jeudi 30 décembre 2010

EMMANUEL TODD ET LES COMPTES CRUELS DE LA JEUNESSE

"Deux phénomènes se combinent :
  • l'émergence d'une structure oligarchique concentrant la richesse et le pouvoir -1 % de la population, en haut, s'empiffre d'une manière qui n'a plus de sens.
  • le vieillissement, qui est lié car le capital appartient plutôt aux vieux.

Bien sûr, la plupart des vieux ne sont pas de grands capitalistes. Il suffit de se promener dans la rue… Le vieillissement est au cœur du processus démocratique car les plus de 65 ans représentent plus de 20 % du corps électoral.

Le discours du sarkozysme est celui de la réforme, du changement, le « Ça va bouger ! ». Et, effectivement, Sarkozy bouge, il s'agite. Son élection a été habillée ainsi.

Mais l'analyse démographique du vote de 2007 montre autre chose : Sarkozy a eu 44 % des votes des plus de 65 ans au premier tour. Plus qu'aucun président de droite, Sarkozy a été l'élu des vieux.

Pourquoi ? Parce que la France a été terrorisée par les émeutes de 2005, qui étaient un soulèvement de la jeunesse. Cette peur a été réactivée par les incidents de la gare du Nord, en mars 2007, juste avant l'élection présidentielle. La question des retraites, c'est l'émergence de la démographie au cœur du problème politique français.

L'idée d'ajuster le temps de travail sur la durée de vie n'est pas scandaleuse. Ce qui a été étrange dans cette réforme, c'est l'annonce, dès le départ, que les retraités (l'électorat sarkozyste) ne seraient pas touchés, et donc que le coût de l'ajustement serait supporté par les jeunes. Cette réforme censée dynamiser le pays reflète, en vérité, le fait que le pouvoir sarkozyste est un pouvoir des vieux. Tous les arbitrages se font contre les jeunes.

Les partisans de la réforme disent qu'elle va sauver le système pour les jeunes, confrontés à la dette des soixante-huitards.

La réalité, c'est que le gouvernement n'affronte pas la réalité économique. Cela n'a aucun sens de mettre en place des plans dans un futur indéfini, dans un contexte d'inaction et de laisser faire, alors que le système économique français se désintègre. La priorité, c'est de le remettre sur des bons rails, et les retraites suivront.

Vous êtes favorable au retour de l'Etat dans la sphère économique ?

Pas du tout. Les protectionnistes sont des libéraux, qui croient au marché, à la libre activité de l'entreprise. Il faut juste fixer la taille du terrain de jeux. C'est le contraire de l'Etat bureaucratique. C'est l'Etat libéral qui organise l'existence d'un marché. Moi, je crois au marché.

Que pensez-vous de la motivation des jeunes qui sont descendus dans la rue ?

Je n'aime pas faire parler des catégories sociales. Mais j'ai un peu de mal à imaginer que des jeunes de 15 ans puissent se soucier vraiment de leur retraite. Par contre, l'oppression économique des jeunes est réelle…

La proportion des jeunes qui font des études supérieures est à peu près égale depuis 1995, jamais les jeunes générations n'ont été aussi bien formées. Les générations d'analphabètes sont à la retraite.

On est dans une société loufoque, qui dépense pas mal d'énergie pour l'éducation de sa jeunesse et qui, ensuite, adhère à un système économique qui assure l'écrasement de la jeunesse et de la baisse de son niveau de vie.

C'est un gaspillage d'énergie énorme. Les jeunes sont assez conscients de ce qui les attend sur le marché du travail. Et donc j'imagine qu'ils ne sont pas très contents. La nouveauté de la période, c'est qu'à part les 1 % d'en haut de la structure sociale plus personne ne profite du système.

En 1995, dans les standards occidentaux, on estimait que les 20 % des classes moyennes supé rieures ayant fait des études ramassaient 50 % de la richesse.

Aujourd'hui, ces mêmes 20 % stagnent ou ont des revenus en baisse. On est dans un processus de réunification de la société par le bas : une mécanique inexorable qui écrase les différentes catégories, en commençant par les plus faibles : jeunes issus de l'immigration, monde populaire, classes moyennes… Il y avait aussi des voitures qui flambaient à Saint-Brieuc !

La démographie nous condamne à des gouvernements de droite pour vingt ans ?

Il y a une forte probabilité. En Europe, le virage à droite a été massif. Mais on n'est pas dans la pire situation : l'âge médian des Français est d'un peu moins de 40 ans ; en Allemagne, c'est 44 ans. La démocratie sénile la plus avancée, c'est l'Allemagne. Les choses sont plus compliquées.

Il faut penser, comme le fait Louis Chauvel, en termes de générations. Les plus de 70 ans ont une histoire très favorisée en termes économiques. Mais nous allons voir arriver de « nouveaux vieux », ayant eu des existences très dures comme actifs, et dont les revenus vont baisser une fois à la retraite.

L'âge d'or des Trente Glorieuses n'était qu'une parenthèse. Comment vont tourner les « nouveaux vieux », comme moi ? On ne sait pas. Je ne suis pas très optimiste."

entretien complet in http://www.rue89.com/entretien/2010/11/28/emmanuel-todd-notre-classe-dirigeante-nest-pas-au-niveau-178081

vendredi 24 décembre 2010

2012 ANNEE DU SOULEVEMENT DE LA JEUNESSE ?

  • "Une société qui, tel Cronos, dévore ses enfants est une société qui se meurt.
    Terra Nova appelle à une « révolution copernicienne » des politiques publiques,
    au profit d’une stratégie d’investissement social qui concentre les moyens
    publics sur les jeunes générations." Olivier Ferrand, directeur de Terra Nova

    (http://www.tnova.fr/note/dossier-du-monde-d-cryptage-le-grand-d-bat-investir-dans-notre-jeunesseSelon)

  • "Une démocratie ne peut prétendre à cette qualité si elle tourne le dos à l’essence même de sa vitalité : les jeunes. Je ne suis pas le hérault d’une catégorie d’age. Je suis le vecteur d’une solidarité républicaine renforcée autour d’un partage intergénérationnel. Je suis assuré que la fougue de notre jeunesse trouve en la maturité des plus mûrs les chemins vertueux du vivre ensemble."

    Maxime Verner, 21 ans, plus jeune candidat déclaré pour les élections 2012 !!!

