mercredi 31 août 2011

TILL DEATH TEAR US APART

"Est-ce que vous croyez que Graham Bell a fait une étude de marché avant d’inventer le téléphone ?. Est-ce que Léonard de Vinci a fait une enquête avant de peindre la Joconde ? "
Peu d'individus peuvent prétendre avoir de leur vivant opérer une véritable révolution de la vie quotidienne, Steve Jobs était l'un d'entre eux. Les Cahiers saluent le rêveur intarissable, le visionnaire et l'homme d'affaire accompli. En lui souhaitant une postérité plus ambitieuse encore !

mercredi 17 août 2011

YOUTH AGAINST CAPITALISM AND SOCIALISM

Le calme semble provisoirement revenu en Angleterre, le politique a repris de manière musclée la main, c'est l'occasion pour nous de revenir sur les différents discours et commentaires qui se sont attachés ici en France et en Angleterre à expliquer et à mettre en perspective les récentes émeutes dont la violence et l'ampleur ont sidéré l'opinion. Deux grands types de réaction se distinguent : les conservateurs, la droite, d'une part, qui de manière décomplexée évoquent dans la plus grande confusion une "crise des valeurs", la "culture des gangs", la famille disloquée, des parents absents, le culte de la consommation sans temps morts ni entrave... Ces explications qui ne sont en fait ni vraies ni fausses en elles-mêmes (opinions) renvoient la responsabilité exclusive de la violence sociale aux émeutiers, en passant sous silence les carences de l’État, l'absence de perspective économique, les politiques d'austérité qui ont vraiment de quoi désespérer tous les Tottenham d'Angleterre et d'ailleurs, l'impunité d'une prédation financière qui prive la collectivité des moyens de sa cohésion et de son développement... Ce sont autant de classiques de l'opinion conservatrice qui en appelle de fait à une gestion policière de ce qui reste à ses yeux un problème d'ordre public.
Du côté de la gauche (Voir les dossiers du Monde, les posts et articles sur Mediapart, Le nouvel Observateur, Libération dont certains figurent en annexe), se décline une toute autre doxa dont les tenants et les aboutissants sont pourtant tout aussi discutables. Certains pointent le désengagement de l’État Providence sous les injonctions d'une dérive "néolibérale" en méconnaissant la profondeur historique et les grandes caractéristiques de la société anglaise. Le gouvernement travailliste de Tony Blair dénoncé ici comme le grand satan social-libéral a de ce point de vue un mandat plus qu'honorable qui a de quoi faire rougir la gauche française et les deux septennats de François Mitterand : multiplication du budget de l'Education par 10, augmentation du financement des services publics à hauteur de 150 milliards, instauration d'un Salaire minimum, baisse du chômage, forte croissance, politique généreuse d'immigration... Le miracle économique a pourtant des revers indéniables : financiarisation de l'économie, consommation encouragée par un surendettement des ménages (voir le poids de la dette privée sans commune mesure avec la France), sortie du chômage pour une insertion professionnelle au rabais qui ne protège pas de la pauvreté (les fameux petits jobs), persistance d'un sous-prolétariat qui n'accède plus à l'emploi officiel et organise l'économie de l'illégalité pour survivre (gangs) d'où le durcissement des logiques de sécurité (vidéosurveillance). Quand les commentateur français déplorent les "reculs" de l’État providence, ils oublient un peu vite qu'il n'y a pas de culture des services publics "à la Française" en Angleterre, que la société repose davantage sur l'individu et les communautés que sur les administrations et le rôle centralisateur de l’État. Dès le deuxième jour des émeutes des citoyens s'organisaient pour protéger leur quartier et dissuader les émeutiers (700 personnes à Southall !), on a aussi noté des mouvements de solidarité comme dans les cas de catastrophe naturelle à destination de ceux qui avaient tout perdu dans les incendies (collectes et dons), c'est en vain qu'on chercherait un équivalent lors des émeutes de 2005 en France (sans parler du succès de la délation). Ces exemples devraient inciter les apôtres du tout-état à plus de prudence : il y une société civile qui agit et interagit en amont et au delà de l’État et de ses monopoles (sur la solidarité notamment). D'autres ont pointé le contexte de crise, l'effondrement d'un système en bout de course qui prive à la fois les jeunes des emplois espérés et le gouvernement des ressources qui pourraient financer des politiques ambitieuses de relance. On reproche à raison au gouvernement conservateur de céder à la pression et aux injonctions de la finance (lutte contre les déficits), d'abandonner ainsi les intérêts de ses concitoyens au nom d'une austérité nécessaire (qui est d'ailleurs l'autre visage de la décroissance tant prisée ici à gauche), on connait leurs diatribes contre la "mondialisation" et le "néolibéralisme". Tout cela est en partie vrai mais insuffisant (sans parler de l'incapacité de la gauche à installer des politiques de plein emploi quand ils sont aux affaires). D'autres enfin plus rares s'intéressent plus particulièrement au profil des émeutiers et soulignent l'existence d'une problématique générationnelle qui place la jeunesse au rang des grands perdants de toutes les politiques qu'il s'agisse de période de croissance ou d'austérité, avec ou sans les bienfaits de l’État-providence. Non sans un certain lyrisme romantique, quelques uns se hasardent même à ressusciter "ruses de la raison" historique, en voyant dans ces émeutes une extension du "domaine de la lutte des indignés", la fin du capitalisme, la purification du monde, la justice universelle, blablablabla...
Là cependant où la démonstration pêche notablement, c'est à propos des solutions que les uns ou les autres entendent apporter, une fois le diagnostic établi et partagé par tous. A gauche surtout, on voit revenir les classiques dont on mesure chaque jour en France l'inefficacité : plus d’État sans jamais que son rôle et ses missions à l'égard des jeunes soient clairement identifiés, renforcement du nombre des fonctionnaires, bureaucratisation de la société civile à leur bénéfice, relance par la consommation qui concerne prioritairement ceux et celles qui possèdent déjà un emploi, création ad hoc de vrais/faux emplois qui visent à maintenir l'ordre et la paix sociale en espérant que les intéressés n'exigent pas mieux et plus... L'impensé marxiste qui hante la gauche intellectuelle la conduit à déchiffrer la question sociale en terme d'inégalités de revenus, de redistribution de la richesse produite, elle n'envisage en conséquence pour les exclus, les outsiders qu'une allocation d'assistance qui installe un contrat social asymétrique, une relation de pouvoir de l'un sur l'autre et la réification à une place et un statut au rabais. J'ai pourtant noté un post surprenant sur le site de Médiapart qui sans doute est bien plus riche en perspectives réformistes que la générosité toujours un peu suspecte des dames patronnesses de gauche. Dans ce texte très stimulant (
