dimanche 13 décembre 2015

LE REPUBLICANISME EST-IL UN HUMANISME ?




"Eugène arriva à Paris le 17 mai. La Commission exécutive avait succédé au gouvernement provisoire. Tout le monde voyait arriver l’explosion. Bourgeois et ouvriers voulaient en découdre. À longueur de journée la foule déambulait sur les boulevards, tandis qu’on manifestait sur la chaussée. Les incidents étaient quotidiens. La fermeture des Ateliers nationaux fut l’étincelle, qui mit le feu aux poudres. Le jeudi 22 juin 1 500 manifestants se séparèrent à la nuit au cri de À demain les barricades ! En même temps, devant la faiblesse de la Commission exécutive, une manœuvre politique, sans doute initiée par les républicains du National et ceux de la Réunion de la rue de Poitiers, s’amorçait dans le but de confier le pouvoir à Eugène. La Commission exécutive entra en agonie dans la nuit du vendredi au samedi. On murmurait de plus en plus à l’Assemblée et en ville : un homme, un sabre, Cavaignac. Le samedi 24 au matin, l’Assemblée vota le texte suivant :
Paris est mis en état de siège. Tous les pouvoirs exécutifs sont délégués au général Cavaignac.
Les premières barricades apparurent le vendredi matin. Eugène ne voulut pas recommencer les erreurs tactiques de juillet 1830 et de février 1848. Il laissa l’insurrection se développer, puis il fixa les insurgés sur leurs barricades. Ils étaient mal commandés et l’insurrection s’essoufflerait. Tous les récits des journées de juin s’accordent sur l’atrocité des combats et la rage de tous les combattants. Eugène fit donner l’assaut le lundi matin. À midi l’insurrection était réduite. En début d’après-midi il adressait un message à l’Assemblée : Il n’y a plus de lutte dans Paris. Mais le bilan de l’opération était lourd : des milliers de morts et de blessés, des centaines de maisons détruites, des quartiers défigurés, une vague de haine déferlant de tous côtés. Une sévère répression commença dès le lendemain.
 
Le mercredi 28, Eugène déposa les pouvoirs qui lui avaient été confiés le 24. Le pays était las des clubs, des émeutes et des manifestations. L’Assemblée en prit acte et vota à l’unanimité le décret suivant : L’Assemblée nationale confie le pouvoir exécutif au général Cavaignac qui prendra le titre de président du Conseil et nommera le ministère. Ce texte de circonstance plaça Eugène à la tête du pays pendant six mois. Il s’installa avec sa mère à l’Hôtel de Matignon.
Le passage d’Eugène au pouvoir fut marqué par la remise en route de l’activité du pays et par la préparation d’une constitution, qui fut votée au début de novembre. Celle-ci prévoyait l’élection du président de la République au suffrage universel. Eugène fut candidat. Emporté par son tempérament et mal conseillé par des politiciens plus roués que lui il multiplia les erreurs politiques et brouilla son image. Ne perdant pas une occasion d’évoquer la mémoire de son père et de son frère et de s’affirmer bon républicain, il prit des mesures d’inspiration réactionnaire, telles que le rétablissement de la journée de travail à 12 heures et l’imposition du passeport aux ouvriers qui voulaient changer de département et choisit trois anciens orléanistes lors du remaniement ministériel du 13 octobre".
Pierre Givaudon, « Eugène Cavaignac (1802-1857) », Bulletin de la Sabix
 
 

vendredi 4 décembre 2015

LE SOCIALISME EN 2015 / PHASE TERMINALE D UNE REVOLUTION CONSERVATRICE



"On pourra toujours arguer que le rouge est la couleur des socialistes. Mais c’est bien sous le signe du drapeau tricolore que Manuel Valls a lancé jeudi soir un appel à la mobilisation électorale, à trois jours du premier tour des régionales. Trois semaines après, les attentats de Paris ont imprégné son unique meeting de campagne, à Paris, pour soutenir Claude Bartolone. «Le 13 novembre, on a voulu s’en prendre à nos fondements, il faut donc revenir à nos fondamentaux : liberté, égalité, fraternité», lance le Premier ministre devant 2 000 personnes réunies à la Halle Carpentier.
Imprimé en trois couleurs, le texte de son allocution distribué avant qu’il ne monte à la tribune, s’intitule «Bleu, blanc, rouge. Notre cœur, notre esprit, notre réponse». C’est d’ailleurs avec cette formule qu’il conclura son discours d’une trentaine de minutes, la voix éraillée, devant une salle debout brandissant des drapeaux français et du PS, portant le poing et la rose. Comme un petit air de 2007, dans les meetings de campagne de Ségolène Royal. Avant Valls à la tribune, Patrick Pelloux, médecin urgentiste et membre de l’équipe de Charlie Hebdo, avait, lui, loué «le bleu des policiers, le blanc des hôpitaux et le rouge des pompiers». 
Liberté, égalité, fraternité, «voilà la sève de ce que nous sommes, déclame Manuel Valls, c’est le cœur de notre idéal et donc de notre engagement». «Voilà notre programme», insiste le chef du gouvernement, reprenant l’antienne de tous les dirigeants socialistes, qui espèrent un sursaut dans les urnes dimanche. «Cette élection qui va avoir lieu, c’est la plus noble des réponses que la démocratie peut faire à la barbarie et aux ennemis de la République […] C’est la réponse que nous allons donner à ceux qui ont voulu entrer, par la violence absolue, dans notre Histoire», estime Manuel Valls, pour qui «dans ces circonstances, se rendre aux urnes est plus qu’un devoir, c’est une exigence».

«La sécurité est une valeur»


Invitée à ouvrir le meeting avant les discours de Valls et de Bartolone, la maire de Paris, Anne Hidalgo, avait remercié l’exécutif pour la réponse en matière de sécurité et de protection après les attaques du 13 novembre, tout en faisant entendre sa petite musique sur les causes sociales de la dérive de certains jeunes Français. A rebours du discours porté par Manuel Valls depuis trois semaines. «La question sociale n’excuse pas tout mais parfois, quand même, il y a des fragilités appliquées à des situations sociales complexes dans lesquelles on peut avoir le sentiment qu’on n’a pas sa place et ça peut conduire à la folie», a fait valoir l’édile.

Indirectement, Valls lui répond en prenant sa casquette d’ancien maire d’Evry et donc connaisseur des banlieues. «Nous poursuivons nos efforts notamment contre la radicalisation, sans chercher de soi-disant explications», souligne-t-il avant de fermer la porte à tout débat supplémentaire avec un argument massue : «Il n’y a pas d’explication, de justifications qui ne soient pas des insultes à la mémoire des victimes».
Avant de rendre hommage au président de l’Assemblée nationale – «un homme d’expérience qui connaît bien la diversité de nos territoires qui sait rassembler» – Manuel Valls dresse le bilan de son gouvernement depuis un an et demi en matière d’égalité, de l’instauration du tiers-payant pour tous à la création de postes dans l’Education nationale. Mais c’est sur ses fondamentaux qu’il revient toujours : fermeté et sécurité. «J’en ai assez de ces idées qui voudraient que quand la gauche protège, quand elle est ferme, quand elle parle de sécurité, d’ordre républicain, elle s’éloigne de ses valeurs. La sécurité est une valeur, elle est au cœur de notre programme pour les Franciliens», tempête le Premier ministre."