    On lira son appel républicain sur son blog : http://blogverner.wordpress.com

  • « 43% des jeunes actifs (37% des jeunes actives) habitant dans les quartiers pauvres sont au chômage. C'est le chiffre alarmant qui ressort du nouveau rapport de l’Observatoire national des Zones urbaines sensibles (Onzus), remis ce jeudi remis au ministre de la Ville Maurice Leroy.Sur une population active potentielle de 250 000 jeunes entre 15 et 24 ans, 100 000 sont au chômage, a détaillé la présidente de l’Onzus, Bernadette Malgorn. Au total, le taux de chômage a grimpé à 18,6% en 2009, contre 16,9% en 2008, dans les 751 quartiers retenus par les pouvoirs publics comme cibles prioritaires de la politique de la Ville.Il dépasse les 17% enregistrés en 2003 au moment de la mise en place de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dont l’objectif était de réduire significativement les inégalités en banlieue sur une période de cinq ans. » Libération 23/12/2010

    http://www.liberation.fr/societe/01012309720-des-banlieues-minees-par-le-chomage-des-jeunes






samedi 4 décembre 2010

LE SOULEVEMENT DE LA JEUNESSE EXPLIQUE AUX RETRAITES QUI GOUVERNENT CE MONDE

Le 30 novembre dans l'indifférence généralisée se tenait à l'Université Paris VIII Saint-Denis une table ronde à l'occasion de la sortie d'une brochure présentant une relecture, à la lumière des enjeux politiques, économiques et sociaux contemporains, du Soulèvement de la Jeunesse, théorisé par Isou. Quelques personnes présentes, mais un auditoire de haute qualité, pour un public absent qui au même moment tout autour de nous planchait à diverses occupations universitaires, sans doute promises à un trop peu d'avenir. Un grand Merci à celle et ceux qui en cette occasion ont pris le temps de venir, d'écouter, de converser... dans la plus grande convivialité.




(Frédéric et Sylvain)



(François Poyet, Cindy, Sylvain)



(l'auteur et l'œuvre)

mardi 23 novembre 2010

LETTRISME LE BOULEVERSEMENT DES ARTS AUX EDITIONS HERMANN

Les Éditions Hermann annoncent la publication du livre de Guillaume Robin Lettrisme et bouleversement des arts. L'ouvrage peut être commandé directement auprès de l'éditeur (avec une remise de 25 %) grâce au bon de commande téléchargeable sur le lien suivant :

http://www.communitydesign.fr/_DATA_/Souscription_GR.pdf.zip


Cet ouvrage d'un jeune auteur qu'il faut encourager prend place dans une actualité éditoriale du lettrisme qui décidément prend en épaisseur et sur laquelle les Cahiers reviendront plus largement sous peu.

samedi 23 octobre 2010

ACTUALITE ET URGENCE DE L'ECONOMIE NUCLEAIRE

Voici un article publié vendredi 21 octobre dans le journal Libération ; finalement les analyses et thèses d'Isou ont fait leur chemin depuis 1950... " renouveler le pacte social avec la jeunesse, en réformant l’école et le marché de l’emploi", voilà bien un programme pour 2012 !

Le sociologue Olivier Galland, spécialiste de la jeunesse (1), analyse les racines de la contestation au-delà de la question des retraites.

La réforme des retraites suffit-elle à expliquer la mobilisation des jeunes ?

Je pense que c’est plutôt l’occasion d’exprimer quelque chose d’autre. Si l’on regarde les récentes mobilisations des jeunes, elles portaient sur des sujets qui les concernent directement, comme le contrat premier embauche (CPE) ou la réforme Darcos du lycée. Il y a eu, venant d’une autre jeunesse, le mouvement 2005 des banlieues, qui était l’expression d’un sentiment profond d’exclusion et une demande de reconnaissance. Les retraites, cela paraît très loin de tout cela. Comment se projeter quarante ans en avant, d’autant qu’on ignore ce que sera alors le système des pensions ? Il y a tout de même eu un mot d’ordre qui a fait mouche chez les jeunes : l’idée que si les vieux travaillent plus longtemps, il n’y aura plus d’emploi pour eux - une croyance très ancrée en France, même si de nombreux économistes ne la jugent guère fondée. Cela renvoie à une préoccupation clé des jeunes : trouver du boulot au sortir des études. Malgré tout, je ne crois pas que cela soit le fond du problème.

Il existe un malaise plus profond ?

Oui, mais je ne crois guère à la thèse de la génération sacrifiée. D’après moi, les jeunes ont plutôt de grandes difficultés à entrer dans la vie adulte et à s’insérer socialement. La génération sacrifiée signifie que les jeunes entrent dans la société avec un handicap qui va les accompagner toute leur vie. Selon moi, il y a plutôt un problème de classe d’âge, une crise latente d’intégration de la jeunesse, qui se joue sur deux terrains essentiels : l’école et le marché du travail. Le système éducatif français est pensé avec l’obsession de la sélection des élites. Si on arrive à mettre quelques enfants d’ouvriers à Polytechnique ou à l’ENA, on estime avoir rempli les critères d’équité. C’est absurde. Le problème est plutôt que les 700 000 jeunes en filière professionnelle - contre 70 000 dans les classes prépas - réussissent leur CAP ou leur bac pro. Le système est aussi une grande machine de classement scolaire, sur des critères académiques, qui sera le décalque du classement social et de l’accès à la hiérarchie des emplois. L’idée est d’écrémer pour garder les meilleurs. Les autres sont éjectés vers des filières au rabais. On élimine et on génère une peur de l’élimination chez les jeunes. Le système ne parvient pas à construire l’estime de soi chez les jeunes, la clé de la réussite. En plus, cette sélection se fait sur une base très académique, avec un clivage croissant entre cette culture scolaire et la culture des jeunes. On assiste ainsi à une rupture entre la jeunesse et l’école, qui est très inquiétante.

Le marché de l’emploi n’est guère plus accueillant…

Là encore, les jeunes Français ont plus de difficultés que d’autres Européens, avec depuis vingt ans, un taux de chômage de 15 à 20%. En plus, la flexibilité de l’emploi - les CDD, l’intérim, etc. - s’est accrue, presque exclusivement chez les jeunes. On se retrouve avec un marché du travail où les jeunes sont la variable d’ajustement. Mais il ne faut pas noircir à l’excès. Après souvent plusieurs années de galère, à 30 ans, 70% à 80% occupent un CDI. Si l’on ajoute un marché du logement très tendu, les jeunes ont le sentiment d’appartenir à une société qui ne fait que leur entrebâiller la porte. Tout cela crée de l’angoisse devant l’avenir.

Comment interpréter la solidarité des jeunes avec les salariés ?

D’après moi, il y a une crise d’identité française face à la mondialisation qui inquiète les Français plus que les autres. Dans les enquêtes internationales, ils la considèrent comme une menace pour l’emploi, pour le modèle social et l’Etat protecteur auxquels les Français, notamment les jeunes, sont très attachés. La crise financière a accentué ce sentiment et a aiguisé l’anticapitalisme qui a gagné une partie de la jeunesse.

Ces jeunes que l’on présente comme individualistes sont donc politisés ?

Dans les enquêtes sur les valeurs européennes menées tous les neuf ans, la livraison de 2008 a montré une nette remontée de la politisation des jeunes, ainsi que de la radicalité. En 1999, 7% se situaient à l’extrême gauche. Aujourd’hui, ils sont 13%. A la question sur les changements souhaitables dans la société, ils sont par ailleurs 24% à se dire aujourd’hui en faveur de «changements radicaux par une action révolutionnaire», contre 6% en 1990. Nous sommes peut-être à un changement de cycle dans les attitudes politiques. Dans les années 90, la tendance était plutôt à la dépolitisation, même si les jeunes participaient beaucoup à des actions protestataires. Mais il y avait un retrait de l’action politique classique - le vote, l’adhésion à des partis, etc. Politisation et radicalité ne concernent pas les mêmes catégories. Les jeunes politisés sont plutôt éduqués, les radicaux ont un niveau d’études plutôt bas. Si ces deux jeunesses s’amalgamaient, cela pourrait faire des dégâts.

