE LʼEXPOSITION DE ROLAND SABATIER ŒUVRES DE PÉDAGOGIE ESTHÉTIQUE (1988-1990)

A travers lʼensemble des modalités du cinéma lettriste, Roland Sabatier a réalisé depuis 1963 plusieurs dizaines de films préoccupés par la mise en doute des valeurs dévoilées dans les différentes expressions de cet art. En dehors de quelques films encore inscrits sur la pellicule, comme Le Songe dʼune nudité (1968), Évoluons (encore un peu) dans le cinéma et la création (1972), ou encore Pour-Venise-Quoi ? (1994), la plupart de ses réalisations renoncent aux supports filmiques traditionnels pour se présenter comme des films sonores sans image et, plus fréquemment, comme des réalisations destinées, non plus à être projetées, mais à être exposées. De ce point de vue, Les Preuves (1966), No Movies (1968), Épisodes et narrations (1969), Pensiez-vous vraiment voir un film ? (1973), Le film (n’)est (plus qu’)un souvenir (1975), Esquisses (1978), Regarde ma parole qui parle (le) du cinéma (1982), ou Quelque part dans le cinéma (1982), sont  représentatifs de cette démarche purificatrice explorée jusque dans ses conséquences les plus extrêmes vers les limites au-delà desquelles un film ne ressemble plus à un film. Souvent  situés dans le virtuel, leur présentation matérielle devient même accessoire – possible ou non. En cela, il porte le 7ème Art au niveau de modernité atteint avant lui par la peinture, la musique ou le roman.

Au sujet de ses films, Frédérique Devaux, précise dans Le Cinéma Lettriste 1951-1991 (Ed. Paris-Expérimental), que « les apports lettristes en général, ceux de Sabatier en particulier, ont été de redoutables pressentiments du devenir de lʼart (...) étant entendu que ces créations ont, le plus souvent, précédé la marche de la contemporanéité ». Lʼœuvre cinématographique de Roland Sabatier, présentée à la Cinémathèque française et dans les principaux festivals dʼavant-garde, a été publiée dans son ensemble, en 1983, sous le titre de Œuvres de cinéma (1963-1983).

FILMS PRÉSENTÉS

(Programme établi par Anne-Catherine Caron)

Movies, lʼautre, 1969.

Film infinitésimal en exposition permanente dans la salle de projection.



Le Songe dʼune nudité, 1968.

16 m/m, N&B et couleur, 19 minutes.



No Movies. 1968.

Vidéo couleur, 19 minutes.



Évoluons (encore un peu) dans le cinéma et la création, 1972.

Film 16 m/m, couleur, 25 minutes.



Esquisses, 1978.

Film vidéo, sans image, sonore, 32 minutes.



Je ne cherche pas un Isou parfait, mais je trouve un Isou meilleur (1978).

Film vidéo, 32 minutes.



Regarde ma parole qui parle le (du) cinéma (1982).

Film vidéo, 46 minutes.



Quelque part dans le cinéma, 1982.

Film vidéo sans image, sonore, 28 minutes.



Mise en place de rires justes dans une société injuste, 1985.

Film vidéo, 27 minutes.



Œuvres pour chiens, 1991.

Film vidéo, couleur, 51 minutes.



Pour-Venise-quoi ? 1994.

Film vidéo, 45 minutes.



Propriété dʼune approche, 2008.

Film vidéo sonore et en couleur, 38 minutes.







Vernissage le 8 novembre à 18h00

FONDATION DU DOUTE / ÉCOLE DʼART DE BLOIS-AGGLOPOLYS

6 rue Franciade / 41000 Blois

Ouvert de 14h à 18h30 du mercredi au dimanche

Renseignements au 02 54 55 37 40.

 Lien : http://www.fondationdudoute.fr







ROLAND SABATIER A LA FONDATION DU DOUTE EXPOSITION/PROJECTIONS I

FONDATION DU DOUTE/BLOIS
PAVILLON D'EXPOSITION TEMPORAIRE
9 novembre 2013/9 février 2014

ROLAND SABATIER

O E U V R E S  D E

P E D A G O G I E

E S T H E T I Q U E

  (1988-1990) 



