mercredi 10 décembre 2008

PUBLICATIONS/MANIFESTATIONS

Deux nouveaux projets de revue viennent de voir le jour :

- Terrorisme Intellectuel (TI) qui rassemble quelques textes déjà connus mais dont la lecture s'avère toujours aussi profitable. La nouveauté vient donc moins ici des textes, que de la volonté éditoriale de prendre date, d'occuper l'espace culturel contemporain, d'y dialoguer, dans la réfutation méthodique et organisée de ses valeurs.

- Thot, qui rassemble un ensemble de contributions plus large, moins militant sur la ligne, mais tout aussi engagé dans la promotion des propositions plastiques des artistes publiés.

Ces deux revues, confidentielles, ne doivent sans doute pas être regardées comme des "rappels à l'ordre" à l'usage d'un monde qui roule sur lui même dans l'indifférence et l'ignorance - position défensive qui a longtemps été adoptée par les lettristes - Cette posture destinée à entériner l'histoire passée, à y figurer en héros révolus, s'efface ici sous les actes offensifs que représente chacun des textes publiés ; autant de prises de positions qui cherchent à définir et à imposer des lignes, des places et des cohérences à l'intérieur du lettrisme comme dans le champ de la culture contemporaine.

Cette inversion stratégique traduit sans doute un retour du lettrisme dans la Cité, retour souligné par l'apparition de nouveaux noms mais aussi par les titres mêmes choisis pour les deux revues, hautement chargés de négativité, auxquels le lettrisme ne nous avait plus habitué depuis LaDictature Lettriste. A suivre donc.


Marie-Eve Lacasse dans le cadre de ses travaux universitaires a réalisé une série d'entretiens (F. Acquaviva, Roland Sabatier et moi-même) sur le lettrisme. Ils sont désormais consultables en ligne sur le site La vie de biais (http://laviedebiais.net/fr/interviews/).


François Poyet continue à exposer sa collection de tableaux d'Isou, une occasion trop rare pour ne pas être ici signalée ; après le Centre culturel Roumain, c'est à la bibliothèque du Trocadéro (et jusqu'au 20 décembre) que celle-ci a élu domicile.





mercredi 29 octobre 2008

CRISIS !

CRISIS

Voilà que le vieux Marx fait encore actualité là où personne ne l’attendait plus… Même les plus libéraux avaient fini par oublier que le modèle économique dominant aujourd'hui, que nous nommerons pour faire court Capitalisme financier, n’en continue pas moins de posséder les mêmes travers structurels que feu le capitalisme industriel d’hier : il n’avance que par les crises qu’il génère et qu’il doit, avec les secours de l’ensemble de la société (farce ultime !) résoudre pour prospérer et contribuer malgré tout à un relatif épanouissement de cette même société… mais au prix de combien de luttes !
La crise actuelle ne se résorbe pourtant dans aucun des précédents du 19ème et du 20ème siècle par bien des aspects ; de quoi s’agit-il donc ? Sans jouer les Cassandre et les dames Irma de l’économie politique (laissons cela aux économistes dont le gai savoir vient d’être mis à rude épreuve, ce qui n’ôte en rien la pertinence d’analyse d’un Daniel Cohen ou d’un Jacques Généreux), il semble qu’une période historique peut trouver en cette crise son point d’aboutissement : cette période est grosso modo celle d’une mondialisation reposant sur la priorité donnée à la circulation libre des capitaux notamment au détriment des instances de régulation (légitimité plus que douteuse du FMI, retrait des Etats et disqualification de l’Etat providence, paralysie de la construction européenne), processus accéléré par l’utilisation des nouvelles technologies informatiques qui modifient comme jamais auparavant la temporalité de la vie économique (dans les décisions, les montages financiers, les « bulles » spéculatives d’où cette impression que l’on quitte une crise pour en retrouver aussitôt une autre).
La mondialisation économique achevée (on sait que sur le plan décisif de la question sociale tout a contrario reste à faire et que l’organisation syndicale internationale qui porte les revendications complexes de centaines de millions de salariés n’a que trois d’existence !) oblige cependant à la recherche commune et pour tous de solutions, car elle frappe tout le monde, même si les effets varient grandement d’un pays à l’autre (que l’on compare par exemple les situations respectives de l’Allemagne et de l’Angleterre). Cette période placée sous le signe du « laisser-faire », a permis, la gauche l’oublie souvent, sans nul doute des créations immenses de richesse, celle-ci s’est pourtant accompagnée d’un accroissement des inégalités entre pays et au sein même des pays concernés, jusqu'aux limites du supportable. En France l’impression pessimiste d’un « déclin » traduit dans les classes moyennes la conscience d’un horizon de plus en plus fermé pour leurs enfants, la dégradation des conditions de vie, d’un déclassement par le bas quand l’après-guerre s’était donnée pour ambition de faire fonctionner pour tous le fameux « ascenseur social ».
Car au delà de la « crise financière » actuelle qui s’ajoute à une croissance économique déjà moribonde, il convient de s’inquiéter des possibles dommages collatéraux sur la société dont personne ne peut anticiper la teneur. Sans agiter un catastrophisme qui brouille souvent plus la discussion qu’il ne l’éclaire, faut-il rappeller que la colère sociale peut être un formidable accélérateur de transformation qualitative de la société (que l‘on se souvienne du Front Populaire ou de mai 68) mais aussi le jouet des pires régressions. Il n’est qu’à évoquer combien les inégalités économiques poussent les jeunes en Irak ou en Afghanistan, les laissés-pour-compte d’une richesse qui les tient toujours à son seuil, à habiller d’un vague bavardage mystique leur inexistence économique et sociale, et que cette dimension économique joue dans la montée d’un terrorisme international qui n’a, on le découvre au terme d’une guerre coûteuse dans tous les sens du terme, que bien peu à voir avec le fumeux « choc des civilisations ».
On mesure aussi l’intérêt d’achever le projet européen qui peut contribuer à promouvoir et à faire rayonner son exception, prenant acte des limites d’un capitalisme dérégulé et hautement financiarisé. Mais comment sortir d’un tel système sans garantie de solutions crédibles et durables ? On voit dans l’urgence des décisions prises pour limiter les effets négatifs de la crise actuelle les vieilles lunes revenir avec d’autant plus d’arrogance qu’elles savent qu’elles n’auront sans doute jamais à passer la douloureuse épreuve de l’exercice du pouvoir. Après l’Etat absent, voici l’Etat omniprésent ! Le retour des soviets ? Que non ! Ce n’est pas l’Etat entrepreneur ou l’Etat providence comme dans l’après-guerre mais l’Etat Assurance qui garantit les déboires des agents économiques ! Quant à ceux qui rêvent à quelques « nationalisations » en guise de base programmatique pour les prochaines échéances électorales, qu’ils se souviennent que le Crédit Lyonnais a autrefois été géré par l’Etat, on connaît le résultat !
Cela ne veut en rien dire qu’il faut comme c’est le cas actuellement « privatiser les profits et socialiser les pertes » mais que les missions régaliennes de l'Etat dans un monde économique qui n’a plus rien à voir avec la période des Trente Glorieuses (cette régérence agit comme un inconscient collectif dans la plupart des discours et des représentations politiques) doivent être clairement identifiées, et définis son périmètre et les moyens de son action. Les bulles spéculatives ne cessent d’accumuler des ressources qui échappent ainsi à une redistribution au bénéfice de l’ensemble de la société (par des augmentations de salaires et par la fiscalité). La dérégulation s’est faite jusqu'à présent en grande partie au détriment du salariat (dans les pays émergents comme dans les pays occidentaux), la réhabilitation du travail si chère à notre Président passe d’abord par sa reconnaissance économique, donc par une augmentation des salaires.
Mais au delà de la classique question de la demande, c’est bien l’offre qui doit constituer le centre des révisions déchirantes car elles touchent à l’essence même de notre modèle économique. L’Etat s’engage comme garant des banques, il vient aux secours (comment pourrait-il faire autrement sous peine de créer une crise de confiance généralisée) des turpitudes de la finance, et sacrifie ainsi ses faibles marges de manœuvre présentes alors qu’elles devraient participer à la préparation de l’avenir. Les jeunes apparaissent ainsi comme les perdants provisoires de la crise : la collectivité reste davantage solidaire (ou plutôt contrainte à la solidarité pour une question de survie élémentaire) avec la bourse et ses spéculateurs qu’avec la génération qui vient et qui pourtant détient sans le savoir les perspectives économiques de demain. Les sommes monstrueuses engagées par l’Etat américain laissent par exemple rêveur : on imagine non sans mal les mêmes fonds affectés, non pour éviter les faillites et les banqueroutes des loosers de la finance, mais pour aider des initiatives et des projets innovants, créateurs d’emplois et de richesse, pour le plus grand bénéfice de tous. Réhabilitation d’un libéralisme entrepreneurial ? Et alors, les nouvelles technologies avant de devenir affaire de spéculation ont émergé grâce à des externes qui ont du bousculer l’organisation économique, un capitalisme ronronnant et ses marchés acquis, avant d’être avalés par elle. Bis repetita ? A Gauche, on ne cesse d’en appeler à une économie des services, de la qualité de vie et du développement durable, bref à cet « immatériel » dont André Gorz revenu du productivisme industriel et du prolétariat, avait fait sa cause et qui met au premier rang des priorités publiques l’éducation et la formation. Mais l’argent ne va pas aux externes, il va au rentiers qui ont joué avec leurs rentes, la richesse collective, des entreprises, des emplois, et ont perdu !
Nb : quelques livres pour approfondir la discussion ; par ailleurs, il m’est impossible de citer toutes les contributions lues, polméiques, contradictoires et passionnantes, lues ces dernières semaines dans la presse ou sur le Web mais elles témoignent d’un événement rare : l’économie est devenue une affaire publique que intéresse visiblement au plus haut point les simples citoyens que nous sommes et c’est vraiment une bonne nouvelle ! Chacun veut comprendre, et comprendre pour agir !
- Elie cohen : L’Ordre économique mondial : essai sur le pouvoir régulateur (Fayard)
- Elie Cohen : Le nouvel âge du capitalisme (Fayard)
- Jean Peyrlevade : Le Capitalisme total (La République des idées)
- Jean luc gréau : Le capitalisme malade de sa finance (Gallimard/le Débat)
- Jean luc Gréau : l’avenir du capitalisme (Le Débat/Gallimard)
Cela en attendant la mise en ligne d’un manifeste d’Isou, publié dans l’Union des jeunes, des créateurs et des producteurs conscients (programme Ô combien d'actualité !) publié il y a quelques années et qui fourmille d’idées !