Les violences n’en sont-elles pas des prémices ?

Il est sûr qu’au départ, ce mouvement concerne plutôt les jeunes éduqués, et pas tellement les jeunes de banlieue, les déscolarisés, les chômeurs ou ceux vivant de petits boulots. Mais on commence à voir apparaître aux franges du mouvement une autre jeunesse. Il est possible que ce soit cette seconde jeunesse plus radicale. On a vu en 2005 qu’elle pouvait s’exprimer de manière violente. On ne peut exclure qu’il y ait un amalgame. Le mouvement prendrait alors un tour plus violent. Mais c’est très difficile de le prévoir. Il pourrait suffire d’une étincelle. Surtout que les problèmes de fond à l’origine de 2005 n’ont pas été résolus - la ghettoïsation et la marginalisation d’une partie de la jeunesse.

Que pensez-vous des accusations de manipulation ?

Lorsqu’un mouvement prend une telle ampleur, il est difficile de soutenir qu’il est manipulé. Mais il ne faut pas non plus se voiler la face : il y a des organisations, notamment de jeunes plutôt à gauche, qui ont des objectifs politiques. Ici, le gouvernement a fait une vraie erreur de communication et montré qu’une grande partie de la classe politique avait une image très datée de la jeunesse. Ils la considèrent comme une minorité irresponsable qui n’a pas à participer au débat public. Cela a exaspéré, à juste titre, bon nombre de jeunes.

Comment percevez-vous le rôle des réseaux sociaux sur Internet ?

Il y a un côté festif, apéro géant dans le mouvement. Cela renvoie à un trait très fort de la culture adolescente actuelle : la valorisation de l’être ensemble et du partage collectif des émotions. Il y a ici un paradoxe. On assiste à un repli identitaire de la jeunesse, avec une culture un peu à part du reste de la société et la volonté de rester entre pairs. Mais avec ce mouvement, elle réintègre la société.

Voyez-vous des ressemblances avec Mai 68 ?

Ça me semble assez éloigné. En mai 68, il y avait quelque chose qu’il n’y a pas du tout aujourd’hui : l’utopie, l’idée que l’on pouvait transformer de fond en comble la société. Il y avait aussi un conflit de générations très fort, notamment à propos des mœurs. Aujourd’hui, c’est le contraire : les jeunes vont manifester pour la retraite des vieux, ce qui semble parfois surréaliste.

Comment en sortir ?

A droite comme à gauche, beaucoup de politiques semblent en avoir conscience : il faudra renouveler le pacte social avec la jeunesse, en réformant l’école et le marché de l’emploi. Mais ce sera compliqué.

(1) Auteur de Les jeunes Français ont-ils raison d’avoir peur ? éd. Armand Collin, 2009, 16,70 euros.

dimanche 17 octobre 2010

FRACTURE GENERATIONNELLE 2


La présence importante des lycéens dans les manifestations contre la réforme des retraites donne à un mouvement social classique, mené par les organisations syndicales, un souffle inattendu qui prend de court les observateurs, brouille les lignes de partage, embarrasse les syndicats et ravi la gauche qui sur le sujet manquait décidément de clarté.
De prime abord, que des jeunes se mobilisent sur un sujet aussi lointain pour eux, aux côtés des salariés, sous des slogans aussi étrangers à leurs propres intérêts, a de quoi surprendre. Les arguments avancés dans les tracts de l'Unef et de la Fidl donnent pourtant quelques éléments, malgré eux, pour comprendre cette entrée des jeunes dans le conflit :



« Etudiant à 20 ans, chômeur à 25… et toujours précaire à 67 ans ? Non merci !

Le gouvernement pariait sur la résignation des jeunes pour pousser au fatalisme et imposer ses choix en matière de retraite : ce pari est d’ores et déjà perdu. 74% des 18-24 ans se déclarent désormais opposés au recul de l’âge légal de départ en retraite. Les « générations futures » refusent de servir d’alibi à cette régression sociale majeure, et ils ont bien compris que cette réforme sacrifie leur avenir en les enfermant dans la précarité et la peur du lendemain.

Une réforme qui pénalise les jeunes aujourd’hui…

Alors que les jeunes galèrent déjà sur le marché du travail avec l’enchainement des périodes de stages, d’intérim et les CDD, le report à 62 ans de l’âge légal de départ en retraite va accentuer le chômage des jeunes. En tentant de maintenir au travail deux ans de plus les salariés déjà en place, c’est près d’un million d’emplois qui ne seront pas libérés. Une solution existe pour assurer le financement des retraites : mettre au travail les 25% de jeunes aujourd’hui au chômage !

et qui les enferme dans la précarité demain !

Le report à 62 ans de l’âge légal plonge également les jeunes dans l’incertitude. Alors que l’accès à un emploi stable se fait de plus en plus tard (27 ans en moyenne), le report de l’âge légal de départ va conduire les jeunes à travailler jusqu’à 67 ans pour espérer percevoir une retraite décente !

Alors que par nos études et nos qualifications, nous participons à l’effort de production de richesse, nous devrions accepter le chômage en début de carrière, et nous n’aurions aucun droit à la retraite futur ? C’est inacceptable. Les jeunes refusent que la précarité soit un horizon indépassable. Ils refusent la perspective de vivre moins bien que leurs parents. Ils refusent cette réforme qui sacrifie leur avenir. »

Derrière la rhétorique de la « solidarité » affichée, se lit le profond malaise d'une jeunesse qui aux prises avec une entrée dans la vie active difficile marquée par un chômage scandaleusement élevé, des diplômes qui n'offrent pas les places espérées (déclassement), les perspectives de mobilité réduites au regard de celles offertes à la génération de leurs parents.. prend conscience par anticipation des conditions dégradées dans lesquelles elle sera amenée à sortir.