Londres, prédateurs d'en haut et prédateurs d'en bas), Dominique G Boulié se place avant tout sur un plan anthropologique et n'oppose pas la base et le sommet, les classes sociales entre elles dans une lutte dialectique, les riches versus les pauvres, il montre a contrario l'identité des moyens et des fins chez les uns et les autres dans l'appropriation violente (la prédation). Cette analyse reprend en fait sous une forme actualisée les arguments de Marx et Engels à propos du lumpenprolétariat ; ces derniers dénonçaient en effet en leur temps cette véritable voyoucratie, constituée des laissés-pour-compte surnuméraires du développement industriel, prête à se vendre à la bourgeoisie moyennant quelques subsides et à prendre les armes contre les prolétaires. L'exemple des maffias à l'heure de la mondialisation est à ce titre hautement significatif : Dominique Boulié a raison de rappeler qu'elles sont désormais tout autant à l'aise dans le crime de sang au local que dans la bonne gestion de leurs intérêts sur les marchés financiers au global. La sociologie de gauche redoublera d'empathie pour les uns (la délinquance des quartiers) et d'indignation morale vis-à-vis des autres (les "paradis fiscaux"). La prédation apparaît bien pourtant comme le langage dominant de l'époque qu'on ne peut contester qu'en lui opposant un contre-modèle économique et social. On peut ainsi distinguer, en prolongeant la leçon de Dominique Boulié trois modalités de l'interaction avec autrui : la prédation, le don et le contrat avec pour horizon la démocratie et l'égalité réelle de toutes ses acteurs. La prédation substitue à l'état de droit et à la reconnaissance interindividuelle le fait brutal, la négation de l'autre comme un égal, sa dépossession et son exploitation : les pillages durant les croisades, l'expansion de l'empire colonial européen, la spoliation des biens juifs par les nazis par exemple... Il n'y a pas d'horizon démocratique à la prédation généralisée (la féodalité ou la dictature), de ce point de vue la dénonciation des dérives de la finance comme une menace pour la démocratie est parfaitement justifiée. So What ? La gauche oppose toujours aux marchés financiers le rôle régulateur et bienfaiteur de l’État providence (la redistribution comme variation du don, garant de la justice et de la cohésion sociale). Or le don repose sur une asymétrie fondatrice, il justifie une inégalité des statuts en maintenant le bénéficiaire dans une situation de minorité permanente, il installe ce dernier dans la toile d'araignée d'une bureaucratie qui prospère sur son infériorité entretenue (éducateurs, psychologues, enseignants, travailleurs sociaux, experts et spécialistes en "malaise social") sans jamais que ce dernier puisse s'en émanciper si ce n'est d'ailleurs comme en 2005 par la violence (quelle non-surprise que de voir des écoles partir en fumée). La survie, une citoyenneté diminuée (dont l'anagramme est démuni) sont l'horizon indépassable sous lequel sont installés et condamnés avec les meilleures justifications du monde (comment en vouloir à tant de mansuétude et de générosité ?) des pans entiers de notre société, qui comptent sans doute en ses rangs les meilleurs et les plus prometteurs. Réduire les inégalités pour réduire la violence sociale ? soit, mais cela ne sera pas suffisant ; au don et la prédation, j’opposerai plutôt les vertus émancipatrices du contrat : la reconnaissance des jeunes comme des sujets économiques et politiques à part entière qui ont vocation à entrer dans une relation contractuelle (droits et obligations) avec autrui. Il ne s'agit plus à cet effet d'augmenter la redistribution en développant de manière tentaculaire l’État providence mais d'augmenter la "capabilité" (Amyarta Sen) des bénéficiaire (le fameux "empowerment"), de leur accorder la reconnaissance et les moyens matériels de l'exercer notamment sur le marché des biens et des services (comme consommateur mais aussi producteur et créateur). On peut gloser ad nauseam sur le pillage consumériste, sur le malaise social, existentiel dont il serait le symptôme, il ne dit rien d'autre que la plus banale évidence : je veux, je prends parce que je n'ai pas les moyens de pratiquer autrement l'échange et ce tant que cette jeunesse sera installée dans la marginalité économique, politique et sociale. Se libérer de la finance et de ses propriétaires mais aussi de l’État, de sa bureaucratie compassionnelle (le politique compassionnelle qui est la politique sociale des conservateurs très en vogue aux USA et dont la gauche française à travers le care assure la promotion hexagonale), l'un comme l'autre ne proposant au final qu'une société de misère, où certains sont réifiés à une place dégradée, société dont l'essentiel des ressources se voit cooptée par les insiders avec quelques miettes pour les marges et les perdants. Voilà bien la ligne révolutionnaire qui permettrait de donner des débouchés à tous ces impatients qui dépensent pour l'heure leurs talents, leur créativité dans la violence et la petite délinquance. C'est parmi cette "canaille" là que sommeillent les possibilités d'un épanouissement individuel au bénéfice de la société mais aussi les opportunités de croissance, de prospérité qui ne demandent qu'à être libérées. L'austérité ? non merci ! Standar's and Poors ? non merci ! Pierre Bourdieu ? Non merci ! Place aux externes !
ps : je prends connaissance de la proposition de François Chérèque, leader de la CFDT, homme progressiste et intelligent (imaginons les autres...), il appelle à la tenue d'un sommet social pour trouver des solutions à la crise qui mettrait autour de la table le gouvernement, les représentants du patronat et des syndicats. Les jeunes, les externes, les outsiders n'y sont encore une fois pas associés..jusqu'à la prochaine émeute ?