mardi 21 octobre 2008

Belle planche où l'équivoque Wolmanienne joue sa pleine finesse qui est aussi sa puissance : NOUS ETIONS CONTRE LE POUVOIR DES MOTS/CONTRE LE POUVOIR ou faut-il davantage lire LE POUVOIR DES MOTS CONTRE LE POUVOIR ? La seconde proposition renvoie à la faillite du détournement, comme l'écriture automatique d'hier devenue poncif, tic et manière de littératurer à moindre frais, présentée comme l'arme définitive de la guerilla situationniste dans le champ culturel, à défaut d'un prolétariat en insurrection. Les mots d'ordre affichés, dans tous les sens, en mai 68 ("fin de la société spectaculaire et marchande"), une fois les batailles de l'histoire achevées, nous reviennent modestement par la petite porte autrefois méprisée de l'Art et des aventures, non moins décisives que celles de l'économie politique dans un projet transformation de la société, qui s'y jouent. Mais la réthorique marxisante a stérilisé les esprits, les langues et les consciences tandis que l'artiste Wolman tel l'obscur travailleur envisagé par Rimbaud, abandonné en cours de route, continuait à explorer, à défaire les discours, les concepts, les représentations devenus les mots d'ordre exclusifs d'un nouveau dogmatisme.

lundi 22 septembre 2008


Derrièrelasalledebains, petit éditeur underground au sein de l'underground, s'enrichit d'une nouvelle collection initiée par Frédéric Acquaviva et ouvre les hostilités avec les rééditions de textes de Gil Wolman, Jean-Louis Brau et Gabriel Pomerand. Affaire à suivre de très près quand on sait que le prochain texte est un brûlot d'Isou himself ! Pour en savoir plus : http://derrierelasalledebains.blogspot.com

jeudi 18 septembre 2008

WOLMAN AU CIPM !!!!!





"Ce programme, Gil Joseph Wolman l’illustre d’une manière exemplaire, lui l’invisible, l’intouchable, le hors-caste, qui sût s’abriter de toute dérive, alors que son adhésion à quelque groupe que ce soit l’aurait déjà définitivement sorti de l’oubli. Mais pour son malheur présent, c’est du seul Lettrisme dont Wolman fit en réalité partie, puisqu’exclu par son protocolaire ami Guy Debord, (©André Breton), de la naissance de l’Internationale Situationniste, ce soit-disant dépassement des arts que Wolman n’a pu s’empêcher de métamorphoser, avec facilité (« Plus c’est facile, plus c’est beau »)..Souvent confondu en situationniste ou en Internationale Lettriste (qu’est-ce que c’est ?), Wolman, en réalité, croisa Isou dont du reste, seul, il conserve le nom dans sa fameuse biographie muée en oeuvre d’art La vie d’artiste (1976), entre parenthèses oeuvre paradigmatique de la tendance « l’art c’est la vie » qui en une seule oeuvre balaie Fluxus. Isou serait la fin, lui, un début, selon ses propres termes. Isou invente puisque systématise la poésie à base de lettres et de sons nouveaux, corporels (1946). Rapidement, Wolman détruit les lettres pour le souffle, obligeant Isou à se repositionner. Car Wolman n’est pas le disciple docile (« pas de père, que des fils. »), surtout vis-à-vis de jeunes amis héroïques, peu, si peu à vouloir l’impossible bouleversement de tout. Entre Isou et sa Créatique et Debord et son renoncement à l’art (mais pas à Canal +), Wolman incarne cette troisième voie, celle d’un solitaire qui énonce en funambule les bases d’une société poétique de la manière la plus subversive qui soit, c’est-à-dire en toute clandestinité. Une troisième voie qui ne serait pas une simple position, mais peut-être la réunion des deux autres, tel The Third Mind de Gysin et Burroughs (...)." Frédéric Acquaviva

jeudi 4 septembre 2008

Exposition en italie :LE LETTRISME AU DELA DE LA FEMINITUDE


Micheline Hachette
Woodie Roehmer
Anne-Catherine Caron
Virginie Caraven

Villa Cernigliaro Demeure historique
I – 13817 Sordevolo Biella, Via Clemente Vercellone 4 Tél. 015.2562793

Exposition du 11/10 au 16/11/2008
Ouverture: vendredi, samedi, dimanche de14h à 19h et sur rendez-vous. Entrée gratuite
Vernissage samedi 11 octobre à 18 heures
Sala dei poeti: Table ronde: La création et les femmes, avec Edda Melon, Sandro Ricaldone, Anne-Catherine Caron, Carlotta Cernigliaro.
Performance: Anne-Catherine Caron réalise son roman imaginaire De la Carritude en Lettrisme

«Je suis partisan de la femme créatrice du type George Sand, Berthe Morisot, Marie Curie, Marie Laurencin, je suis partisan de la personnalité capable d'avancer avec les hommes créateurs, ou avec des producteurs ajustés aux novateurs, vers la société paradisiaque».
Isidore Isou