Depuis 1963, Roland Sabatier occupe un rôle très important dans le groupe d'avant-garde lettriste en raison de l'originalité et de la diversité de ses réalisations qui introduisent un certain nombre de nuances créatrices dans tous les champs des ramifications culturelles complexes du mouvement fondé par Isidore Isou et cela dans différents domaines de la Culture — depuis la poésie et la musique jusquʼau théâtre et au cinéma, en passant par la peinture, le roman ou lʼarchitecture. Ce qui pourrait le mieux caractériser ses Oeuvres de pédagogie esthétique, c'est qu'ellles représentent plusieurs manières de cours sur l'art, des cours donnés, hors des voies habituelles, par les œuvres elles-mêmes. Chacune «parle», en incluant dans ce quʼelle est - à savoir un dépassement précis dans une évolution déterminée - des tentatives dʼexplications de ce dépassement. Souvent, elles se jouent du passage dʼun art à un autre pour aboutir, dans lʼart infinitésimal, à lʼétablissement de correspondances avec les différentes configurations formelles passées. Ainsi par exemple, dans Réinterprétation infinitésimale dʼune œuvre expressionniste, à partir dʼun arrangement dʼéclairage intense, Roland Sabatier propose la possibilité de lʼexistence dʼune œuvre in-imaginaire déformée, monstrueuse et fantastique, caractéristique de lʼexploration «expressionniste» de cet art. Ailleurs, il occulte une de ses réalisations de multi-écritures par une projection de confettis colorés qui suggèrent le dépassement de cet art par un défilement vertigineux de représentations brèves pour construire un super-ensemble mental dʼune densité extraordinaire, inconnue à ce jour. Abordant dans un autre cas le cinéma, il explique la nécessité pour cet art de sʼaccorder à lʼévolution moderne des autres cadres formels et, comme exemple de ces «aberrations» que lʼart filmique exige, il édifie un déroutant Film de bouts de ficelles. Dʼautres réalisations nous font découvrir des concepts inédits dans lʼart : Lʼœuvre-surprise, lʼHomologie formelle, La Démonstration dont les points, les lignes et les surfaces sont figurés par des perles de bois, ou, encore la monumentale Somme hypergraphique qui, en rapport à lʼensemble des arts visuels, procède à lʼinventaire complet des modalités dʼorganisations des multi-signes. Parfois son action didactique sʼaccomplit à travers la critique, comme dans le cas de lʼune des propositions dʼun artiste contemporain dont il reprend sans le désigner, mais sous le titre explicite de What about plastic art creation?, le dispositif pour le «corriger», démontrant ainsi, contre lʼerreur dialectique de lʼartiste allemand (Joseph Beuys), les multiples possibilités des emplois précis de lʼobjet figuratif dans les arts visuels passés ou présents.

Catalogue de lʼexposition avec une présentation de Mirella Bandini
 
Vernissage le 8  novembre à 18h00
FONDATION DU DOUTE/ ÉCOLE DʼART DE BLOIS-AGGLOPOLYS
6 rue Franciade / 41000 Blois
Ouvert de 14h à 18h30 du mercredi au dimanche
Renseignements au 02 54 55 37 40. Lien : http://www.fondationdudoute.fr

dimanche 6 octobre 2013

NUIT BLANCHE AND AFTER : ANNE-CATHERINE CARON

ANNE-CATHERINE CARON
L’OREILLE ABSOLUE  ET LE PAVILLON   MUSICAL
Oeuvre symphonique excoordiste, 2013.
du 5 octobre au 2 novembre 2013
Encre et collage sur cartons entoilés.
"Sa composition symphonique se constitue d'une infinité éternelle de mouvements joints et disjoints, de nature excoordiste, - ce mouvement qui lie et délie le Tout de la masse informe de l'auditif et du non auditif.
La maturation de cette réalisation, pour la première fois montrée dans le cadre de la Nuit Blanche 2013 organisée à Paris le 5 et le 6 octobre 2013, est à l’égale de la durée de mon appartenance au mouvement lettriste.
Il m’a fallu tout ce temps pour composer cette œuvre musicale et poétique excoordiste qui a nécessité que cette dimension temporelle vécue se soit déroulée pour envisager son éclosion concrète.
J’ai dû trouver à Sa durée – Eternelle – un point de départ artificiel sur la ligne du temps conçu par l’Humain."