Pour autant, ce mouvement est paradoxal, et prolonge la dynamique conservatrice qui avait déjà marqué les protestations étudiantes contre la réforme Pécresse : alors qu'il faudrait effectivement réformer un système universitaire moribond qui ne produit plus les effets attendus, les principaux intéressés se crispent et se mobilisent pour sa défense et son renforcement. L' extrême droite dans les années 80 a su élargir son audience en adoptant un discours « national » et « social » qui stigmatisait les travailleurs immigrés comme responsables du chômage des salariés « français ». L'unef reprend ce principe d'analyse en faisant de la présence des « vieux » sur le marché de l'emploi la cause probable du chômage des jeunes. Qu'en est-il vraiment ? Ce raisonnement se justifie dans certains secteurs (administration par exemple, un enseignant en retraite est remplacé pour un jeune certifié) mais pour l'ensemble de la vie économique, il est totalement absurde : la vie économique ne se reproduit pas d'une génération à l'autre à l'identique, des secteurs entiers disparaissent (que reste-t-il du textile, de l'électroménager en France ?), d'autres sous l'effet de l'innovation, de l'offre et de la demande, du niveau de qualification des entrants bouleversent le paysage économique (les services à la personne, l'économie verte, les nouvelles technologies) non sans douleur parfois (restructuration avec licenciements). A titre d'exemple, on peut rappeler les politiques de départ anticipé et leurs effets inexistants en matière d'emploi : les préretraites qui ont ainsi longtemps servi d'alibi aux insiders pour quitter dans les meilleurs conditions le marché n'ont jamais permis les embauches de jeunes escomptées : les entreprises elles y ont vu l'opportunité de lancer des restructurations à moindre frais. La diminution du volume d'emplois disponibles ne cesse aujourd'hui comme hier d'exacerber les conflits et les tensions ; en Angleterre dernièrement, on a pu voir des manifestants brandir des pancartes lors des manifestations demandant en priorité des emplois pour les « anglais » et une montée parallèle de la xénophobie ; les lycéens aujourd'hui manifestent contre un gouvernement qu'ils rendent responsables de leurs difficultés à trouver leur place sur le marché du travail et rejettent la société de misère et de pénurie qu'il leur annonce, à travers cette ultime mise à plat du modèle social à la française même si celui-ci ne fonctionne plus guère que sur un mode symbolique. Mais demain, c'est contre une société de retraités qu'ils manifesteront en refusant de financer davantage sur leur travail les déficits et les rentes de leurs parents.

Ce gouvernement et cette majorité n'ont de leur côté cessé de creuser un fossé d'incompréhension entre les priorités affichées et les inquiétudes des jeunes générations : réduction des emplois dans la fonction publique (donc une baisse des débouchés pour les plus diplômés), gestion policière et judiciaire des problèmes sociaux (notamment en direction des jeunes des quartiers défavorisés, proposition d'abaissement de l'âge de responsabilité pénale, peine plancher)... La réforme de l'Université mise en œuvre par Valérie Pécresse présentait de nombreux points positifs mais la ligne d'ensemble de ce gouvernement la rendait inaudible : le problème du logement, de l'échec en Université, d'un enseignement secondaire qui ne tient plus ses promesses et laisse sur le carreau beaucoup trop d'élèves... ne sont pas réglés sans parler d'un manque de dynamisme économique qui rend caduque l'espoir d'une promotion sociale par les études et les diplômes. Leur présence aux côtés des salariés est donc à lire davantage comme une demande de reconnaissance , de prise en considération des inquiétudes et des problèmes d'une partie de la société qui effectivement sert de "variable d'ajustement" aux politiques menées à droite comme à gauche.

Car la gauche se trouve à la fois embarrassée et ravie de ce rajeunissement paradoxal de la contestation. Le risque est en effet grand pour elle que la question des retraites se trouve débordée, par les lycéens, par celle de l'emploi et de la solidarité entre générations et que son corporatisme (elle défend surtout les sortants, pas les entrants) ne se trouve confondu. Ainsi ni la droite ni la gauche dans leur projet respectif n'entendent fiscalement mettre à contribution leurs retraités respectifs dans cet effort de financement pour maintenir un régime par répartition. Les jeunes, dans le plus grand malentendu, peuvent sans doute faire tomber ce gouvernement, il est acquis qu'ils n'en retireront rien, ils auront servi « d'idiots utiles » à une gauche et des syndicats qui défendent les insiders sans réponse à ce jour aux problèmes spécifique qu'ils rencontrent. Sans doute quelques uns de leurs leaders gagneront grâce à cela leur promotion au Parti Socialiste mais le grand changement de paradigme indispensable pour que la mobilisation lycéenne s'affirme comme force politique autonome avec ses enjeux, ses revendications propres et comme interlocuteur à part entière, n'aura pas eu lieu. Ainsi que l'avait noté en observateur avisé des mouvements de la jeunesse Isidore Isou dans un texte publié dans le premier numéro de L'UJCP :

« Chaque manifestation de la jeunesse l'emporte et obtient satisfaction. Hélas, la jeunesse est encore peu consciente, comme la masse ouvrière dans le passé, quand elle était xénophobe et attaquait les étrangers ou détruisait les machines »

Le débat sur les retraites et la place qu'il occupe dans l'espace public, restent symptomatiques d'une société qui ne fait pas des jeunes générations sa priorité. Les lycéens en rejoignant les mobilisations y ajoutent leurs interrogations, leurs frustrations qui donnent une légitimité aux revendications des syndicats et des Partis de gauche mais celles-ci s'y trouvent diluées, étouffées, et finalement trahies. Ce n'est pas seulement la droite qui use des jeunes générations comme d'un alibi (« c'est pour nos enfants que nous faisons cette réforme... ») mais aussi la gauche quand elle prétend que c'est au nom des jeunes générations qu'elle s'oppose à cette même réforme. A l'austérité des premiers, les lycéens et les étudiants devraient-ils préférer le malthusianisme des seconds ? Or le problème des jeunes aujourd'hui est à la fois politique (reconnaissance dans l'espace public comme acteur politique) et économique (augmentation du volume d'emplois disponibles). Et ni la droite, ni la gauche (malgré le positionnement courageux d'un François Hollande), ne semblent prêtes à faire toute leur place à cette demande sociale.

Enfin, alors que l'opinion, contrairement à 1995 et 2003, est acquise au principe d'une réforme, que la CFDT et la CGT sont prêtes à discuter avec un sens des responsabilités qui les honore, il est déplorable que la réforme se fasse « à la hussarde » obéissant davantage à un calendrier politique et des considérations électoralistes qu'au souci de trouver un consensus par la négociation. Il n'est plus possible que des questions aussi cruciales pour la collectivité soient parasitées par un agenda personnel. Sur ce terrain là aussi le dialogue social en France est décidément avec cette majorité au point mort. Espérons que les jeunes sauront éviter ce piège de la radicalisation et du pourrissement que semble attendre le pouvoir qui visiblement est déjà en campagne.

dimanche 3 octobre 2010

EXPOSITION LETTRISTE A LA VILLA TAMARIS

Du 28 octobre au 28 novembre se tiendra une exposition, organisée par Roland Sabatier, à la Villa Tamaris qui à travers les apports de quelques uns de ses artistes entend montrer la vitalité présente et l'importance historique de ce mouvement, à ce jour encore grandement ignoré malgré le regain d'intérêt qu'il connait hors de nos frontières. Il ne s'agit donc pas d'une rétrospective visant à l'exhaustivité encyclopédique, mais plutôt d'une anthologie de quelques artistes représentatifs des propositions artistiques défendues par le lettrisme de sa naissance à aujourd'hui et de la place singulière que chacun d'entre eux y occupe.
Pour en savoir plus sur la Manifestation et ce lieu unique :
http://www.villatamaris.fr


mercredi 8 septembre 2010

SALUT A JACQUES SPACAGNA

Les Éditions Acquaviva rendent un hommage légitime à Jacques Spacagna, disparu il y a 20 ans en rééditant son premier livre publié en 1964 à un seul exemplaire ! Au delà du baroque de son œuvre picturale, il laisse un nombre impressionnant de livres illustrés, véritables trésors de bibliophilie, qui mériteraient justement de sortir des cercles bibliophiles. Rendez-vous à 19h00 à la librairie Dans les Feuilles, rue de Saussure, dans le 17ème pour la sortie officielle de cette rareté (dans tous les sens de terme) qui enrichit la collection dirigée par Frédéric Acquaviva dont nous saluons ici la rigueur, la cohérence et l'audace.

lundi 12 juillet 2010

F(R)ACTURE GENERATIONNELLE ?