liens :

http://blogs.mediapart.fr/blog/dominique-g-boullier/120811/londres-predateurs-d-en-haut-predateurs-d-en-bas

http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/08/17/grande-bretagne-le-taux-de-chomage-repart-a-la-hausse-surtout-chez-les-jeunes_1560393_3214.html

http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/08/16/emeutes-les-jeunes-ne-doivent-pas-etre-les-grands-oublies-des-projet politiques_1559943_3232.html#ens_id=1560245

Florence Faucher-King, Patrick Le Galès
Tony Blair (1997-2007), Le bilan des réformes
Presses de Sciences Po, collection Nouveaux débats, 2007

mardi 16 août 2011

UNE REVOLTE MONDIALE DE LA JEUNESSE (MICHEL FIZE)

Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Italie, Grèce, Espagne..., aujourd'hui Grande-Bretagne... et Israël, la liste des pays n'en finit pas de s'allonger, qui montre des jeunes en colère, "indignés" ou "émeutiers". La jeunesse, depuis trois ou quatre décennies, était unie pour le meilleur : les festivités musicales ou sportives, les JMJ (Journées mondiales de la jeunesse...). Elle l'est dorénavant aussi et surtout pour le pire : le chômage et la précarité, la rigueur du présent, l'inquiétude du lendemain.
Pour cette raison, les émeutes qui ont eu lieu à Londres et dans les autres villes d'Angleterre ont offert, avec celles de 2005 dans les banlieues françaises, des similitudes qu'il faut à présent préciser.
Dans l'un et l'autre cas, elles débutent dans des quartiers pauvres : Tottenham à Londres, les cités populaires en France. Des quartiers à grande concentration de jeunes issus de familles immigrées : surtout antillaises à Londres, surtout maghrébines et africaines subsahariennes (et antillaises aussi) chez nous.