samedi 31 août 2013

LEMAITRE ET BROUTIN BERLIN ETE 2013

Quelques clichés des œuvres exposées et en lien un extrait vidéo de la performance réalisée pour l'occasion par Gérard Broutin
 






mercredi 3 juillet 2013

CONTE CRUEL DE LA JEUNESSE



AUTEUR : Kroc Blanc source : youtube

samedi 22 juin 2013

DEAD END



La mort tragique de Clément Méric dans des circonstances qu’il reviendra à l’enquête d’établir a suscité une grande émotion dans la presse et l’opinion. Certains ont parlé de "meurtre politique", d'autres ont évoqué une "rixe" entre bandes... Beaucoup ont voulu voir dans cette tragédie emblématique la confirmation d’un retour du refoulé « fasciste », point d’orgue des manifestations anti-mariage pour tous qui ont surpris par leur ampleur et ont permis à quelques groupuscules d’extrême droite de connaître un surcroît de visibilité. Protestations, défilés, se sont succédé, les leaders de la manif pour tous ont été montrés du doigt, des propositions d’interdiction et de dissolution de certains groupes minoritaires ont été avancées, dans un emballement généralisé dont la rhétorique vengeresse et liberticide ne faisait sourciller aucun des grands esprits critiques qui fournissent habituellement leurs lots d’éditoriaux indignés et vigilants.
On s’est beaucoup intéressé à la figure de Clément Méric (au sens propre et figuré tant l’image a joué une fonction essentielle), au point de le transformer en une icône charismatique qui rejoint la longue liste des héros tombés pour la grande cause ; le voilà maintenant entré dans la légende ("à jamais l'un des nôtres"), récupéré ici et là ; à peine enterré il devient prétexte et alibi  à toutes les revendications politiques ; la lutte « antifasciste » est pourtant un tropisme éculé de la gauche radicale, un simulacre qui rejoue les années trente quand le fascisme n’est plus que résiduel, il participe d’un folklore qui garde sa force de mobilisation et de fascination dans la mesure où ses acteurs y cherchent le frisson d’une grande histoire qui n’est plus, une cause symbolique où beaucoup découvrent l’engagement politique, rompent avec la routine de la vie quotidienne et trouvent dans l’activisme militant un groupe d’appartenance et de reconnaissance, un projet qui transcende la « barque de la vie courante », une aventure…  En va-t-il autrement chez leurs adversaires organiques skinheads, néo-fascistes, jeunesses identitaire et autres adeptes des cheveux courts et de la baston en guise de discussion ? Sans doute non.
La couverture médiatique d’un fait divers, devenu actualité majeure l’espace d’une semaine, ne laisse d’étonner et on imagine sans mal ce qu’un Roland Barthes aurait pu écrire à leur propos : la mythologie et son empire de signes ont fait disparaître le jeune homme réel que Clément Aymeric a été. Se construit désormais au fil des articles et hommages une véritable icône politico-médiatique (son portrait est à lui seul son exégèse) qui transforme le jeune homme inconnu en figure exemplaire, métaphore post-mortem d’une quasi sanctification par l’engagement à mort. Le visage de Clément Méric comme celui d’un Stéphane Hessel ou autrefois d’un Abbé Pierre s'inscrit dans cette grammaire de l'image qui gouverne les esprits et l'opinion. On lit ainsi dans POLITIS :
« En voyant ce visage, ce regard, on imagine combien de réflexions sur l’existence, de colères contre les injustices et les humiliations, de rêves pour les autres et pour lui-même devaient traverser le jeune homme. Il y a derrière ces yeux, ce front, tout un monde qui bouge. Dès lors, les pauvres mots du journalisme ordinaire l’assignant à un état, une expression – « militant d’extrême gauche » – résonnent comme une langue creuse. Cette photo rend Clément Méric à lui-même : irréductible. » (chrisophe kantcheff, 13 juin 2013)
Et dans Libération sous la plume de l’un de ses anciens professeurs :
« A 18 ans, Clément avait toute la vie devant lui. Il n’est pas tolérable qu’en France en 2013 on puisse tomber sous les coups de la haine et du fanatisme. L’indignation et l’émotion suscitées par l’exacerbation de la violence doivent réunir tous ceux qui, comme Clément, veulent vivre leur liberté passionnément. Il est grand temps de dire non à ce que nous ne voulons plus voir dans notre démocratie empoisonnée. » (Amaury Chauou)
Pour conclure ce florilège non exhaustif, mentionnons enfin un communiqué largement co-signé sur le site Mediapart :
«  Odieux et inacceptable en lui-même, le meurtre de Clément dépasse le drame individuel. Agressions contre les lesbiennes, bi-es, gays et les personnes trans, contre les immigré-es et les personnes issu-es de l'immigration, les musulman-es, actes antisémites, violences envers des militant-es antifascistes et des organisations progressistes, se sont multipliées dans toute la France comme à travers toute l'Europe. Le mensonge, la haine, la violence, la mort, voilà ce que porte l'extrême-droite, de tout temps et en tous lieux »
Il faudrait donc faire sienne cette opposition théologique entre d’un côté un jeune homme brillant, engagé, visiblement placé par les commentateurs du bon côté de la barrière, militant de la gauche divine œcuménique, et de l’autre un partisan de la « haine », du rejet de l’autre, de la violence primitive, du nationalisme étroit…  A y regarder de près l’agresseur de Clément est à peine plus âgé que lui mais offre un profil sociologique bien différent : rien qui ne le signale comme un lecteur convaincu de Rosenberg, un docteur-es-national socialisme ou l'image archétypale de la brute aryenne (comme le rappellent son nom et son prénom) mais bien plutôt le portrait d’un jeune homme en dérive aux marges de la société, la figure inquiétante autant qu'imprévisible du looser .