La place exhorbitante qu’ a pris, avant les turpitudes Woerth/Bettancourt, le débat sur les retraites, est un signe manifeste des antagonismes réels qui travaillent la société, des voiles divers avec lesquels le vieux monde entend continuer à s’imposer et à imposer sa grille de lecture usée jusqu’à la corde. Chacun joue sa partition à merveille : la droite, plus comptable que jamais, souligne l’urgence d’une réforme au regard de l’allongement de l’espérance de vie et de la diminution du nombre d’actifs, la gauche et les syndicats ne sont pas avares en contre-propositions au nom de la « justice sociale » et de la solidarité intergénérationnelle : élargissement de l’assiette de côtisation, taxes exceptionnelles sur les revenus financiers, prise en compte des années d’études ou simple status-quo pour les moins ambitieux…. Bref, c’est la bonne vieille opposition capital/travail qui joue une énième représentation et passe ainsi sous silence l’essentiel du débat.
On reconnaîtra pourtant à la droite gouvernementale un certain sens des « responsabilités » (au sens d’une éthique de la responsabilité à la Max Weber… d’ailleurs Rocard en son temps avait produit un « livre blanc » sur le sujet devenu culte) car il faudra bien sortir d'un systéme qui protége les mieux protégés et ne permet plus une réelle mobilité à ceux ceux, toujours plus nombreux, qui s'impatientent à ses marges. Malheureusement pour elle, elle n’est pas en mesure de s’emparer de ce sujet et d’entrer en dialogue avec une société qui voit les inégalités de revenus et de statuts se creuser, les efforts toujours plus grands qui lui sont demandés (austérité, réduction de la dépense publique et des politiques de redistribution), les « affaires » et l’irresponsabilité des élites s’afficher décomplexée au grand jour… Bref, ni cette majorité, ni a fortiori ce président, n’ont la confiance des citoyens nécessaire pour entreprendre toute réforme conséquente, dans la mesure où ils n’ont cessé de montrer combien ils ne représentaient qu’une classe, pire une caste (bouclier fiscal), sans égard pour l’ensemble de la société et de ses problèmes (crise économique majeure, ascenseur social en panne, déclassement, chômage).
Pour autant, la gauche est-elle plus pertinente sur le sujet ? Pas vraiment, on reconnaît surtout chez elle le vieux fond malthusien qui lui sert de boussole en matière économique : dans l’impuissance reconnue à permettre un retour au plein emploi, il reste les pis-aller : partage du temps de travail avec les 35 heures, principe des préretraites pour désengorger le chômage des jeunes (disent-ils...)… Puis viennent les postures et les justifications : justice sociale d’abord car la réforme actuelle se fait sur les dos des salariés les plus fragilisés (les femmes notamment, les métiers « pénibles »), liberté ensuite car une partie importante de la gauche ne fait pas du salariat un horizon indépassable, les gains en espérance de vie n’ont donc pas vocation à allonger la durée de travail mais d’abord à modifier qualitativement la vie individuelle…
Tout cela est fort sympathique mais peine à dissimuler le conflit réel ici à l'oeuvre : gauche et droite, Medef ou syndicats, représentent les intérêts bien compris des insiders, qui en l’occurrence sont les sortants, tandis que les entrants, les outsiders (notamment les jeunes), sont noyés dans la masse des premiers alors qu’ils n’en ont ni le statut, ni le destin. Autrement dit, il apparaît pour le moins étonnant de demander une mobilisation de tous contre ce projet de réforme quand cette mobilisation cherche surtout à garantir les droits et les statuts des uns (les insiders, qu’ils soient employeurs ou salariés), via les efforts supplémentaires qui seront demandés aux autres (les outsiders qui eux devront côtiser plus, travailler plus pour maintenir le pouvoir d’achat de leurs ainés) sans garantie pour eux d’avoir in fine les mêmes avantages (études longues et arrivée tardive sur le marché de l’emploi, précarité et temps partiel, parcours professionnel éclaté).
La démographie fournit ainsi une partie des clés de ce conflit : dans une société « vieillissante » (pour l’instant car la natalité est encore forte en France), l’opposition gauche/droite se reconfigure en fonction des intérêts représentés : à droite, on défend les personnes âgées et leur patrimoine (d’où les discours sécuritaires et les « faits divers » montés en épingle sur « l’insécurité ») et ce d’autant qu’elles constituent un réservoir de voix non négligeable, à gauche, à force de cécité face à cette diversité des destins générationnels, on finit par avoir des revendication catégorielles, quasi artérielles, et à n’être que le porte-voix de ceux qui sortent (en fait les retraités de gauche !). Il était d’ailleurs très amusant d'entendre certains ténors, comme Jean Luc Mélanchon se répandre lyriquement sur les salariés "usés" ayant commencé à trimer dès leurs 16 ans alors que l’allongement actuel des études (disparition des BEP au profit des Bac pros avec possibilité de poursuivre un cycle court dans le supérieur) va accentuer dans l'avenir une arrivée de plus en plus tardive sur le marché de l’emploi des diplômés de l’enseignement général, technique et professionnel. Le vrai scandale n’est pas dans la remise en cause de ce symbole/chiffon rouge de l’âge légal à 60 ans mais bien plutôt dans le taux anormalement élevé de jeunes chômeurs (24% chez les 18/25 ans). Et c’est à la lumière de ce chiffre, mais aussi d’une Université en crise qui ne garantit pas aux étudiants une bonne insertion professionnelle (tiens donc Pourquoi ?) et des conditions dégradées dans lesquelles les jeunes doivent s’efforcer de trouver leur place (la survie pour beaucoup), que le curseur se trouvait ainsi mis en lumière : partir à 60 ans mais avec quel espoir et quel revenu si on a une trajectoire professionnelle éclatée, incomplète, faite de périodes chômées, de temps partiels, de stages plus ou moins bidons avec des diplômes qui ne mènent à rien ?
Seul Louis Chauvel, dans une remarquable tribune publiée dans Le Monde a pris acte des enjeux générationnels de ce débat :
« La réalité est que jamais le taux de pauvreté des seniors n'a été aussi bas par rapport à une jeunesse paupérisée. Jamais leur revenu moyen n'a dépassé si nettement celui des générations de travailleurs, jamais leur patrimoine net moyen accumulé n'a été aussi élevé, comparé à celui des nouvelles générations. Jamais le taux de propriété ne les a mieux protégés de la crise du logement vécue par les jeunes. Jamais le taux de suicide des jeunes retraités n'a été aussi faible, relativement à celui des quadragénaires. Jamais ils ne sont partis plus longtemps en vacances, aussi, alors que, depuis 1979, cette pratique a régressé chez les adultes d'âge actif.
Pourtant, dans l'ordre de la réalité, ni les uns ni les autres, par pragmatisme électoraliste sans doute, n'ont intérêt à heurter les sensibilités d'une population de retraités qui n'ont jamais été aussi actifs politiquement. Le Parti socialiste a rendu son verdict : sa position est celle du maintien, le plus longtemps possible, des apparences de la retraite à 60 ans. Arc-boutée sur sa position fondée sur le symbole de l'héritage mitterrandiste, Mme Aubry va jusqu'à proposer à chaque Français l'horizon radieux d'une "révolution de l'âge" où les jeunes n'existent semble-t-il que pour recevoir une aide de leurs anciens. L'augmentation du taux de cotisation et l'invention de nouvelles taxes sur le capital serviraient bien sûr à combler le gouffre. Mais ces moyens nouveaux feront défaut à des besoins collectifs bien plus urgents, comme la formation efficace de nos jeunes et de nos salariés. En réalité, l'effort reposera pour l'essentiel sur les cotisations alourdies des salariés, notamment les plus jeunes, bien mal défendus par la gauche. Le gouvernement quant à lui compte bien sanctuariser les ressources économiques de seniors dont le vote sera décisif :faut-il rappeler que sans le vote des plus de 68 ans, Mme Royal eût été élue. Il n'est donc pas question de manoeuvrer le curseur le plus efficace : le niveau des pensions des retraités d'aujourd'hui.
C'est la force des idéologies que de fourvoyer les plus faibles, ceux qui n'y ont aucun intérêt, dans des directions qui leur seront néfastes. Le débat sur les retraites correspond bien à cela, puisque, à droite comme à gauche, les positions semblent en profonde contradiction avec la logique qui devrait guider les deux camps, à la défaveur des jeunes travailleurs, groupe social sans support politique. Du point de vue de la justice sociale, les retraités aisés doivent contribuer, mais, d'un point de vue pragmatique, ils en seront exonérés. C'est ici la conséquence du fonctionnement politique français, fondé sur un faux libéralisme qui réserve la liberté à ceux qui peuvent l'acheter et sur un faux socialisme qui a oublié ses enfants" .

