mercredi 21 novembre 2012

RAPPORTS RUEF, ATTALI, GALLOIS ?

Pour goûter toute l'actualité de ce dernier Manifeste d'Isou, je recommande, eu égard la mauvaise qualité de résolution de mon scan, de passer en affichage Plein Écran ; la résolution est mauvaise mais les solutions proposées sont loin de l'être !



lundi 5 novembre 2012

PROTEGEONS NOUS DU PROTECTIONNISME !


A chaque jour suffit sa peine et sa perle ! Ce gouvernement semble décidé à battre la précédente majorité sur le terrain de la morosité économique. Alors que le rapport Gallois provoque avant même sa publication la polémique dans les rangs socialistes, Monsieur de Montebourg, secondé par quelques incurables experts en vieillerie dirigiste, est sur tous les fronts du redressement improductif : éloge du made in France, ode à un protectionnisme modéré destiné à préserver les emplois en France  contre de " méchants" concurrents qui ne respectent pas les règles de ce colbertisme réchauffé, haro sur les traîtres à la patrie qui délocalisent ou décident d'ouvrir des entreprises dans des contrées plus hospitalières, culte de la consommation soutenue artificiellement comme levier quasi magique d'une croissance décidément introuvable... et dernière facétie de notre ministre, quelques satisfécits concédés au rapport Gallois, on se demande bien pourquoi.
Le précédent gouvernement nous avait imposé sur le plan social et culturel un discours, des débats, qui révélaient indéniablement une frilosité devenue peur panique face à un monde globalisé présenté comme inquiétant, voire dangereux. Il fallait rassurer les français sur leur identité, leur exception, leur expliquer que finalement même si la Chine, L'Inde et le Brésil s'invitaient à la table de la prospérité et du développement, rien ne changerait fondamentalement pour Monsieur Dupont et Madame Durand ; le Musée France se perpétuerait jusqu'à la Résurrection des morts sans rien changer aux recettes qui avaient jadis fait son succès et son exception. Paradoxe français s'il en est, les majorités successives n'ont eu de cesse de rigidifier davantage ce presque cadavre alors que des pans entiers de la planète se mettaient en mouvement ! Les hommes et les femmes venus de Roumanie ou de Pologne, De Turquie ou du Maroc, n'ont pas attendu que de maléfiques "ultra-libéraux" fassent sauter toutes les barrières et les frontières pour  quitter leur pays. La circulation accrue des personnes, des marchandises, des capitaux, dès le début des années 90, a de facto grandement déstabilisé les équilibres négociés et acquis dans le cadre de la mythique et désormais défunte période des "Trente glorieuses". Si des populations entières sont plongées  dans l'inquiétude et la peur d'une relégation ou d'un déclassement, d'autres attendent de ce bouleversement les conditions d'une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs enfants. Les certitudes d'hier ont fini d'illusionner, leur magie n'opère plus et c'est bien l'absence d'un discours politique à la hauteur des enjeux historiques de cette "grande transformation" qui finira par donner, en France et ailleurs, les clés du pouvoir à tous les populistes qui font de l'entre soi (confessionnel, ethnique ou social) un programme politique définitif.
Avec ce gouvernement et ce président c'est une sorte de sarkozysme débonnaire qui a fini par s'installer, le style brouillon en moins : pas de chasse aux "musulmans, roms, sans papiers, chômeurs fraudeurs" et autres figures obligées du tropisme sarkozien, mais la désignation des entrepreneurs et patrons comme boucs émissaires d'une croissance en berne, l'extension sans fin et sans financement d'une bureaucratie d'état sans grande efficacité et sans direction lisible (voir la chute des postulants aux concours de l'Éducation Nationale), une révolution fiscale qui par certains aspects risque de décourager l'initiative privée et l'emploi, le soutien à des entreprises sans grand avenir économique sous prétexte qu'elles ont "fait la France", une frilosité à l'égard de l'Europe, soupçonnée d'être trop "libérale" et pas assez "française" ! Bref les socialistes ont l'Europe honteuse, et leur défiance vis-à-vis de la société civile, de ses créateurs et entrepreneurs mais aussi de leurs partenaires européens n'a rien à envier à l'hostilité cultivée par une partie de la droite à l'égard des immigrés. Le spectre du repli identitaire qu'il prenne les habits de l'économique, du social ou du culturel, traverse bien l'ensemble de la classe politique française.