Esteban Morillo a grandi dans L’Aisne, département sinistré sur lequel les politiques s’arrêtent peu mais qui est la version rurale, la visibilité et les moyens en moins, d’une décomposition sociale qui explose régulièrement dans les zones de relégation et d’exclusion, nommées Banlieues, qui attendent au seuil des grandes villes gentrifiées une prospérité dont elles sont les grandes oubliées. A opposer l’un à l’autre, on finit par oublier que les idéologies et leurs bénéficiaires directs (partis et appareils bureaucratiques) séparent des individus qui partagent des intérêts communs et une condition commune, une extériorité par rapport à un champ réglé, organisé sans eux et dont ils fournissent pourtant à gauche comme à droite, une variable d’ajustement, une force d’appoint, de frappe et le gros des bataillons dans les manifestations. L’engagement militant représente une issue à la fois à la jeunesse désintégrée, marginalisée  et à une jeunesse visiblement mieux insérée qui ne se satisfait pas pourtant des "bonnes" places qu’elle obtient (Clément Meric était un brillant étudiant) et en espère sans doute d’autres que la société en l’état est incapable de lui offrir. Les succès provisoires, les réussites sociales ne parviennent pas à éteindre cet incendie que d’aucuns envisagent comme des convictions politiques profondes, arrêtées et définitives, alors qu’elles ne sont souvent qu’un pis-aller, un viatique pour exister et être reconnu, faute de mieux… Comme l’écrivait Jean Michel Mension dans le numéro 1 de l’Internationale lettriste ; « et c’est pour nous manifester que nous écrivons des manifestes », entre deux dérives, deux beuveries, les internationaux lettristes rejouaient la lutte des classes, en adoptaient la rhétorique, l’histoire,  les poncifs jusqu'à la caricature mais en fait ils expérimentaient tout à fait autre chose, un nihilisme radioactif qui empruntait pour les éprouver les formes et les formules de glorieux devanciers en attendant de pouvoir présenter leures propres concepts et armes.. et d'en user dans un espace de jeu nouveau, la ville. Certains ont fini par être rattrapés par le vieux monde avec qui ils prétendaient rompre (Guy debord marxiste impénitent et contempteur désabusé du spectacle généralisé), d’autres ont choisi de se ranger et ont adopté les idéologies qu’ils combattaient, quelques uns ont malgré tout réussi par faire de leur utopie un programme d’action et de revendication (Lemaître et Isou ont été candidats à des élections législatives pour y porter les propositions du Soulèvement de la Jeunesse), d’autres ont continué à dériver en insoumis perpétuels et en compagnons de toutes les radicalités (que l’on pense à Jean Louis Brau ). Les organisations de gauche et de droite sont depuis largement plus professionnelles, elles essaient d’offrir à ces «désoeuvrés », ces clandestins de la grande histoire, une place, une perspective plus excitante que celles offertes par la précarité, le chômage, une vie universitaire sans véritables enjeux, l’ennui et la médiocrité d’une place subie. Cette récupération de la jeunesse en révolte a fait les beaux jours de Sos Racisme, puis ensuite de la LCR, et surtout du Parti Socialiste bien sûr qui pouvait compter sur les mouvements de jeunesse ainsi encadrés pour asseoir  l’hégémonie sociale et politique de ses figures bureaucratiques et de son appareil. Combien de socialistes sont passés par l’extrême gauche notamment trotskiste avant de saisir l'opportunité de mener le changement à plus grande échelle au sein du Ps qui leur ouvrait les bras... avec les résultats que l'on sait  ! Ce Parti leur a offert des débouchés, des mandats, une carrière… Et à droite que sont devenus les anciens d’Occident dont l’avant-garde était aussi constituée de jeunes étudiants ? On en trouve certains à l’UMP qui ont eu un parcours tout à fait respectable … Quant aux jeunesses identitaires elles fournissent l’essentiel des gros bras, des services de sécurité et des colleurs d’affiche du Front National tandis que les associations de quartiers servent  de vitrine aux partis de gauche et détournent là encore les jeunes d’une lutte consciente pour leurs propres intérêts et revendications. Nationaliste, internationaliste, anticapitaliste, antiraciste, pacifiste, antifa, antisioniste, pro-palestinien, indigène de la république, néo converti à l’Islam… salut à toi ! salut à toi ! les causes ne manquent pas qui prétendent capter l’instabilité d’une jeunesse sans perspective à leur avantage et qui éloignent ces turbulents outsiders des combats qu’ils devraient mener de manière autonome, hors des grands récits idéologiques au sein desquels ils jouent toujours un rôle essentiel mais où ils  n'occupent in fine qu’une place mineure. Plutôt que de choisir un camp (la « bonne » jeunesse contre la « mauvaise », le martyr versus le salaud) on pourrait objecter que ce sont les termes mêmes du débat qui sont viciés et que le  fait divers et ces deux vies brisées devraient bien au contraire rappeler à quel point la jeunesse cherche en vain sa place, quitte à se perdre dans les pires impasses, face à une société qui ne lui renvoie en guise de dialogue social qu’un moralisme petit-bourgeois, une compassion quelque peu méprisante (pour nos apaches venus des quartiers) ou un conservatisme autoritaire (voir la condamnation de Nicolas Bernard-Busse à deux mois ferme alors qu’on ne cesse de dénoncer la surpopulation dans les prisons).
Dans le premier numéro du Front de la Jeunesse (1950) fondé par Maurice Lemaître afin de servir de tribune aux idées politiques du mouvement lettriste, on pouvait lire outre le programme du soulèvement de la jeunesse, un appel au dialogue et à l’action en direction des anarchistes et un petit article demandant la libération des miliciens dans des termes qui n’ont rien perdu de leur actualité :
« Nous avons tous fait la « résistance » ! Certains en tant que communistes, d’autres en tant que catholiques ou gaullistes. Mais nous avons tous perdu la guerre, car à nouveau nous serons bientôt obligés d’en commencer une nouvelle, et nous n’aurons plus qu’à choisir qu’entre les bagnes de la démocratie russe ou le chômage américain. Nous avons lutté pour les mêmes absurdités que nos ex-ennemis : les jeunes miliciens. Nous avons été trompés comme eux. Nous n’avons pas moins tué d’hommes dans les maquis de la résistance et sur le front, comme eux les miliciens, POUR RIEN, pour engraisser des ministres, des politiciens, des généraux pourris dont on se fiche.
LA jeunesse, au-delà de toutes les races et les frontières, comprend que LE NATIONALISME EST FAUX parce qu’il nous sépare d’autres jeunesses (soviétique, américaine, allemande, juive, arabe) qui souffrent le même esclavage que nous, la même infériorité hiérarchique. Le nationalisme nous lie à des ordures et à des sédentaires « assis » sous le prétexte qu’ils sont d’une même nation que nous. (…) Nous demandons la libération des MARTYRS MILICIENS qui ont été trompés par de vieilles barbes et condamnés par les mêmes juges qui ont juré fidélité  à Pétain ! IL ne faut pas que la jeunesse aujourd’hui paye les pots cassés :
OUVREZ LES BAGNES POUR NOS FRERES LES JEUNES MILICIENS ! UNION AVEC LES CAMELOTS DU ROI ! UNION AVEC LES JEUNES CROIX DE FEU ! VIVE LA JEUNESSE ! 