Tant à Londres qu'en région parisienne, ces émeutes mettent en scène des jeunes, souvent très jeunes (10-13 ans), qui sont moins des voyous (les émeutiers français étaient, pour leur grande majorité, sans passé judiciaire et assez normalement scolarisés ; les enquêtes en cours à Londres concluront probablement de la même manière le moment venu), jeunes donc qui sont moins de la "racaille" que des désespérés - désespérés qui, n'ayant plus rien à perdre, sont prêts à tout, à tout pour qu'on leur accorde un peu d'attention et de reconnaissance.

Tandis que d'autres jeunes, en Grèce ou en Espagne, s'indignent en verbalisant leurs revendications (ils ont les capacités intellectuelles nécessaires pour cela), qu'ils réunissent groupes de travail et assemblées générales, ces jeunes-là, ceux des quartiers populaires, s'expriment par des violences.

Par leur fureur, les jeunes Anglais, à l'image des jeunes Français naguère, crient ainsi leur désespoir et leur colère à la fois. Ils se vengent aussi de la police qui les maltraite si souvent en temps ordinaire (on ne dira jamais assez combien le contentieux entre les jeunes et les forces de l'ordre nourrit les violences urbaines).

A Londres, comme à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ou d'autres cités populaires, cette jeunesse, qui se sent abandonnée, méprisée, s'en prend désormais aux symboles de cette richesse capitaliste à laquelle elle sait qu'elle ne peut accéder. Alors, bien sûr, elle "pille" ces objets de consommation qui lui font tant envie. Les "temples du commerce" aujourd'hui saisis ressemblent à s'y méprendre aux châteaux forts, gonflés des fortunes seigneuriales, que les miséreux attaquaient avec rage pour se venger de leur infortune.

La jeunesse est moins dangereuse qu'en danger. La répression policière, décrétée aujourd'hui par le premier ministre, David Cameron, ne résoudra rien durablement en Angleterre, comme elle n'a rien résolu, ni en France ni dans aucun autre pays confronté à pareil problème social.

Les solutions ? Elles existent mais demandent courage politique et bonne volonté économique. Quelles sont-elles ?

Un meilleur partage des richesses pour faire de nos sociétés des sociétés plus justes et plus équitables où chacun, jeune ou vieux, homme ou femme, Blanc ou Noir, puisse décemment vivre sans craindre le lendemain. Une classe politique plus proche des réalités sociales et moins des puissances d'argent. Solutions bien improbables ou bien lointaines. Alors quoi ? Des solutions sociales. L'établissement, par voie de médiation, d'un dialogue entre les pouvoirs publics et la jeunesse, qui a besoin que l'on reconnaisse la gravité de la situation dans laquelle on la tient et maintient - un scandale humain et une indignité démocratique à la fois.

Echec scolaire, chômage, précarité, dépendance : les jeunes en ont assez de cette vie de galère, de regarder passer les trains de la richesse. Il est temps, pour les Etats et les acteurs économiques, de définir pour eux de grands programmes d'insertion professionnelle. La jeunesse a moins besoin d'être punie ou "rééduquée", que d'être acceptée et insérée au coeur de nos sociétés.

MICHEL FIZE IN LE MONDE DU 16/08/2011

samedi 13 août 2011

UPPER CLASS, OUTSIDERS, LOOSERS & MISFITS

Derrière la façade libérale et les multiples success stories, l'Angleterre compte pourtant ses classes pauvres, comme enlisées dans la misère. «Nous détenons le triste record des familles où personne n'a jamais travaillé, où l'on est chômeur de père en fils», se lamente Tim, un professeur qui se dit «de gauche». Quelque 7 % de la population active est en longue maladie, quelque 20 % des jeunes sont au chômage dans les quartiers déshérités de Londres, où la moitié des familles vivent sous le seuil de pauvreté. À des années-lumière du monde de la City, à quelques centaines de mètres pourtant. Car ici les écarts cohabitent. Les milliers de petits cottages tous semblables dissimulent des extrêmes.
http://www.lefigaro.fr/international/2011/08/12/01003-20110812ARTFIG00470-l-angleterre-unie-face-aux-emeutiers.php