Le débat sur les retraites occulte celui sur l'horizon bouché de la jeunesse,
par Louis Chauvel (LE monde, juin 2010)

Les grilles de lecture et de positionnement classique des syndicats et des organisations de gauche laissent sans voix et sans perspective la masse de ceux qui arrivent et pour qui manifestement la solidarité intergénérationnelle ne jouera pas. La gauche finira-t-elle pas prendre elle aussi sa retraite à force de corporatisme ? Comprend-elle les inquiétudes et les interrogations des générations qui arrivent, et prend-elle vraiment la mesure dès lors de l’extrême relativité de ses dogmes (défense des statuts et des droits acquis) ? Pourquoi par exemple demander de prélever davantage encore sur la richesse produite au profit du financement des retraites alors que l’Université française et sa recherche crient misère et devraient être la priorité de la nation pour la préparation de l'avenir ? Quel sens aurait une « société du bien être » (chère à Madame Aubry) où les aînés non sans paternalisme, entre une grande exposition à Londres et un séjour au Maroc, aideraient matériellement leurs petits-enfants, surdiplômés, précaires quasi clochardisés les maintenant ainsi sous dépendance permanente ? Quel sens a ce « débat de société » (et pour qui si ce n’est pour les futurs retraités du PS) sur le dépassement du travail par le temps libre quand les entrants subissent de plein fouet un chômage de masse durablement installé ? Le retour à un plein emploi relatif via l’innovation et la recherche ne représentent-ils pas un moyen d’augmenter le nombre d’actifs ? A quand un dépassement du malthusianisme économique à gauche ?!!!! Le souhaite-t-elle vraiment et comment ne pas noter combien cette fracture générationnelle travaille aussi le Parti Socialiste !
Il ne s’agit pas d’opposer frontalement les générations mais de souligner que le juste et l’injuste ne se posent seulement pas seulement de manière statique (travail versus capital, salariés versus employeurs) mais aussi dynamique (externes versus internes) et que cette exigence oblige à revoir les logiciels en usage et sans doute à prendre au sérieux les pistes de l’économie nucléaire et son protégisme juventiste théorisée et développée par Isidore Isou. A quand une réelle Union des jeunes, des créateurs et des producteurs ????

dimanche 6 juin 2010

L'EXPOSITION WOLMAN AU MACBA ANNONCEE SUR ARTDAILY.ORG


Widow (R) and daughter (L) of French artist Gil Joseph Wolman, Charlotte (R) and Barbara (L) Wolman pose for photographs as they attend the presentation of the exhibition 'Gil J Wolman. I am Immortal and Alive' at the Museum of Contemporary Art in Barcelona, Spain, 03 June 2010. The exhibition, running from 04 June 2010 until 09 January 2011, features 250 artworks by Wolman (1929-1995). EPA/TONI GARRIGA.

.... La suite : http://www.artdaily.org/index.asp?int_sec=2&int_new=38442

dimanche 23 mai 2010

GIL WOLMAN AU MACBA A PARTIR DU 04/06



Du 04/06/2010 au 09/01/2011 se tiendra une rétrospective majeure consacrée à l'artiste Gil Wolman sous l'égide de Frédéric Acquaviva et Bortaméu Mari. Artiste méconnu, ignoré longtemps parce que passager clandestin d'avant-gardes (lettrisme, internationale lettriste) dont il partage les luttes sans jamais renoncer à quelques wolmanies (la séparation) qui vont devenir des éléments structurants, obsessionnels, d'une œuvre plurielle (poésie, cinéma, peinture, collages et décollages, lettres et signes, présence et absence, œuvres et "déchets d'œuvres") qui affiche là une redoutable cohérence. Au delà des mythologies situationnistes, du lettrisme et de la poésie sonore, l'artiste est ici rendu à l'épaisseur de son travail, et sorti de sa solitude, rejoint et résonne avec les grandes interrogations et expérimentations de notre modernité dont il constitue une figure substantielle.
Un catalogue largement illustré et documenté (en espagnol et en anglais), comportant des mises en perspectives, publié pour l'occasion, vient fort heureusement marquer l'évènement... et peut-être qui sait s'imposer comme la lecture de l'été ! Saluons ici le travail de Frédéric Acquaviva , éclaireur des lieux tenus à l'obscurité, infatigable promoteur des figures insolites de la création, le Macba qui témoigne d'un souci exemplaire d'innovation, d'audace qui l'honore... et dont d'autres pourraient sans doute s'inspirer.