dimanche 16 juin 2013

NEWS FROM ACQUAVIVA JUNE 2013


 

ET UN HEUREUX RETOUR DE FLAMMES !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!




mercredi 6 mars 2013

CINEMA LETTRISTE AU CENTRE POMPIDOU


Le cinéma lettriste offert à travers trois propositions dans le cadre du Nouveau festival organisé par Bernard Blistène : Isou avec Amos ou Introduction à la métagraphologie (1953-1984), Maurice Lemaître Au-delà du déclic (1965) et Roland Sabatier Evoluons (encore un peu) dans le cinéma et la création (1972). Trois créations qui parmi tant d'autres témoignent d'un réenchantement    du champ cinématographique bien au delà de la désormais première vague légendaire incarnée par le Traité de Bave et D'Eternité d'Isou, Le Film est déjà commencé de Lemaître ou L'anti-concept de Gil Wolman. Le séance sera présentée par Roland Sabatier.

Lundi 11 mars 2013 à 16 heures 
Centre Pompidou, Paris, Galerie Sud
Entrée libre. 

pour en savoir plus sur le cinéma lettriste : oeuvres, auteurs, historique... 


et pour introduire le sujet 



vendredi 15 février 2013

RAYMOND ARON et guy debord (post publié initialement le 19/08/2006 sur une version "primitive" de ce blog)