Friedrich Engels à propos du lumpenprolétariat parisien

La garde mobile qui est recrutée, dans sa plus grande partie, dans le lumpen-prolétariat parisien, s'est déjà beaucoup transformée, dans le peu de temps de son existence, grâce à une bonne solde, en une garde prétorienne de tous les gens au pouvoir. Le lumpen-prolétariat organisé a livré, sa bataille au prolétariat travailleur non organisé. Comme il fallait s'y attendre, il s'est mis au service de la bourgeoisie, exactement comme les lazaroni à Naples se sont mis à la disposition de Ferdinand. Seuls, les détachements de la garde mobile qui étaient composés de vrais ouvriers passèrent de l'autre côté.

Mais comme tout le remue-ménage actuel à Paris semble méprisable quand on voit comment ces anciens mendiants, vagabonds, escrocs, gamins et petits voleurs de la garde mobile que tous les bourgeois traitaient en mars et en avril de bande de brigands capables des actes les plus répréhensibles, de coquins qu'on ne pouvait supporter longtemps, sont maintenant choyés, vantés, récompensés, décorés parce que ces « jeunes héros », ces « enfants de Paris » dont la bravoure est incomparable, qui escaladent les barricades avec le courage le plus brillant, etc., parce que ces étourdis de combattants des barricades de Février tirent maintenant tout aussi étourdiment sur le prolétariat travailleur qu'ils tiraient auparavant sur les soldats, parce qu'ils se sont laissé soudoyer pour massacrer leurs frères à raison de 30 sous par jour ! Honneur à ces vagabonds soudoyés, parce que pour 30 sous par jour ils ont abattu la partie la meilleure, la plus révolutionnaire des ouvriers parisiens !

In Les journées de juin 1848

FRIEDRICH ENGELS A PROPOS DU PROLETARIAT ANGLAIS

Ces centaines de milliers de personnes, de tout état et de toutes classes, qui se pressent et se bousculent, ne sont-elles pas toutes des hommes possédant les mêmes qualités et capacités et le même intérêt dans la quête du bonheur ? Et ne doivent-elles pas finalement quêter ce bonheur par les mêmes moyens et procédés ? Et, pourtant, ces gens se croisent en courant, comme s'ils n'avaient rien de commun, rien à faire ensemble, et pourtant la seule convention entre eux, est l'accord tacite selon lequel chacun tient sur le trottoir sa droite, afin que les deux courants de la foule qui se croisent ne se fassent pas mutuellement obstacle ; et pourtant, il ne vient à l'esprit de personne d'accorder à autrui, ne fût-ce qu'un regard. Cette Indifférence brutale, cet isolement insensible de chaque individu au sein de ses intérêts particuliers, sont d'autant plus répugnants et blessants que le nombre de ces individus confinés dans cet espace réduit est plus grand. Et même si nous savons que cet isolement de l'individu, cet égoïsme borné sont partout le principe fondamental de la société actuelle, ils ne se manifestent nulle part avec une impudence, une assurance si totales qu'ici, précisément, dans la cohue de la grande ville. La désagrégation de l'humanité en monades, dont chacune a un principe de vie particulier, et une fin particulière, cette atomisation du monde est poussée ici à l'extrême. Il en résulte aussi que la guerre sociale, la guerre de tous contre tous, est ici ouvertement déclarée. Comme l'ami Stirner 1, les gens ne se considèrent réciproquement que comme des sujets utilisables ; chacun exploite autrui, et le résultat c'est que le fort foule aux pieds le faible et que le petit nombre de forts, c'est-à-dire les capitalistes s'approprient tout, alors qu'il ne reste au grand nombre des faibles, aux pauvres, que leur vie et encore tout juste.
Et ce qui est vrai de Londres, l'est aussi de Manchester, Birmingham et Leeds, c'est vrai de toutes les grandes villes. Partout indifférence barbare, dureté égoïste d'un côté et misère indicible de l'autre, partout la guerre sociale, la maison de chacun en état de siège, partout pillage réciproque sous le couvert de la loi, et le tout avec un cynisme, une franchise tels que L'on est effrayé des conséquences de notre état social, telles qu'elles apparaissent ici dans leur nudité et qu'on ne s'étonne plus de rien, sinon que tout ce monde fou ne se soit pas encore disloqué.
In La situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845)

mardi 9 août 2011

LONDON'S BURNING ? YOUTH UPRISING ?


SOURCE : http://www.thetimes.co.uk/tto/news/