samedi 22 mai 2010

NEWS FROM ACQUAVIVA : MARCEL HANOUN A LA CINEMATHEQUE


Longtemps ignoré par les "officiels", le cinéaste Marcel Hanoun connaît un début de reconnaissance avec une rétrospective qui lui est consacrée à la cinémathèque française ; Frédéric Acquaviva a collaboré à plusieurs de ses films et il publie dans sa collection aux Editions Derrière la salle de bain un livre-DVD Le Cri limité à 100 exemplaires.
Du 28 AVRIL AU 31 MAI
http://www.cinematheque.fr/

dimanche 9 mai 2010

L'ETAT, LE MARCHE, LA CRISE

L'ETAT, LE MARCHE, LA CRISE

Deux crises viennent de se succéder sans que l'on puisse dire malgré les plans de secours et les décisions drastiques mis en oeuvre si elles permettront de sortir d'un chaos dont les conséquences politiques, sociales, économiques pourraient être désastreuses : la crise financière et les logiques délirantes des banques appellent bien sûr l'instauration d'outils de régularisation et d'encadrement, un retour des Etats (notamment via la fiscalité) dans le jeu financier mondial afin de mettre en échec les débordements d'une finance devenue folle, jouant contre l'économie réelle et ses acteurs. Pour autant, ce retour de l'Etat dans l'imaginaire politique et les programmes électoraux vient de trouver avec la Grèce ses limites. C'est là même un cas d'école qui devrait faire réfléchir une gauche déboussolée qui voit dans l'État hégémonique la solution à tous les problèmes : fonction publique pléthorique (800 000 à 1 000 000 de fonctionnaires pour 4, 9 millions d'actifs), fraude fiscale massive à tous les échelons de la société (un manque à gagner énorme pour les caisses de l'État), un secteur industriel faiblement développé (peu d'exportations) et un secteur des services qui représente près de 60 % des activités économiques du pays (tourisme, restauration, hôtel)... Bref, des gouvernements successifs qui incapables de mettre en route un développement économique conséquent ont usé des aides européennes pour garantir le train de vie de l'Etat et les embauches massives, électoralistes, de fonctionnaires, puis finalement le trucage des chiffres pour cacher le désastre aux marchés devenus indispensables pour trouver de nouveaux financements... Les socialistes d'obédience strauss-khanienne ne cessent pourtant de le dire : "la dette est l'ennemi de la gauche", car celle-ci oblige les Etats à se financer toujours plus sur les marchés et donne à ceux-ci un ascendant redoutable (augmentation des taux d'intérêt en fonction des risques, bulles spéculatives). Le gouvernement socialiste grec a le mérite de tenir un langage de vérité et de prendre les mesures hélas terribles socialement qui s'imposent pour assurer un équilibre budgétaire indispensable, retrouver la confiance des marchés, et renouer avec la croissance. Il y a pourtant quelques années les jeunes défilaient déjà dans les rues non contre le "capitalisme", le "marché" mais contre une société bloquée :

En mai 1968, les Français jetaient des pavés parce qu'ils avaient trop de rêves. Les Grecs, eux, n'en ont plus. "On nous les a volés, murmure Anthée, une jolie blonde criblée de piercings. A quoi servent nos diplômes? A rien, sauf si nos parents ont des relations ou si on connaît quelqu'un de bien introduit... En fait, nous sommes coincés."

D'un côté, le chômage, qui culmine à 24,3% pour les 15-24 ans - le plus fort taux d'Europe. De l'autre, des salaires au plancher: "On ne voit pas d'avenir, soupire Eleni, une étudiante. Ma génération survit avec 700 euros par mois. Nos aînés se sont sacrifiés pour nous offrir des cours particuliers et une meilleure vie que la leur. Seulement, voilà, elle est plus dure..."

Si Athènes n'a pas regardé à la dépense pour le faste des Jeux olympiques de 2004, elle est nettement moins prodigue avec le budget d'un système éducatif au fonctionnement archaïque. A maintes reprises, lycéens et étudiants ont manifesté pour réclamer des crédits supplémentaires. Leur ressentiment est d'autant plus vif que les inégalités se sont creusées ces vingt dernières années, pendant le décollage économique rapide du pays.

"Nous, en plus, on a la corruption, à tous les niveaux, depuis trente ans"

"Chaque jour, des pauvres gars défilent dans mon bureau, explique Pavlos, l'avocat en colère. Leur maison est sur le point d'être saisie parce qu'ils ont 2000 euros de dettes, quand des millions sont détournés par l'Eglise et par les politiciens..." Ce sentiment d'injustice explique en partie la violence des troubles.

Dans la capitale, à Thessalonique et dans de nombreuses villes à travers le pays, des émeutiers se sont parfois livrés à une casse monumentale et organisée. Contre les magasins, mais aussi contre des banques ou les sièges flambant neufs des multinationales. Révélatrice, l'une des premières cibles des casseurs a été le centre d'archives bancaires, à Athènes, dans une ruelle proche de l'avenue Panepistimiou, où sont recensés tous les noms de ceux qui ont contracté un emprunt dans le pays.

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/quand-la-rue-grecque-s-enflamme_726930.html

De tout ce gâchis qui oblige chacun à des révisions déchirantes, il reste pourtant quelques grandes évidences qui permettent de lire en creux des problématiques qui intéressent l'ensemble de l'Europe : sortir d'une société de statut où les insiders (de la fonction publique, du marché, de la finance) cherchent surtout à augmenter leurs rentes et à garantir leur place, pour une société ouverte aux outsiders, à la mobilité et à la redistribution des places, aux jeunes générations, mettre l'endettement au service de la croissance à venir (secteurs innovants, marchés porteurs, éducation et formation) et non au financement du train de vie des États, réforme globale de la fiscalité (chère aux socialistes) afin d'assécher les bulles spéculatives et d'encourager l'investissement dans l'économie réelle, nécessité absolue de l'échelon européen dans le cadre de la mondialisation avec cependant d'indispensables réformes (à quand des politiques économiques, fiscales et sociales communes ?)...

jeudi 6 mai 2010

LE LETTRISME A BEAUBOURG : UN PEU, MAIS PAS TROP, SANS FOLIE ET SANS PASSION







Ne boudons pas notre plaisir malgré tout : le nouvel accrochage présente bien des intérêts et en particulier celui de voir exposés quelques trésors lettristes. Pourtant c'est au détour d'une travée, comme dissimulé, que se trouve le petit mur lettriste proposant les oeuvres de 4 artistes (Isou, Lemaître, Wolman, Brau) qui ne donnent pas nécessairement au visiteur non averti une image cohérente et significative de la substance esthétique et de la masse des oeuvres et des styles qui dorment ici ou là, ou ailleurs, dans l'attente de quelques curators audacieux. On notera juste que les deux oeuvres d'Isou exposées ont été acquises par le musée à 32 ans de distance (!!!) : cela laisse rêveur quand à la fortune du lettrisme dans les institutions publiques. La disparition d'un Francesco Conz ne s'en fait que plus durement ressentir. Par ailleurs, l'ensemble semble indéfectiblement tirer le lettrisme vers la littérature (des livres et des revues sont exposées : Ur, Ion, les éditions du centre de Créativité...), et la première période dite "héroïque". Nous ne pouvons qu'encourager les reponsables du Centre Pompidou à prolonger ce premier effort, et à enrichir leur fond afin d'offrir au moins une salle (voire davantage) à la mesure de cette avant-garde essentielle et à ses artistes (Isou, Lemaître, Wolman, Sabatier, Satié, Spacagna, Altman, et tant d'autres) qui à l'instar de Hains, Villeglé, Bacon ou encore Picabia méritent de venir enrichir les collections publiques et de contribuer ainsi à leur rayonnement.