« Murmure de femmes autour du Lettrisme. C’est de la conjonction d’un lieu, du mouvement d’avant-garde lettriste et du concept de «femmes» que la présente manifestation a pu voir le jour.
Le lieu, dit Villa Cernigliaro, immergé dans le paysage piémontais de Sordevolo, est réputé pour être un ancien foyer de la résistance anti-fasciste italienne. Son âme est aujourd’hui incarnée par Carlotta Cernigliaro qui a courageusement choisi d’y accueillir les tendances les plus progressistes des courants de l’expression artistique contemporaine.
Parmi eux, le Lettrisme, auquel, dans ce cadre, cette hôtesse éclairée a déjà donné à voir différents aspects de ses apports.
En 2005, la Villa avait déjà présenté Isidore Isou, Initiation à la Haute Volupté, qui proposait un ensemble de sérigraphies éditées par Francesco Conz d’après les pages marquées par la poly-écriture du roman du même titre que le créateur du Lettrisme avait fait paraître en 1960. De même, en 2007, avec Collection lettriste : intime et ultime, elle accueillera l’ensemble des artistes représentatifs du groupe lettriste, dont les œuvres choisies par les deux «curatori», Roland Sabatier et moi-même, étaient disséminées et mises en scène dans la plupart de ses salles historiques.
Aujourd’hui, c’est à l’exposition de quatre artistes féminines de cette tendance avant-gardiste qu’elle nous convie. Micheline Hachette, Woodie Roehmer, Anne-Catherine Caron et Virginie Caraven se retrouvent là pour avoir continûment et sans relâche défendu par leurs œuvres et leurs actions les conceptions esthétiques neuves dont Isidore Isou posait les fondements, dès 1945, en arrivant à Paris après avoir abandonné sa Roumanie natale durement meurtrie par la Seconde Guerre mondiale.
En complément d’inédits apports culturels, les théories économiques de cet auteur, en rapport avec l’étude de l’ensemble des catégories sociales du marché, l’ont conduit, dans le cadre de la mise en valeur de l’externité et en relation avec l’émergence, dans le courant des années 70, des revendications féministes nombreuses, à exprimer, sur ce sujet, le point de vue du Soulèvement de la Jeunesse et de l’Economie Nucléaire.
C’est dans le contexte de ce mouvement et, précisément dans cette visée, que la distinction des femmes, artistes de ce groupe, pleinement accomplie dans la présente manifestation, avait déjà connu des précédents par le passé. Le premier regroupement de femmes lettristes au sein d’expositions autonomes remonte à 1978 et se concrétisera par une exposition intitulée «Sept femmes lettristes», présentée à la Librairie-Galerie Fabrice Bayarré; un autre à la galerie Bernard Felli aura lieu en 1989, sous le titre de «Féminins lettristes». Plus récemment, c’est au Musée d’Art Contemporain d’Albisola que cette option prendra un tour plus politique et social avec «Le Lettrisme au-delà de la féminitude». C’est ce même ensemble qui se voit prolongé et augmenté, notamment sur ce double plan, aujourd’hui, à la Villa Cernigliaro. »

Anne-Catherine Caron, extraits du catalogue de l’exposition (160 pages, avec des textes d’Isidore Isou et d’Anne-Catherine Caron: «Murmure de femmes autour du Lettrisme» et 87 reproductions dont de nombreuses inédites).

Commissaire de l’exposition: Anne-Catherine Caron
Direction artistique et coordination générale: Carlotta Cernigliaro
Gestione organizzativa e tecnica Buonsegno società cooperativa sociale
Direction administrative: Pierluigi Perinotto
Service de Presse: Dina Pierallini

Pour informations: - Zero Gravità Carlotta Cernigliaro +39 3386130616 - 015-2562174
info@villacernigliaro.it www.villacernigliaro.it www.zerogravita.it- Art&Design Dina Pierallini +39 338 3895367 dina.pierallini@fastwebnet.it www.dinapierallini.com

Villa Cernigliaro Demeure historique

mercredi 4 juin 2008

NEWS FROM F. ACQUAVIVA (juin.août 2008)

Quelques news de F. Acquaviva qui mène depuis plusieurs années un remarquable travail de promotion et d'exégèse d'avant-gardistes souvent peu visibles, sous de nombreuses formes (expositions, catalogue, livres, émissions radios, conférences...). A ne pas manquer le 15 juin La Symphonie numéro 4, Juvénal, d'Isou Passage des Recollets et aussi le 9 juin la version intégrale du film De Henri à Chopin.

LE 3 JUIN 20h30
PÉRIPHÉRIE DU MARCHÉ DE LA POÉSIE /
LA GUILLOTINE-HORS-LES-MURS
Mains d’Oeuvre 1, rue Charles Garnier, Saint Ouen Tel 01 40 11 25 25 (entrée libre, sortie payante)
Musique Acataleptique, texte et voix Jean-Luc Parant
X, 4,3 Tri, installation chronopolyphonique, texte et voix F.J Ossang
Exercice Spirituel Coma (vidéo danse de Maria Faustino), texte et voix Pierre Guyotat.

Le 15 juin, 18h, PÉRIPHÉRIE DU MARCHÉ DE LA POÉSIE /
LA GUILLOTINE-HORS-LES-MURS/
Chapelle des Recollets, Maison de l’Architecture148, rue du Faubourg St-Martin 75010 Parisreservation 01 53 26 09 05 (entrée libre)
Isidore Isou : Symphonie n°4 : Juvenal, orchestration et diffusion sur acousmonium de Frédéric Acquaviva.


Le 15 août, 18h, FESTIVAL INDISCIPLINAIRE #1 Fort du Bas-GrognonIle de Groix (Morbihan)/
Concert Frédéric Acquaviva
L’infra Cantate
Et...Et...Et
Musique Acataleptique
X, 4,3
Exercice Spirituel
Sens Unique(s) II
4 Etudes animales (création)


FILMS :

Le 29 mai, 19h30, SOIREE REVUE MIR
Galerie EOF, 15 rue St Fiacre 75002 Paris : De Henri à Chopin, le dernier pape (2007), de Frédéric Acquaviva et Maria Faustino), version courte.


Le 9 juin, 20h, PÉRIPHÉRIE DU MARCHÉ DE LA POÉSIE /
LA GUILLOTINE-HORS-LES-MURS/
Lilas en Scène, 23bis, rue Chassagnole 93260 Les Lilas
Reservation 01 43 63 41 61 (entrée lire)

De Henri à Chopin, le dernier pape (2002-2008, de Frédéric Acquaviva et Maria Faustino), version intégrale (210’) en diffusion multiécrans.

CONFÉRENCES :
Le 8 juin, 13h, Radio Aligre, 93,1Mhz MUSICOULEURS (MESCALITO), Autour d’Henri Chopin.

Le 10 août 2008, 14h, FESTIVAL INDISCIPLINAIRE #1Librairie l’Ecume des jours, Ile de Groix (Morbihan), Lettrisme, Sons et Lettrisme, Images.

PUBLICATIONS CDS :
Musique Acataleptique, 30ex de tête in Des yeux pour changer le monde de Jean-Luc Parant (Editions Galeria Peccolo, Livorno, Italy, 2008)-
X,4,3, extraits in Docks, 4ème série, n°5-6-7-8, 2008

PUBLICATIONS TEXTES :
Jacques Spacagna, le voyage en Italie, (Frédéric Acquaviva, Editions Francesco Conz, Verona, 2007), diffusion Librairie Le regard Moderne, Paris-
Concerto pour piano et Lettristes, Editions Francesco Conz, Verona,
Isou, l’édité in Revue d’Histoire du Lettrisme n°2, 2007
Pierre Albert-Birot in revue Le Frisson Esthétique n°6
Deux Lettres d’amour à Philippe Castellin, in Docks, 4ème série, n°5-6-7-8, 2008

INTERNET- site : La Revue des Ressources : mise en ligne de De Henri à Chopin, le dernier pape (2007), de Frédéric Acquaviva et Maria Faustino), version courte.

mardi 6 mai 2008

PRECISIONS SUR LE POST PRECEDENT

Des nombreux textes (dont beaucoup excèdent le format d'un post) d'Isou sur l'urgence d'une réforme de l'enseignement secondaire et supérieure, j'ai choisi de mettre en ligne cette défense de l'Université "Léonard de Vinci" tant elle me semble significative de la ligne ouverte par le créateur du lettrisme dans ce domaine essentiel où se jouent à la fois la transmission des acquis et la préparation de l'avenir. Isou refuse aussi bien les positions des "libéraux" et leur utilitarisme restreint que le catéchisme philanthrope de "l'école pour tous" porté par la gauche, qui a fini par oublier que l'école a aussi pour mission de préparer au meilleur ajustement de chacun, en fonction des armes qu'elle aura su lui donner, à une situation professionnelle et qu'elle est donc un élément essentiel de la vie économique. Il dénonce les sélections et barrages artificiels, l'allongement des années d'études, la médiocrité des contenus, véritable gâchis de temps et d'énergie, pour s'en tenir aux fondamentaux de la culture et du savoir, qui seuls peuvent aider à stimuler l'imagination créatrice de chacun. Dans la perspective nucléaire d'Isou, les jeunes diplômés n'arrivent pas sur le marché de l'emploi pour s'y insérer au rabais, mais fort d'un enseignement d'excellence, ils en constituent un moteur essentiel en terme de dynamisme et d'innovation. Le lecteur prendra vite la mesure, dans le débat actuel qui oppose syndicats, gauche parlementaire et gouvernement, de l'inconfort (au sens de non-conformisme) d'une telle position iconoclaste par certaines de ses affirmations, mais cet inconfort est sans doute le prix à payer pour qui, pour reprendre le titre du dernier essai d'Alain Tourraine, veut "penser autrement".
J'invite le lecteur à double-cliquer sur chaque page pour avoir un affichage plein écran.