La collection Quarto a rassemblé en un volume, Penser la liberté, penser la démocratie, Gallimard, une partie des textes de Raymond Aron, ceux-ci s'échelonnent des années 30 aux années 70 et représentent une très bonne introduction à l'oeuvre de ce sociologue, qui fut sans doute le meilleur lecteur de Marx, le critique le plus averti du marxisme, un intellectuel libéral engagé, le grand contradicteur de Sartre... et celui qui offrit à travers les cours qu'il dispensa et ses publications une compréhension complète et approfondie des sociétés modernes, de leurs problématiques économiques, politiques et sociales et des conflits qui les traversent. Au delà des croyances, des convictions et de l’idéalisme avec lesquels chacun appréhende la société, Aron réussit à offrir une description de son anatomie, à en spécifier les champs dominants mais aussi les singularités structurelles et leur genèse à travers des ouvrages devenus des classiques comme 18 leçons sur la société industrielle ou La lutte des classes.
Si pour changer le monde, il faut d’abord le comprendre, saisir la réalité de son organisation autant dire que les essais d’Aron reste un support indispensable pour tous ceux qui cherchent à comprendre les dynamiques économiques et sociales des sociétés modernes, dites « industrielles », les débats actuels qui animent l’espace public (croissance et chômage, les services publics et le rôle de l’état face au marché, l’innovation dans l’économie, la dialectique du local/national et du global/mondial, la recherche de nouveaux équilibres, la question européenne…), à se faire une idée juste et précise des enjeux (sommes-nous désormais dans une société post-industrielle ? quels en sont les nouveaux défis ?) et à y prendre part, que l’on soit militant, syndicaliste ou citoyens intéressé au devenir de ce monde.
C’est pourquoi ces textes, clairs, lisibles, accessibles malgré la difficulté de sujets abordés a priori au plus grand nombre, porteurs de réponses aux questions que chacun peut légitimement se poser, restent d’une remarquable fraîcheur et actualité, là où la prose « engagée » et souvent « obscure » de son grand adversaire (voir la partie Polémiques de l'ouvrage), Jean Paul Sartre, a si mal vieilli ; que reste-t-il aujourd’hui de la Critique de la Raison dialectique, de l’interminable collection de « situations » ? des « engagements » de Sartre ? Et si Aron avait eu raison, et Sartre tort ? Si le millénarisme prolétarien n’avait été qu’un mythe, le PC et l’URSS la version noire de cette utopie devant laquelle l’intelligentsia de gauche a toujours manifesté un aveuglement récurrent ? On sait maintenant ce qu’il en était… Dans son dialogue avec Sartre Aron définit les lignes du champ intellectuel français : d’un côté un libéralisme critique et pragmatique directement hérité de Tocqueville et Montesquieu, de l’autre la gauche et son soutien inconditionnel, quasi théologique, aux « damnés de la terre », parce que contradiction « objective » de ce monde, ils en représentent aussi la chance de salut et de rédemption. D’où la spécificité sans doute de cette bourgeoisie de gauche indissociable du paysage intellectuel français (on ne trouve pas d’exemple de cette rhétorique chez les travaillistes anglais, les sociaux-démocrates allemands ou nordiques) : un ouvriérisme constant, qui méconnaît au final les aspirations de la classe ouvrière et plus généralement de salariés pour leur assigner un rôle dans une fiction/mission révolutionnaire dont Aron démontre, à mesure que l’amélioration de la condition prolétarienne s’effectue par une redistribution de la richesse produite (rôle « trade-unioniste » des syndicats puissants et organisés), qu’elle est devenue le mirage d’un horizon improbable :
"Marx écrivait en 1845, avant que se développe le mouvement ouvrier. La « mission du prolétariat » était l’expression demi-mythologique d’un fait qui est partiellement réalisé un siècle après : la transformation de la condition ouvrière et humaine dans les sociétés industrielles. Nulle part, la révolution n’a amené la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme ou la conversion de l’histoire mais dans les pays de capitalisme développé ou de socialisme démocratique, le niveau de vie s’est élevé et les organisations ouvrières sont devenues une des principales forces sociales. En Union soviétique, une révolution faite au nom du prolétariat a donné la toute puissance à une bureaucratie, qui accomplit impitoyablement la tâche d’industrialisation, que Marx regardait comme la fonction propre du capitalisme. En 1952, Sartre reprend l'idée formelle de la mission historique du prolétariat sans en préciser le sens concret. Auprès de la révolution dont il rêve, le réformisme de type scandinave lui semble pâle, la révolution stalinienne un peu trop rouge. Mais cette révolution rêvée n’a-t-elle pas cette perfection des « êtres de raison » ? N’étant ni celle des réformistes, ni celle des staliniens, n’est-elle pas surtout celle qui ne peut pas se produire, celle qui autorisera indéfiniment la révolte des intellectuels parce qu’elle ne mordra pas sur l’histoire ? » (p. 434/435, in La grande peur du mal pensant)