Si on est en droit de demander légitimement des comptes dès à présent au gouvernement socialiste, c'est que l'actuel Président a défini (ou plutôt quelques officines et mentors bien inspirés mais aujourd'hui peu diserts) un agenda, des réformes structurelles (les socialistes semblaient alors découvrir  toute la complexité de l'économie contemporaine) et surtout des priorités (la jeunesse notamment) qui laissaient entrevoir le changement de paradigme si souvent espéré à gauche. Il n'en est rien. La question de la « Jeunesse » se trouve réduite aux mêmes vieilles lunes habituelles : augmentation du nombre de postes comme si c'était là le remède miracle à tous les dysfonctionnements de cette administration et au recul de la France dans tous les classements internationaux, retour de la « morale républicaine » au rang des grandes priorités nationales (Peillon, ce nouveau Ferry...fait rire !). La gauche socialiste toujours aussi peu décidée à rompre avec le clientélisme, dont bien sûr elle n'a pas le monopole, préfère sans doute rassurer sa base électorale constituée d'une majorité de fonctionnaires, acheter une relative paix sociale avec les grandes centrales syndicales comme la FSU plutôt que de s'attaquer à une réelle « refondation » dans l'intérêt même des premiers concernés : des méthodes, des contenus, des finalités de cette institution et de ce que devrait proposer un service public à tous les jeunes scolarisés de ce pays, pas un mot.
Mais c'est sur le terrain économique que ce gouvernement a adopté une rhétorique volontariste pour le moins inquiétante, bien loin des ambitions réformistes timidement défendues face à une gauche toujours plus crispée sur des postures et options à l'ancienne, étatistes. Dans le débat récent et délirant sur le protectionnisme souhaitable ou souhaité qui ne dit pas toujours son nom à gauche (on parle souvent de « régulation »...) mais s'exprime de manière décomplexée à l'extrême droite et à droite (claude Guéant ou Henri Guaino l'ont largement réinscrit dans les débats du moment), on pourrait objecter quelques contre-exemples historiques : imagine-t-on Dargaud, Castermann, Fleurus, Gléna ou Hachette, en France et en Belgique, demander un surcroit de taxes et de réglementations sur la concurrence, à savoir les comics américains (DC et Marvel) et les mangas japonais, afin de pouvoir garder la main sur leurs marchés respectifs ? Notre gaulois fétiche est pourtant une marque internationale, il est traduit dans plus d'une centaine de langues et ses aventures se vendent à plus de 300 millions d'exemplaires (dont « seulement » 95 millions en pays francophones) chaque année ; que penseraient nos ayatollahs du « produire/consommer français» si les éditeurs américains DC comics et Marvel exigeaient de leur gouvernement la mise en place d'une réglementation destinée à décourager la concurrence afin de préserver la consommation exclusive de produits made in Us sur le territoire national ?
Dans le cadre d'une économie globalisée, les moins innovants, pour ne pas dire les « has been », cherchent sous l'aile protectrice de l'état un moyen de garantir leur statut et leurs rentes au détriment des consommateurs et surtout des créateurs, des forces vives qui bousculent les habitudes et les traditions bien installées de l'offre et la demande. Ces créateurs en rupture apportent le grain de sable (ou la tempête) de l'innovation, disqualifient le conformisme labellisé, installé ou subventionné, et surtout représentent les marchés d'avenir. On m'objectera que sans la puissance d'intervention de l'État, le cinéma « qualité française » aurait disparu depuis bien longtemps à l'instar du cinéma anglais ou italien. Et alors ? Nous manquerait-il vraiment ?  