...LA FRANCE ET LE MONDE ONT BESOIN DE L'UNIVERSITE LEONARD DE VINCI... par I.ISOU


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mardi 15 avril 2008

MOBILISATION LYCENNE : QUELS ENJEUX ?

Certains se plaisent à rapprocher le mouvement lycéen actuel d'un mai 68 qui représente pourtant une préhistoire tant nous avons changé de période. Les revendications des jeunes portent moins sur le dépassement d'une société "spectaculaire, marchande" ou "bourgeoise" (comme cette terminologie date !) que sur leur insertion toujours plus problématique, les perspectives que cette même société leur offre, les succès, la réalisation de soi et de reconnaissance qu'ils peuvent espérer y gagner. Dans un monde où la guerre de tous contre tous est la règle, où ceux qui sont unis aujourd'hui dans le conflit au sein d'un mouvement qui prend en épaisseur manifestation après manifestation, seront demain en concurrence pour l'obtention des mêmes postes, la lutte des classes semble céder le pas à la lutte des places.
La même inquiétude se décline aujourd'hui à travers des mots d'ordre parfois confus, simplistes, en cela discutables, comme hier contre le CPE ou contre les réformes proposées pour moderniser les Universités. Si le mouvement anti-CPE se placait à l'avant-garde de la question sociale (prenant même de court les grandes centrales syndicales), les manifestations actuelles comme celles conçernant la réforme des Universités proposent finalement de reconduire à perpétuité la modèle de gestion qui a prévalu depuis 30 ans en France : augmentation des moyens (plus d'enseignants en l'occurence). Le gouvernement malgré le conflit ouvert partage cette même analyse en proposant d'augmenter le temps de travail des mêmes enseignants (travailler plus pour gagner plus !). Bref, pour le coup, les revendications des lycéens évoquent plutôt les mots d'ordre des syndicats d'enseignants et l'approche de part et d'autre reste in fine comptable : Xavier Darcos veille à la mise en place dans son ministère des contraintes budgétaires imposées par le gouvernement, les enseignants et les lycéens de leur côté ne semblent envisager la réussite du systéme éducatif qu'à l'aune des moyens conséquents qui y sont mis.
L'exemple de la réforme du Bac professionnel proposée reste hautement significatif : au systéme BEP (2 ans) suivi d'un Bac Pro. (2 ans), il s'agit de substituer un Baccalauréat professionnel en 3 ans. Certains s'inquiétent des effets de concurrence entre les différentes orientations qui s'offriraient alors aux élèves, au rythme intense que beaucoup d'élèves s'orientant en BEP ne pourraient pas tenir (d'où ils seraient réorientés en CAP avec moins de chance de mobilité professionnelle), d'autres dénoncent ce projet comme une tentative grossière de réduction des effectifs (moins de temps scolaire = moins de profs) habillée d'un vernis pédagogique... Tout cela dans les détails peut être juste, voire pertinent... Il n'empêche, les Faits sont tétus, et les résultats de notre système éducatif, au regard des moyens qui y sont déployés, sont satisfaisants mais sans commune mesure avec les ressources que la collectivité y consacre comme le montre la comparaison avec les autres pays européens. Plus inquiétant, notre système socialise et scolarise dans l'échec une partie des jeunes issus des classes les plus défavorisées, celles vers lesquelles l'action de l'Etat-providence a une obligation de réussite et d'efficacité. Dans le même temps une minorité bien mieux dotée culturellement et économiquement bénéficie dans les lycées des centres des grandes villes des meilleures opportunités de scolarisation et fournit l'essentiel des effectifs des grandes écoles d'où sortiront de manière endogamique les cadres de la société de demain.
L'inquiétude exprimée par les lycéens traduit symptomatiquement un état historique de la société française qui vacille, dans un mouvement aveugle de mondialisation, sur les certitudes qui l'ont portée depuis 1945 : changement de cycle et changement d'échelle. Le chomâge de masse, des emplois de plus en plus précaires, des carrières toujours plus polymorphes, éclatées, rendent illusoire pour beaucoup tout projet d'ascension par la seule voie professionnelle, et la pression sur l'école, perçue par beaucoup de parents comme seule garantie d 'ascension sociale pour leurs enfants, n'en est que renforcée, d'où les débats passionnels qui entourent chaque tentative de réforme. Et pourtant il faut réformer !
Notre école, le rôle primordial (exhorbitant pourrait-on écrire) que la société française lui reconnait, vient d'un double héritage : républicain d'abord dans la mesure où l'école participe de la production de la cohésion nationale, et mythologique dans la mesure où ce modèle a été pleinement efficace dans le contexte des Trente glorieuses, caractérisée par une forte croissance, un plein emploi, un développement sans précédent de pans entiers de l'économie qui exigeait, demandait de nouvelle qualifications et compétences. Si l'on veut renforcer et reconduire à l'école l'héritage républicain comme garant d'une cohésion de la société il faut impérativement réformer l'impenser mythologique qui conduit les acteurs (enseignants, parents et élèves) à demander aujourd'hui, en 2008, à l'heure de la mondialisation cannibale, le maintien d'un système qui a fait ses preuves dans la précédente période historique !
Depuis le plan Langevin-Wallon en 1947, les différentes politiques ont affirmé une même continuité : élever le niveau de qualification par une augmentation du temps des études tout en massifiant l'enseignement. Pourtant, les pays nordiques, souvent cités pour la qualité de leur politique sociale, progressiste, leurs résultats économiques et la qualité de leur système scolaire, privilégient l'entrée rapide des jeunes sur le marché de l'emploi, la formation continue tout au long de la vie à la formation intiale exclusive ; les anglo-saxons de leur côté ont un systéme éducatif à plusieurs vitesses mais au contraire de la France, le marché de l'emploi ne reconnaît pas que les diplômes et l'individu peut y faire valoir les talents qu'il n'a pu développer dans un cadre scolaire. Bref, ne serait-il pas temps de changer de philosophie générale, de penser l'école à la mesure des enjeux économiques, culturelles, sociaux d'un présent qui n'a plus rien à voir avec les désormais révolues Trentes glorieuses dont Mai 68 fut en quelque sorte l'apogée.
Mais pour réformer, il faut la confiance et ce gouvernement, comme cette majorité, n'a suscité jusqu'à présent que la plus profonde et légitime défiance. Il n'est qu'à se rappeller la campagne présidentielle, et la politique menée depuis, pour voir que l'externe Sarkozy n'a cessé de donner des gages de complaisance à la clientèle habituelle de la droite (moins d'impôts) sans proposer cette fameuse "politique de civilisation" empruntée sans ménagement à Edgard Morin, apte à fédérer et à mobiliser la société, et notamment la jeunesse, dans un projet porteur d'avenir. Si Darcos veut réformer non pas contre mais avec les lycéens il faudra qu'il sorte d'une approche exclusivement comptable et qu'il propose, explique, une vision, un projet, son diagnositc, ses solutions... A gauche, on aurait tort de se réjouir des difficultés rencontrées par le gouvernement et d'afficher les seules revendications comptables ; car la gauche, si elle veut reprendre le pouvoir et l'exercer au bénéfice de toute la société, doit travailler et proposer, inventer et rompre avec le corporatisme (flatter les syndicats d'enseignants car ils représentent un objectif électoral), appuyer les lycéens dans leur mouvement autonome et non récupérer la frustration et l'insatisfaction dans des mots d'ordre et de mobilisation qui parasitent et paralysent leur élan. Car sans un relai politique (qui n'est ni cooptation, ni récupération), l'énergie mobilisée risque vite de tourner négativement, et le ressentiment exacerbé conduire à une radicalité qui ne menera certainement pas à cette école de la réussite pour tous à laquelle aspire le mouvement lycéen. LES CAHIERS SONT DEFINITIVEMENT REFORMISTES !
PS : On peut lire sur ce sujet deux ouvrages de la collection La République des Idées : François Dubet, l'Ecole des chances, qu'est-ce qu'une école juste ? et Marie Duru-Bellat, L'inflation scolaire, les désillusions de la méritocratie.
Par ailleurs on pourra lire sur ce blog (dès que le scanner fonctionnera à nouveau !) un texte d'Isidore Isou publié à l'origine dans Université et Société (octobre 1988) qui offre là encore, de manière exemplaire, matière à réformer perpétuellement l'école, l'économie, la société...