Lors des évènements du mois de novembre qui a vu une partie des banlieues s’enflammer, cette gauche intellectuelle (davantage présente aujourd’hui dans les sciences sociales que dans la philosophie) a montré qu’elle était toujours un pôle structurant du débat public : pour celle-ci, il convient d’être toujours « engagée », souvent sans perspective ni distance critique devant l’événement, quitte à s’y abîmer, aux côtés des « opprimés », de chercher organiquement à fusionner avec ceux-ci, dans une détestation que l’on suppose partagée de l’ordre établi. A l’instar de Sartre dans sa prétention à aider la « cause du peuple », puisqu’il reste la figure emblématique de ce courant de pensée, le point de jonction avec les nouvelles catégories « d’humiliés et d’offensés » ne se fera sans doute jamais dans la mesure où celles-ci aspirent, comme les ouvriers d’hier, à trouver place et reconnaissance dans la société, s’y épanouir et non à jouer le rôle que lui a assigné une intelligentsia en mal de combustible historique et de mythologies insurrectionnelles. Le continuateur possible de la pensée de Aron pourrait être Gilles Lipovetsky (Le bonheur paradoxal, Gallimard) qui voit dans la pensée et l’éthique libérale quelque chose comme un horizon, moins exaltant que la perspective révolutionnaire marxiste, indépassable des temps hypermodernes. Mais il n’en a pas la distance critique et la défiance aux systématiques (même libérales) qui ont à tout instant marqué la démarche de ce penseur singulier, irrécupérable en définitive même par sa propre famille politique. Ce serait abusé cependant le lecteur que de présenter Nicolas Baverez, préfacier de cet épais volume comme son fils spirituel : si Aron était encore de ce monde, nul doute qu’il mettrait autant d’efforts à démystifier les illusions du néo-libéralisme actuel comme les propositions altermondialistes et les arguments des déclinologues qu’il n’en a déployé pour démystifier les sirènes du marxisme qui ont fait chaviré tant de penseurs de sa génération. Car c’est sans doute cela qui reste de son œuvre : deux dimensions qui jamais ne se dévoient l’une et l’autre. D’un côté l’observateur, le pédagogue qui explique, rend compte d’une société de plus en plus complexe, de l’autre l’intellectuel libéral engagé (pour l’indépendance algérienne, pour l’insurrection hongroise de 1956…) et libre (libre de saluer l’efficacité des méthodes du socialisme là où elles sont pertinentes, de défendre les nationalisations pour rationaliser et moderniser l’économie contre le maintien d’une multitude de propriétaires privés…, ce qui n’est pas banal pour un penseur libéral souvent conspué par la gauche). Sur ces deux terrains (connaissance du réel et inventaire des « engagements »), posons à nouveau la question : que reste-t-il de l’œuvre de Sartre ? Seule ombre au tableau : Mai 68. Si là encore il se rangeait, en adversaire de De Gaulle, parmi les réformateurs, il témoigne d’une distance embarrassée face à un événement dont il ne parvient à appréhender la nouveauté ; certes là encore les illusions et les mythologies furent nombreuses mais convoquer les avis de Tocqueville et Marx à propos de la farce révolutionnaire que fut 1848 pour en donner le fin mot reste insuffisant : le sociologue, même s’il donne des éléments d’interprétation significatifs, s’il pressent d’ailleurs ici et là les prémisses de l’économie nucléaire("La prolongation de l'apprentissage ou de la formation intellectuelle ne réduit-elle pas les jeunes, capables d’assumer les obligations du producteur et du citoyen, à une condition de dépendance comme la de puérilité contre laquelle ils protestent par la violence ? » p.1479), semble manquer le fondement même d’une problématique nouvelle et la singularité de l’événement (l’émergence d’une catégorie nouvelle, en soi, la jeunesse, issue de la forte démographie d’après-guerre, et les changements qu’elles imposent dans l’organisation des sociétés industrielles).