Veut-on sérieusement signifier par là que le drame petit bourgeois « à la française », les comédies qui remplissent régulièrement toutes les salles et sont toujours des succès, justifient à eux-seuls l'existence du CNC ? Canal Plus, groupe privé, a fait bien plus pour ces deux cinémas que notre malheureuse administration. Ou voudrait-on suggérer par là que le cinéma « de qualité », le grand art, nécessairement privé de débouchés économiques, doit relever de l'action « désintéressée » de la puissance publique, et échapper ainsi aux lois d'airain du marché où il n'aurait pas d'avenir ? Les USA démontrent plutôt le contraire : ils possèdent une industrie cinématographique qui répond à toutes les demandes, ils produisent des « blockbusters » mais aussi des films grand public de qualité sans oublier un cinéma d'auteur et de franc-tireur qui, notamment avec internet, a trouvé de nouveaux moyens, plus ouverts, de se financer (crowfunding), de gagner son indépendance (et je ne parle pas de leur créativité débridée en matière de Série TV, tout style confondu). Les méfaits de cet interventionnisme bureaucratique, si prisé dans l'hexagone, en matière de création culturelle et artistique sont bien trop prévisibles pour ne pas être ici dénoncés : rentes de situation, académisme d'état financé sur fonds publics, luttes et servilité pour coopter ces moyens au détriment de la recherche et de l'innovation (voir les aberrants quotas de « chanson  française » obligatoires à la radio française quand on sait que la French touch de Justice ou Daft Punk est accueillie et célébrée en Angleterre et aux États-Unis sans visa ni quota)...
Tandis que je rédige ces quelques lignes , la hi-fi martèle un grand classique de black metal De Mysterris doom sathanas des sulfureux Mayhem. Un bon exemple à suivre : les pays scandinaves, puissances mineures sur un plan démographique et économique au regard de l'Allemagne et de la France (quoi que...) n'en sont pas moins les premiers fournisseurs mondiaux de talents en métallurgie (Black et Death) ; leurs groupes font référence, bénéficient d'une audience internationale et trouvent de fait facilement leur place sur les grands marchés américains, européens et ailleurs encore, bien au delà des fjords nationaux. La mondialisation des échanges n'est pas pour ces formations une malédiction (malgré le nationalisme agressif de certains d'entre eux), elle représente une opportunité, la chance d'une audience élargie et d'enrichissements réciproques (voir à ce sujet l'essor récent d'une scène Black Metal aux USA, inspirée des exemples scandinaves).
Car à la base de toute prospérité (dans tous les sens du terme) il y a bien l'échange et non le repli grégaire et l'entre soi. Si Paris a longtemps été une capitale culturelle, c'est moins en raison d'un supposé  « génie français » que des rencontres que cette capitale ouverte, cosmopolite, permettait : Picasso, Brancusi, Modigliani, Benjamin Fondane, Tristan Tzara, Isidore Isou, Salvador Dali, Luis Bunuel, Gerashim luca... sans parler de ceux qui en faisaient une étape obligatoire de leur aventure littéraire ou artistique (William Burroughs, Brion Gysin, Henry Miller..).
La défense des thèses protectionnistes est aux antipodes de cette « société ouverte ». Pire encore, elle va contre l'intérêt même des citoyens de ce pays que l'on prétend défendre et préserver de la "bête mondialiste". Car ne nous y trompons pas, ce sont les mêmes arguments qui demain reviendront dans la bouche des mêmes « indignés » pour demander contre de nouveaux venus, bien français cette fois-ci, dangereux car contestant une hégémonie ou un monopole, des peines et des chatiments identiques. La boucle est bouclée et le protectionnisme finit par interdire le mouvement de l'offre et de la demande, par renforcer l'hégémonie des dominants, par transformer les propriétaires en rentiers perpétuels sans égard pour les aventuriers qui se sentent trop à l'étroit dans des marchés sclérosés et portent dans leur tête des rêves inouïs qui sont les clés économiques d'un avenir commun. Les murs et les barrières dressées (taxes, réglementations) n'y changeront rien, cette mondialisation honnie détruit des situations acquises et crée de nouvelles opportunités, elle inquiète et perturbe mais elle stimule aussi ceux qui ont choisi de pratiquer le libre échange à grande échelle. Elle devrait être, surtout pour cette majorité qui a fait de la jeunesse une urgence politique, l'occasion de parier sur les outsiders, les aventuriers, les jeunes impatients et ambitieux, plutôt que de dérouler le tapis rouge aux rentiers du vieux capitalisme à la française (Psa Peugeot, Bouygues, Dassault et consort qui n'arrivent plus à écouler leur obsolescence), aux amicales de retraités de la vie économique (centrales syndicales sclérosées, bureaucratie de fonctionnaires attachée à la perpétuation de sa routine) et de céder aux mirages d'un nationalisme suicidaire incapable de tenir ses promesses économiques.