samedi 1 mars 2008

Surpris par la nuit : Henri Chopin

L'émission consacrée à Henri Chopin et réalisée par Frédéric Acquaviva est à nouveau programmée ce soir (vendredi 29 février) à 22h15 sur France Culture. Un rappel/hommage posthume à ne pas manquer !
Pour ceux qui comme moi ont mélangé les dates il ne reste plus qu'à vous reporter au site de l'émission www.radiofrance.fr (rubrique émissions) !

dimanche 24 février 2008

LETTRISME ET EROTISME


Depuis le 09 février (et jusqu'au 15 mars) se tient à l'Atelier Lettrista à Verone une exposition de Maurice Lemaître Corps Ecrit dont on trouvera une version PDF du catalogue sur le blog du lettrisme (http://leblogdejimpalette.typepad.com/lettrisme/). Il s'agit du tirage réalisé en 2007, en quantité très limitée, de 10 négatifs de photos réalisées en 1981, revues et enrichies en 1989. L'érotisme comme champ d'expériences et de connaissance a été très tôt abordé par le lettrisme : depuis le scandale de la Mécanique des femmes en 1949 jusqu'aux sérigraphies réalisées sous l'égide de Fransesco Conz en 1988 à partir des planches du cultissime Initiation à la haute volupté (1960) dont sont reproduites en ouverture et fermeture de ce post deux pages, sans compter les ouvrages nombreux d'Isou publiés sous pseudonyme ou non relevant d'une littérature "sexy" et dont la plupart livre toujours leur lot de pépites et de trouvailles, malgré les règles d'un genre hautement stéréotypé, ou encore le très didactique Je vous apprendrai l'Amour (1959)... l'énigme de la chair n'a cessé de se voir interrogée dans une quête incessante de multiplication d'un principe de plaisir enfin libéré de l'ascétisme et de la culpabilité judéo-chrétienne autant que de la métaphysique romantique (manifeste chez les surréalistes par exemple).
Chez Lemaître le Nu comme catégorie héritée du champ artistique et exercice de style occupe une place de choix (c'est le moins que l'on puisse dire !), sans pour autant négliger la part libidinale aventureuse qui en est le pendant théorique, érotologique. Car l'érotisme dans le lettrisme est une thématique artistique autant qu'un discours sur l'amour, voire une science de l'amour qui cherche à procurer sur le plan de la sexualité individuelle ce que l'économie nucléaire entend créer à l'échelle collective : la prodigalité. Qu'il s'agisse d'
Au delà du déclic (film hypergrahique,1965), de sa peinture et surtout de sa production photographique, en intégrant l'élément figuratif (le nu dessiné ou photographié) comme un signe particulier dans une grammaire personnelle, il donne à un genre académique à souhait une dimension nouvelle, hypergraphique, où le corps référentiel se voit disputer l'espace où il trône souverainement par les signes dont il est désormais le support électif, quitte à s'y dissoudre totalement (je pense particulièrement, et sans rapport avec le Nu (!) à un portrait hypergraphique de Michel Tapié de 1964) . Comme le Portrait, le Nu est a priori un exercice qui autorise tous les styles. Force est pourtant de constater qu'en ce domaine comme en tant d'autres on peine à s'émanciper de la pesanteur du réel comme justification ultime du geste : qu'il s'agisse de néoréalisme, de réalisme, de surréalisme ou d'hyper-réalisme comme l'image pornographique contemporaine (chic ou choc), le réel est cet horizon qu'il ne faut jamais dépasser. Les nombreuses photographies de Lemaître (qui ont déjà fait l'objet de plusieurs expositions) comme celles d'Alain Satié (notamment celles qui constituent le superbe recueil Tatouages, 1969), les récits hypergraphiques de François Poyet Poïesis et Champs Panhellesiques (1970) parmi d'autres nous rappellent aussi qu'il y a traitement hypergraphique de la thématique érotique en général et du nu féminin en particulier. A ceux et celles qui pensent que 1929 de Perêt, Eluard et Man Ray représentent un moment inspiré de l'érotisme artistique (certes, certes) et poétique (plus discutable !), je les engage à consulter d'urgence ce livre/objet incu(l)nable et remarquable Cul en tête ou au service de l'hypergraphie de Roland Sabatier et Alain Satié (1969) .

lundi 4 février 2008

DU THEATRE RESTREINT A L'ART TOTAL


Isidore Isou : hypergraphie polylogue, 1964-1988 (cliquez deux fois pour le grand format, elle est sublime !!!!)
On se souvient de la polémique bruyante qui accompagna l'édition 2005 du Festival d'Avignon et de la pseudo querelle des anciens contre
les modernes qui s'en suivit : en introduisant la danse et l'expérimentation, la performance c'est-à-dire les codes de l'art contemporain dans le rituel bien huilé des festivaliers, en travaillant aux limites de la représentation dans son sens institutionnel, Jan Fabre et quelques autres iconoclastes se sont attirés les foudres d'une partie de la critique et surtout du public qui d'habitude respectueux du protocole et des usages n'a pas hésité à siffler et huer les "spectacles " qui lui étaient ainsi offerts. Les prises de position radicales de part et d'autres ont conduit à une surenchère d'invectives où il était difficile de distinguer qui des faux-avant-gardistes ou des tenants d'un théâtre textuel soucieux du respect des normes académiques était le moins infréquentable.



















En 2005 Jan Fabre nous refaisait une bataille d'Hernani, réchauffée au regard du Cabaret Voltaire, de la séance de cinéma lemaîtrienne ou des happenings Fluxus. Dans ce climat particulièrement tendu, qui suivait les attaques pertinentes lancées contre un art contemporain hégémo
nique, officiel et académique (sans parler de sa suffisance), rien n'était plus salutaire que d'inscrire cette problématique théâtrale dans sa propre historicité. Crise de la représentation ? Oui ! Et après ?
C'est une telle interrogation qui est l'origine de la manifestation
A theater without theater organisée sous la houlette de Manuel Borja-Villel et de Bernard Blistène (d'abord au MACBA de Barcelone, puis au Musée Berardo de Lisbonne avant de traverser l'Atlantique pour le Walker Art Center de Minéapolis) en proposant de réfléchir à un théâtre sans théâtre, étendu hors des limites d'une théâtralité héritée, de ses codes, de ses impératifs textuels et scéniques. En reprenant les contributions Dada du cabaret voltaire, des futuristes russes et italiens jusqu'aux performances Fluxus et aux installations développées par les artistes contemporains, on comprend combien la modernité a fait de la transversalité des arts, et de l'élargissement permanent de leur sphère d'action une nécessité, quitte à y perdre justement la théâtralité, la plus-value du spectacle d'un art total jouant sur toutes les ressources des arts particuliers qu'ils convoque en un acte unique et ultime. Les lettristes sont donc naturellement représentés (Isidore Isou, Maurice Lemaître et Roland Sabatier) dans la mesure où il s'agit sans doute après la seconde guerre mondiale du seul mouvement qui se soit attaché à comprendre le fait théâtral comme art (et non comme espace mythique transgressif et/ou régressif à la Artaud ou à la façon des Actionnistes, ni comme éloge du banal et du fortuit, du non-art, avec l'anti-art des Fluxus). Dés le Tome 1 des Fondements pour la transformation intégrale du théâtre (Bordas, 1953) Isou, prenant acte d'une crise de la représentation travaillant l'ensemble de la modernité artistique, entendait dépasser le grand désordre Dada pour offrir de nouvelles propositions dramatiques témoignant d'un souci permanent de prendre en compte tous ses aspects (corps des acteurs, texte, environnement visuel et sonore...). L'introduction de la danse, de la gymnastique, dans le cadre de la représentation ne cherche pas à supprimer un texte devenu obsolète mais à déployer leur plus-value artistique à côté du texte devenu lui aussi autonome (principe de la discrépance déjà appliqué par Isou et Lemaître au cinéma). Le hors-spectacle, la vie quotidienne, à l'instar du ready-made dans l'art sont en effet les limites que l'avant-garde s'est efforcée de dépasser dans un projet politique de lutte contre la division du travail artistique (art/non-art) et du temps social (travail/loisirs). Les lettristes ont élaboré une autre culture faite des ruptures dans la modernité qu'ils provoquent et de la continuité classique qu'ils perpétuent ; dans le schéma amplique/ciselant les arts ne meurent que pour renaitre, réunis sous une forme totale ("la cathédrale des arts" formulée par Isou dès ses Memoires sur les forces futures des arts plastiques et leur mort, Ur, 1950) et non pour céder la place à une "vraie vie" décidément introuvable. Que l'anecdote ne soit pas le fin de l'histoire théâtrale, ni la réplique ou le monologue, permet d'en réinventer la pratique en y inscrivant les lignes de perspective offertes par l'audiovisuel, les corps des acteurs, l'architecture, le mime, la danse... Le catalogue rend compte de ces liaisons clandestines entre art(s) et théâtre et des tentatives réalisées par ce dernier tout au long du XXème siècle, via le lettrisme, Fluxus, les actionnistes, Ben ou Beuys, pour échapper à sa condition littéraire. Le catalogue se clôt sur les années 80 ; cette date doit être considérée comme emblématique car depuis la division sociale du travail a certes été brisée, non au profit de la société sans classe mais de celui de l'entertainment généralisé, de la "télévision réalité" qui dissout les frontières entre public et privé, fiction et réalité ; désormais le happening est permanent, la mise en scène continuelle... et plus que jamais le théâtre doit reconquérir un public et une légitimité, non en se faisant la chambre d'écho pathétique de "la violence du monde" comme Jan Fabre le souhaitait mais en s'assumant pleinement comme fait artistique, espace d'invention et d'expérimentation en quête de nouvelles formes.
Je recommande vivement de consulter sur le site www.lelettrisme.com la rubrique Arts du spectacle pour en savoir plus sur les propositions et les oeuvres des lettristes en ce domaine.