La même collection publie les Œuvres de Guy Debord. Tant a déjà été écrit sur le personnage, inversement proportionnel à l’épaisseur de son œuvre, qu’il est malaisé d’ajouter quelques lignes. Le grande force de l’écrivain reste sans doute d’avoir adopté la stratégie d’un Mallarmé pour qui tout ce qui prétend au sacré doit savoir s’entourer de mystère. Debord a donc dès le début organisé sa propre légende, il a lui même mis en scène ses mythologies afin qu’elles contribuent sous la plume des autres, les épigones et hagiographes, à édifier et à perpétuer son mythe et ses légendes, il a transformé ses quelques actes et écrits en autant de reliques, témoignages devant servir à l’édification des profanes : depuis la rupture de 1952 avec Isou jusqu’aux interminables panégyrique écrits ou filmés, tout n’est affaire que de pose, de posture et de récit. Peu importe les évènements, seuls leurs récits gardent une importance car ils sont destinés à survivre et à fixer dans un marbre l’écume du temps. Debord est donc un remarquable conteur : ses amis, ses amours, ses haines, ses combats, ses goûts et ses dégoûts… tout sous sa plume vibre d’une pesanteur particulière, l’austérité feinte du théoricien dissimule une conscience maladive de l’irrémédiable et du temps perdu. Dès 1958, il publie un ouvrage en collaboration avec Asger Jorn Mémoires au titre emblématique (son meilleur « travail » avec Fin de Copenhague et les Hurlements en faveur de Sade) qui déjà fixe quelques instants, comme les plans de ses films, des visages, des textes, sur lesquels il ne cessera de revenir. Il était une fois… , c’est une légende, c’est un conte. Tout cela a-t-il vraiment existé ? Qu’importe, comme les histoires d’enfant, le vrai, le faux, l’imaginaire et le réel se mêlent : la clochardise des jeunes internationaux lettristes y est transfigurée en insurrection permanente contre la société, les quelques infractions transformées en moments héroïques de la lutte, les camarades de beuverie en héros significatifs, les quelques textes en avant-garde théorique du prolétariat mondial, les quelques productions de l’époque en dernières œuvres d’art possibles, la banalité de la vie quotidienne en une suite d’anecdotes extraordinaires… Tout cela est à la limite de la fantasmagorie mais comme par ailleurs l’œuvre de Debord ne dépasse pas les limites de la littérature, qu’elle s’y tient irrémédiablement, qu’elle ne parle jamais que d’elle même, et jamais du monde réel, de la société réelle, des conflits réels qui s’y déroulent et des transformations réelles qui doivent y être portées et défendues par une gauche qui ne trouve pas grâce à ses yeux, on ne saurait lui faire grief d’être à ce point hors du monde, dans une quatrième dimension qui tient davantage du polar d’anticipation que du Que faire ? de Lénine. La littérature classique avec laquelle il louvoie et se ressource, seuls interlocuteurs fréquentables dans des temps de profonde médiocrité spectaculaire et marchande, est pléiadisée depuis longtemps, on voit mal ce que Debord lui apporte, si c e n’est la nostalgie d’une aristocratie de l’esprit et de la plume, qui le rapproche plus des légitimistes et conservateurs qui maudissaient la révolution et les projets égalitaristes de la démocratie, à la restauration, que de Marx et Bakounine. Guy Debord reste donc un déclinologue averti ! Pour le reste, les théories délirantes du tout complot, du tout manipulation, du spectacle généralisé et du folklore situationniste, il est hélas notoire que l’époque est particulièrement sujette à ce type d’emballement paranoïaque depuis ceux qui nous expliquent que le 11 septembre n’a pas vraiment eu lieu, qu’il s’agirait d’un complot judéo-machin-truc jusqu’à Mulder des X-Files (« la vérité est ailleurs »), Dark city ou Matrix, et aux rumeurs qui circulent sur la toile colportées par des sentinelles vigilantes, persuadées que la conspiration est mondiale, la presse et l’économie entre les mains de puissances obscures, celles du Grand Méchant Kapital, de la CIA, du FMI, etc., etc… La Société du spectacle vulgarisée ne manque pas d ‘épigones peu talentueux, mais cette théorie appelait-elle une autre postérité et comment s’en étonner ? De tout cela il reste un ton, un style et un nom, dont le succès est d’autant plus grand que plus personne aujourd’hui ne lit vraiment Marx et que le copier/coller à l’œuvre dans La Société du Spectacle est devenu le langage dominant de nos contemporains. Méritait-il les honneurs de cette collection qui compte les écrits de Michel Foucault, Georges Duby, Raymond Aron ? Les collections L’imaginaire ou Rivage Noir n’étaient-elles pas davantage adaptées pour assurer la publication cette séduisante autant qu’inquiétante fiction ?