lundi 28 janvier 2008

Jacques Spacagna aller et détours


Archives F. Conz : Vicco Quadrelli 7, 37129, Verona Italy

A l'initiative de Francesco Conz
et sous la plume avertie autant que documentée de frédéric Acquaviva vient d'être publié un ouvrage consacré à Jacques Spacagna (1936/1990). Compagnon de lutte précoce à une époque où le lettrisme tenait plus du cénacle que du groupe, externe convaincu et poète impeccable, il va faire sienne l'aventure hypergraphique et donner à la peinture lettriste son style baroque ("baroque ensembliste" pour reprendre l'expression de Michel Tapié) avant de rompre en 1972 avec Isou. Si ce livre évoque la période lettriste notamment à travers les témoignages de Roberto Altmann dont il fut dans la pratique très proche, de Maurice Lemaître (qui lui a dédié une oeuvre), Roland Sabatier ou Alain Satié, il s'intéresse plus particulièrement aux deux dernières années de sa vie. En effet, à l'occasion de la rétrospective le Demi-siècle lettriste en 1988 à la galerie 1900/2000 à Paris, Francesco Conz, mécène et collectionneur des Fluxus mais aussi initiateur de nombreux projets visant à promouvoir l'avant-garde (sérigraphies et pianos d'artistes...) rencontre Spacagna et l'invite chez lui en Italie.

Durant deux ans, celui-ci va fournir un travail impressionnant, alors qu'il semblait avoir abandonné la peinture, témoignant du "potentiel énorme" de l'artiste déjà signalé en d'autres temps par le critique Michel Tapié. Potentiel insuffisamment exploité en raison d'une existence faite de discontinuités et de ruptures (la maladie, l'alcool...) mais aussi de renocontres décisives, fécondes et stimulantes. Spacagna semble toujours trouver spontanément sa ligne et sa respiration dans le cadre d'une solidarité créatrice, d'une mutualisation des forces et des gestes comme en temoignent la proximité exemplaire qu'il entretint dans la pratique avec Altmann et ses nombreuses oeuvres "polyphoniques" (avec Aude Jessemin, Myriam Darell....).

Son oeuvre est d'autant plus à redécouvrir que c
ertains aspects en restent peu connus : le livre comme objet apparait comme la terre promise et élective de son trait et de sa ligne hypergraphiques si aisément reconnaissables, qu'il s'agisse de ses poèmes ou des textes de Joyce ou Cummings. Pas de grandes oeuvres au final au sens physique du terme (si on excepte les sérigraphies réalisées chez Conz), peu de peintures au sens académique (toile sur châssis) mais une multitude de dessins et de livres d'artiste, un préférence manifeste pour le papier au détriment de la toile dont l'ouvrage de Frédéric Acquaviva nous offre une précieuse et remarquable introduction.


























vendredi 11 janvier 2008

LA NARRATION A L'HEURE INFORMATIQUE

J'ai publié comme précédent post un texte de Jean Pierre Palde qui pose de manière très intéressante et dans un souci de création/production les rapports du texte avec l'émergence des nouvelles technologies et du multimédia : qu'en est-il de la littérature comme tradition textuelle héritée de Guttenberg au moment où la communication se complexifie et voit ses conditions historiques bouleversées par la généralisation d'innovations technologiques (inter-activité théoriquement illimitée du support informatique, prolifération des codes, des langages et des systèmes, grammaires nécessairement plurielle de cette nouvelle donne de la communication...). Sa réflexion manifeste un souci de mettre en perspective d'un point de vue historique les conditions de la production du fait littéraire et de formuler les espaces ainsi libérés où se jouent de nouvelles chances de création. Même si l'article ne fait pas explicitement référence à la notion d'avant-garde, il inscrit sa démarche intellectuelle en prenant acte des tentatives "spatialistes et lettristes", de l'Oulipo... bref d'une sortie progressive du livre imprimé effectuée par les avant-gardes au profit d'un éparpillement fécond vers le visuel et le sonore. Le support informatique a radicalisé et accéléré ce mouvement qui lui est pourtant antérieur en offrant des possibilités matérielles sans précédent à la recherche et à la création. Les catégories opératoires mises en avant par Jean Pierre Palde rejoignent ainsi une partie des recherches et apports du lettrisme ; derrière les appellations de littératures "participatives, hypertextuelles, spectaculaires", je retrouve en partie les théories qu'Isou avait développées sous les noms de "supertemporel, d'hypergraphie ou d'interparticipant" ; il n'est qu'à relire AMos ou introduction à la métagraphologie pour prendre la mesure de l'actualité multimédiatique du lettrisme. Les planches de Gabriel Pomerand donnent un aperçu de ce Gai savoir lettriste dans ses premières oeuvres, les oeuvres narratives de Roland Sabatier et d'Alain Satié publiées dans le cadre des Editions Psi (http://www.lecointredrouet.com/lettrisme/psi/PSI.pdf) viennent comme les authentiques créations d'une littérature contemporaine (expression totalement dépourvue de substance autant dans les supermarchés du livre que dans les officines des "belles lettres") qui est aujourd'hui confinée aux marges de l'industrie littéraire et culturelle. Medium is the message affirmait Marshall Mc Luham mais nous savons désormais que cette proposition est incomplète et que la création a besoin de plus que d'un support même si ce support modifie radicalement les conditions de l'expression artistique ; on reconnaitra là la raison profonde de la polémique entre les lettristes et les tenants de la poésie sonore, post-lettriste qui cherchaient à se renouveler en s'appuyant davantage sur les possibilités mécaniques des nouveaux matériels d'enregistrement et de restitution sonore.
Leçon paradoxale qu'il faut tirer de la réflexion passionnante de Jean Pierre Palde : le tapage médiatique qui entoure la publication des romans guttenberguiens toujours plus nombreux et rivalisant de conformisme narratif est à la mesure du peu d'espace dont dispose toute autre offre artistique. Dans le circuit traditionnel de l'édition ces littératures multimédiatiques n'ont aujourd'hui ni place ni débouché, ni réel relai institutionnel (d'où par exemple les difficultés d'un éditeur comme AL Dante) si ce n'est dans les voisinages de l'art contemporain. Le Web reste pour l'heure l'espace électif où se construisent ces nouvelles voies pour la fiction.

jeudi 10 janvier 2008

LE LIVRE EST TOUT LE PROBLEME de Jean Pierre Balpe

Texte trouvé sur http://transitoireobs.free.fr/
Laboratoire Paragraphe Université Paris8 2, rue de la Liberté F-93526 Saint-Denis Cedex 02 jbalpe@away.fr

RÉSUMÉ. La recherche de nouvelles écritures est confrontée à des obstacles, au premier rang desquels figure le livre et ses conventions héritées de 536 années d’existence. Pourtant, la littérature est largement indépendante de ce médium spécifique qu’est le livre, comme nous le rappellent les traditions ancestrales de l’oralité ou les recherches contemporaines de l’Oulipo. L’incursion de l’ordinateur dans la littérature a pour mérite majeur de l’avoir affranchie du carcan du livre, l’éclatement des repères usuels ayant pour l’essentiel réintroduit toutes les dimensions du jeu dans l’espace littéraire. Ce nouveau médium émancipe ainsi des possibilités d’expression qui ouvrent de nouveaux espaces de production, de la poésie cinétique aux littératures combinatoires, participatives, hypertextuelles, génératives ou spectaculaires, sans compter les formes inédites encore à paraître.

1. Introduction

Le livre EST le problème ; le livre est tout le problème... ou plutôt l’industrialisation du livre et tout ce que, dès son origine, elle implique et qui, peu à peu, s’enchaîne dans un ensemble de dispositifs de plus en plus contraignants : la standardisation, le formatage, les conventions, les collections, le marketing, les publics, les critiques, les auteurs, les autorités et les genres... Depuis Gutenberg et sa fondation d’une imprimerie à Mayence en 1465 (ses bibles déjà « formatées » à quarante-quatre ou trente-deux lignes), depuis 536 ans donc, livre et littérature sont en effet devenus homothétiques au point que nous avons quelques difficultés à les distinguer comme si la littérature ne pouvait avoir d’autre médium que le livre, comme si le livre était ce médium auquel la littérature donne ses lettres de noblesse. C’est évidemment aller un peu vite en besogne.

2. Indépendance de la littérature

Vis-à-vis du livre En effet, la littérature, comme nous le savons tous même si nous ne voulons pas toujours accepter les conséquences de ce savoir, existait bien avant le livre et, dans beaucoup de régions du monde encore - mais notre ethnocentrisme culturel occidental nous aveugle souvent - existe sans aucun recours au livre. Pour une bonne part de son histoire, pour une bonne part de son extension géographique, la littérature est orale ou présentée sur des supports très différents du livre (imaginez un instant ce que signifie une littérature transcrite sur des tablettes d’argile ou des plaquettes de bambou et tirez-en toutes les conséquences...). Dans ces cadres, la littérature se manifeste essentiellement comme des « instants » de texte, instants éphémères, volatiles, changeants, variants... contextualisés. On ne peut, par exemple, comprendre les effets de ce que l’on appelle « les religions du livre » sans prise en compte de cela : le texte sacré, celui qui porte la parole divine, est celui qui, pour ne pas varier, s’officialise ; celui qui, à l’inverse des textes profanes, doit être transmis tel quel, sans variation aucune, et pour cela exige un entraînement spécifique, parfois même la dévotion d’une vie entière. Néanmoins, la littérature est largement indépendante de ce médium spécifique qu’est le livre.

3. Littérature et oralité

Je ne veux pas ici approfondir ce que cette simple constatation change dans la plupart de nos théories - et notamment dans les plus récentes - du fait littéraire : imaginez simplement ce que pouvait être une lecture de poésie à la cour d’Henri III, à Fontainebleau, vers 1660 : avant d’être un texte - au sens où nous l’entendons aujourd’hui d’objet fixe, immuable, vérifiable, analysable...- la poésie est d’abord une voix, un accent, une présence, un jeu sonore et, le plus souvent, un environnement musical, car le recours au texte proprement dit est difficile, voire impossible. Comme nous le savons tous pour avoir assisté à des lectures publiques faites par des auteurs ou des comédiens, le texte public est inséparable des diverses formes de contextualisation de ses lectures. Or l’intérêt du livre - la caractéristique qui en a assuré le succès - est justement dans ses capacités de décontextualisation : le même texte partout et toujours le même (du moins est-ce la vulgate généralement admise donc partiellement fausse comme toute « vulgate », mais je n’ai pas le temps de m’étendre sur ce point). En tout cas, on voit bien où cela nous mène... Un des grands mérites de l’Oulipo est justement d’avoir montré - notamment par sa redécouverte de ce que ses membres ont appelé des « plagiaires par anticipation » - combien ce lien est culturellement daté, combien, tout au long de l’histoire du littéraire, la littérature a multiplié les recherches d’approches différentes, que ce soit chez un Jean Meschinot, un Quirinus Kühlman, plus récemment un Butor, un Saporta, etc... mais aussi par le maintien, la vivacité de tout un pan de textualisation liant littérature et oralité. Mais le livre était le problème car, par ses caractéristiques techniques, il n’était pas à même de les accueillir.

4. Littérature et ordinateur

L’apparition de l’informatique, plus exactement de l’ordinateur, que sur ce plan on peut considérer comme un médium, remet en cause cette occupation de l’espace littéraire, notamment parce qu’elle permet de repenser totalement les relations du texte et du contexte, et ce jusque dans leurs conséquences les plus extrêmes : désormais un texte peut ne plus être cet objet fermé d’un tissage de langue voulu - ou présenté comme - définitif et immuable, mais au contraire un objet, sur plusieurs de ses aspects, mobile et plus ou moins étroitement lié à son contexte d’apparition. Cette recontextualisation du texte est d’autant plus riche de possibilités que, par sa nature, la modélisation informatique, qui n’est rien d’autre que l’alphabet de l’ordinateur médium, parce qu’elle s’appuie sur une réduction drastique de sa symbolique, ne fait plus aucune distinction entre des modalités d’expression qui, jusque-là, étaient « par culture » rigoureusement séparées : le texte est du son comme le son est de l’image et l’image du texte et/ou de l’espace et/ou du temps et/ou du mouvement et/ou du relief, etc... Or ce médium, parce qu’il occupe désormais sur le terrain des objets de diffusion une place de plus en plus grande, est destiné à devenir aussi répandu, aussi « populaire » que l’a été le livre. La littérature se trouve alors comme libérée du livre. Toutes les contraintes qui, par l’effet des dispositifs techniques du livre, pesaient sur elle se trouvent d’un coup levées et émancipent des possibilités d’expressions qui, jusque-là, se trouvaient cantonnées du côté des « curiosités » littéraires - à chaque tentative, réinvention d’un autre type d’objet livre ne pouvant qu’échouer devant les contraintes de l’édition industrielle - comme les livres de bibliophiles ou d’artistes, comme les tentatives spatialistes, lettristes, vidéo et bien d’autres encore... Non seulement les frontières se trouvent abolies, mais les rapports aux territoires du texte sont totalement bouleversés. Encore une fois, j’éviterai, ici et aujourd’hui, de développer tout cela. D’autant que je n’ignore pas que certainement, pour beaucoup d’entre vous, faute d’une connaissance personnelle de ce qui se passe dans le champ de la littérature « saisie par l’ordinateur », tout ceci doit paraître bien abstrait, pour ne pas dire théorique. La domination du livre en effet est telle qu’accéder à des productions littéraires pour médium informatique n’est pas un réflexe culturel aussi naturel que celui d’ouvrir les pages d’un roman quelconque : le livre a ses réseaux de production, de diffusion, de promotion, de vente qui lui donnent une importance telle qu’elle aveugle presque totalement ce qui, dans le champ du littéraire, se passe ailleurs. Pourtant, la littérature « saisie par l’ordinateur » existe, de plus en plus riche, de plus en plus variée, de plus en plus créatrice, de plus en plus inattendue par rapport à ce qui était jusque-là considéré comme « littéraire ». Elle ouvre à l’espace de la littérature - qui à mon sens en avait bien besoin... - une infinité de nouvelles perspectives qui apportent un souffle créatif renouvelé aux productions littéraires, mais également changent, parfois du tout au tout, les rapports du texte - mais peut-on toujours appeler cela un texte ? - à son lecteur.

5. Nouveaux espaces de production littéraire

Je ne citerai que quelques exemples vous renvoyant pour le reste à votre propre curiosité.
- La poésie dynamique, cinétique, sonore qui, grâce à l’ordinateur et notamment à la diffusion sur Internet a retrouvé une créativité extraordinaire. Il suffit, pour s’en assurer, d’entrer dans des sites comme ceux des revues Tapin ou Akenaton ou Doc(k)s et, à partir d’elles, parcourir le vaste ensemble des sites consacrés à ces écritures poétiques (www.multimania.com/tapin ou www.sitec.fr/users/akentondocks). En présenter des œuvres « sur papier » est évidemment très réducteur, mais c’est peut-être le moyen que ces œuvres existent, comme par exemple dans les créations de Haroldo De Campos, un poète brésilien ou de Julien Blaine, de Philippe Bootz ou de nombreux autres encore...
- Les littératures « participatives » dont les Moos et les Muds sont les exemples les plus connus, mais qui regroupent également quantité d’œuvres impliquant le lecteur dans un échange plus ou moins riche, plus ou moins complexe avec les auteurs : « Non » roman de Lucile de Boutiny ou mon récent « Mail-roman ».
- La littérature combinatoire dont l’un des exemples les plus représentatifs est certainement « Cent mille milliards de poèmes » de Raymond Queneau. Citons également « Mémoires d’un mauvais coucheur » de Bernard Magné ou « Syntext » du portugais Pedro Barbosa qui, pour l’essentiel, joue sur les capacités d’une structure donnée à proposer une infinité de textes de surface, mettant le lecteur en position d’analyste de l’œuvre qu’il est en train de lire.
- La littérature hypertextuelle illustrée notamment par « Afternoon a story » de Michael Joyce, mais représentée aussi par le cédérom de François Coulon « 20 % d’amour en plus », Jim Rosenberg (Diagrams) ou encore les nombreuses publications que l’on peut trouver sur le site d’Eastgate System et dont l’intérêt principal, bien au-delà de ce que l’on nomme l’interactivité, est d’intégrer le lecteur comme composante du contexte de l’œuvre avec tout ce que cela suppose de « jeu » sur l’interprétation, les places respectives de l’auteur et du lecteur, etc...

6. Littérature et jeu

Ce champ de recherche d’écriture, pour l’essentiel, représente ce que d'aucuns appellent de façon assez réductrice les « fictions interactives », considérant que ce qui s’y met en jeu est de l’ordre du choix des parcours dans une fiction considérée, à la suite des structuralistes, comme une suite ordonnée d’événements. Or ce qui s’y manifeste est bien plus que cela. C’est la réintroduction, dans un espace littéraire jusque-là rétréci et figé par la matérialité du livre, de l’ensemble des possibilités de « jeu » à cinq des significations que ce terme possède en français :
- le jeu comme engagement intellectuel d’un joueur qui, à chaque fois, approfondit sa compréhension des règles qui le sous-tend et, parfois, peut aller jusqu’à la compétition ;
- le jeu au sens instrumental du terme, c’est-à-dire l’utilisation, à des fins d’expression personnelle, d’un instrument conçu et construit par d’autres ;
- le jeu au sens d’espace plus ou moins libre permettant le mouvement des pièces d’une machine où intervient la notion essentielle d’aléatoire ;
- le jeu au sens théâtral du terme, c’est-à-dire l’implication psycho-corporelle d’un lecteur dans le texte produit par un autre ;
- le jeu au sens de diversité des formes que peut revêtir un ensemble créatif, la mise au premier plan de la variation, du même et du différent...

7. Littératures hors livre

La reprise en compte, grâce au médium numérique, de l’ensemble de ces possibilités ouvre de très nombreuses possibilités d’expressions qui projettent définitivement la littérature hors du livre et en font un espace à nouveau ouvert comme le montrent d’autres types de productions littéraires, par exemple :
- La littérature générative, dont je suis un ardent promoteur, qui a pour particularités de proposer la lecture d’une infinité de textes sur un thème donné ou une infinité de variations autour de la conception d’une œuvre donnée comme on peut en lire sur divers sites dont www.labart.univ-paris8.fr ou celui de l’écrivain français Maurice Regnaut ou www.trajectoires.com pour ce qui concerne mon roman « Trajectoires ».
- La littérature que je propose d’appeler « spectaculaire » où le texte, génératif, interactif, dynamique, se combine en temps réel avec d’autres propositions : danse, théâtre, musique, opéra... pour produire, à chaque participation ou représentation, des propositions originales : « Trois mythologies et un poète aveugle » avec Jacopo Baboni-Schilingi, Henri Deluy, Joseph Guglielmi ; « Labylogue » avec Maurice Benayoun et Jean-Baptiste Barrière ; « MéTapolis » avec Jacopo Baboni-Schilingi et Miguel Chevalier ; « Barbe Bleue » avec Michel Jaffrennou et Alexandre Raskatov... Le texte devient un élément constitutif d’un spectacle dans lequel, à des degrés divers, le spectateur - le « percepteur » comme je propose de l’appeler pour pointer cette neutralisation des médias...- devient partie prenante... Tous ces exemples ne suffisent cependant pas, et il aurait fallu évoquer ici toutes les expérimentations que des écrivains - y compris parmi ceux considérés comme « classiques », de Stephen King à François Bon en passant par Jacques Jouet ou Renaud Camus... - explorent, en ce moment même, sur Internet : works in progress, ateliers d’écriture, œuvres participatives, collaborations à des degrés divers... toutes propositions montrant à l’évidence que le médium ordinateur est en train, sous nos yeux, de faire éclater les repères habituels qui ont défini la littérature dans son rapport étroit au livre pour les générations qui nous précèdent.

8. Conclusion et perspectives

Désormais, la littérature est définitivement sortie du livre. Le texte - du moins ce que l’on a l’habitude de désigner ainsi - abandonnant ce volume étroit, étriqué même, avec ses conventions si habituelles que nous les avions ignorées en tant que telles, conquiert de nouveaux espaces, y gagne de nouvelles libertés, y découvre des possibilités d’expression inédites et, avec elles, une nouvelle vitalité qui en fait un territoire jeune, certes encore un peu confus et désordonné, mais par suite foisonnant, cherchant à mettre en place un nouveau dispositif dont tous les acteurs - auteur, lecteur, éditeur, diffuseur... - doivent réinventer leur rôle. L’e-book n’est peut-être que le dernier signe de résistance car tout indique que, demain, la littérature envahira tous les écrans, que ce soient ceux des salles de spectacle, ceux qui rythment les activités citadines ou ceux qui, demain peut-être - mais je ne crois pas que ce soit là un délire de science-fiction - constitueront les murs virtuels de nos appartements. L’histoire littéraire nous ayant amplement montré que la littérature dépend, dans ses formes et ses thèmes, de l’ensemble des éléments constitutifs de son dispositif (la littérature épique, par exemple, est étroitement liée à ses formes orales, le roman aux contraintes concrètes du livre...) qui, aujourd’hui, peut prédire de quoi elle sera faite et vers quels horizons inédits elle conduira ses lecteurs ? (...)

LA LITTERATURE DE DEMAIN : prose métagraphique de Gabriel Pomerand (1950)



JUSQU'AU DERNIER SOUFFLE/JUSQU'AU DERNIER SON


L'année 2008 s'ouvre par le décès d'Henri Chopin ; défenseur d'une poésie "sonore" dans le sillage de Dufrène et Wolman, il reste un "passeur" considérable qui via sa revue-disques OU-cinquième saison a permis de fédérer une multiplicité de pratiques et d'expériences mais aussi de renouer avec quelques grands prédécesseurs et pionniers. Frédéric Acquaviva lui a consacré une émission sur France Culture en 2005 Henri Chopin la sonore dont on espère qu'elle sera pour l'occasion rediffusée. Le numéro 162 des Cahiers du refuge du CIPM offre une introduction fort documentée à son oeuvre dont on peut découvrir de nombreux extraits sur Ubuweb (http://www.ubu.com/sound/chopin.html).
On écoutera avec profit d'ailleurs les pièces d'Isou et de Lemaître qui sont référencées sur ce site.