vendredi 23 avril 2010

jeudi 15 avril 2010

Installation sonore de Frédéric Acquaviva en Allemagne

Le 15 avril L'institut Culturel français de Brème présentera une installation sonore de l'artiste Frédéric Acquavia dans le cadre de sa résidence de composition ( http://www.institut-francais.fr/Konzert-Frederic-Acquaviva.html) en liaison avec le musée d'art moderne Weserburg où doit se dérouler la manifestation. (http://www.weserburg.de/.)
Il ne s'agit pas d'une création nouvelle mais de pièces plus ou moins récentes représentatives du répertoire de l'artiste et d'une oeuvre en mouvement : des projets, des rencontres dans "le domaine musical" mais souvent hors de ses lignes dans la littérature et les arts plastiques (Coma sur un texte de Guyotat et avec sa voix, Musique Acataleptique sur un texte de Jean Luc Parant). Notons la présence de l'hommage à Isidore Isou Exercice Spirituel qui représente sans doute une oeuvre ultime et le meilleur viatique offert au fondateur génial du lettrisme.
Par ailleurs, une interview accordée par F. Acquaviva à propos de la sortie d'un nouvel opus Le Disque dans le cadre de l'émission Pédilüv animée par Julia la Pirate, sera diffusée sur radio Campus Paris le 18 avril à 23h30 (93.3 FM ou sur internet www.radiocampusparis.org)

dimanche 11 avril 2010

POUR FRANCESCO CONZ


(O. Muehl et F. Conz )

Le Mécène, éditeur, collectionneur, infatigable archiviste et activiste de l'avant-garde Francesco Conz est mort à la suite d'une longue maladie le jour de Pâques à l'âge de 75 ans. Francesco Conz incarnait exactement ce qui fait défaut tant au marché et à ses bulles spéculatives qui vont d'opportunismes en crises qu'à l'Etat et ses institutions mortifères qui ne possèdent ni visions ni ambitions : l'engagement aux côtés des aventures artistiques les plus innovantes à travers l'édition (les superbes sérigraphies d'Isou en sont un brillant exemple) et la promotion passionnée des avant-gardes ; son catalogue impressionne par la qualité des artistes qui y figurent : les Fluxus (G.Brecht, Ben Patterson, Dick Higgins, Allan Kaprow, Henry Flint...,), Gunter Brus, le lettristes (Isou, Lemaître, Roland Sabatier, Jacques Spacagna) mais aussi Henry Chopin ou encore Bernard Heidsieck. Ses Archives recèlent sans aucun doute une documentation de première main pour suivre l'avant-garde contemporaine dans son devenir, sa mise en mouvement, elles constituent une véritable leçon à l'usage de ceux et celles qui veulent redonner à la création ses lettres de noblesse. Saluons donc ici Francesco Conz, l'homme et le compagnon de route des artistes, dont l'absence pèsera assurément sur le rayonnement de pratiques artistiques "hors les murs". Saluons cette figure singulière, hélas minoritaire de son vivant, mais toujours Ô combien nécessaire à une doxa artistique institutionnelle qui devrait dans ses choix s'inspirer d'une pareille trajectoire éclairée et amoureuse.

A Consulter : http://www.archiviofconz.org

dimanche 21 mars 2010

ISOU ET WOLMAN AU MACBA !!!




Le Macba de Barcelone vient d'enrichir sa collection de deux contributions d'exception : un superbe art scotch de Gil Wolman "Gagarine se tue en avion" (1968) et une sérigraphie d'Isou réalisée sous l'égide de Fransesco Conz en 1988 Hypergraphie polylogue. Ces deux nouvelles acquisitions sont à la mesure des actions menées par le Macba, qui accorde une large part aux avant-gardes : A theater without theater, John Cage i l'art experimental... et cherche visiblement moins la confirmation des valeurs établies que la prise de risque, l'audace. Preuve à l'appui : la rétrospective qu'il consacrera à Gil Wolman, manifestation organisée par Frédéric Acquaviva du 04/06/2010 au 09/01/2011 (!!!) et qui, après les initiatives menées en France, ouvre ce grand artiste à une reconnaissance internationale Ô combien méritée. Dans un contexte de crise économique qui rend le monde de l'art toujours très frileux, le Macba par sa programmation pourrait bien devenir très vite une place essentielle de l'intelligence artistique contemporaine. On souhaite vraiment que notre Ministère de la culture avec les moyens qui sont encore les siens s'inspire d'une pareille démarche et affiche sur toutes les cimaises de France les trésors qu'il n'a que trop tardé à montrer.

A Consulter : http://www.macba.cat/controller.php

mercredi 24 février 2010

SOUTIEN A ALI SOUMARE !!!

Les élections régionales en Ile-de-France sont plutôt prolixes en coups bas et allégations de toutes sortes ;le jeune candidat Ali Soumaré vient d'en faire l'amère expérience. Voilà que les listiers (lisiers ?) de droite ressortent (comment ?) les vieux dossiers judiciaires le concernant : quelques condamnations et affaires en cours qui relèvent de la petite délinquance. La gauche socialiste quand elle est sans idées ni projets ne cessent d'en appeler rituellement à la justice sociale et à l'omniprésence de l'Etat, la droite quand elle brille par son néant programmatique revient à quelques fondamentaux de circonstance (l'immigration, la sécurité). Elle comptait sans doute non sans falsification disqualifier la liste de gauche en renvoyant Ali Soumaré à ces deux insuffisances : famille d'origine non hexagonale et passé judiciaire. La ficelle était trop grosse et les initiateurs de cette basse manœuvre de basse campagne en ont été pour leurs frais (plates excuses). Il n'empêche : Ali Soumaré était renvoyé à ses "accidents" de parcours pour lesquels il a rendu et il rend des comptes. On reconnaît là le regard d'une droite aveugle à la jeunesse des banlieues, à ses externes, qu'elle ne comprend pas et qu'elle assigne à la case délinquance sans lui donner les moyens politiques, économiques, scolaires de pourvoir en sortir (d'où sa préférence pour l'activisme policier, les lois sécurité qui se succèdent dans la plus inefficacité). Isou dans son Soulèvement de la jeunesse avait bien saisi l'ambivalence des dynamiques sociales de la jeunesse, oscillant entre créativité détournée et créativité pure. Ali Soumaré vient sans doute de la petite délinquance mais il a transformé son ressentiment et sa négativité en un engagement citoyen positif au service de tous. Est-ce à dire que le Parti Socialiste comprend mieux cette externité et sait lui faire une place ? Certainement pas, pour l'instant, et il a démontré aux dernières présidentielles combien il était allergique à tous ceux qui ne constituent pas sa routine instituée. Voudra-t-il demain ouvrir davantage encore ses listes, parier sur ces externes ou préfèrera-t-il se lamenter à grand renforts de paternalisme sur leurs échecs, leur violence, les formes plus déplaisantes de leur créativité détournée ? A suivre.

vendredi 19 février 2010

LA PENSEE TROGLODYTE FRANCHIT UNE FOIS DE PLUS LE MUR DU CON !

Certes Claude Allègre brille par son outrance et il paraît difficile de le suivre quand il se laisse aller à l'insulte mais rien n'est plus surprenant que la manière dont la recherche scientifique est invitée à faire profil bas, à s'effacer devant toutes sortes de lobbies ; aux États-Unis les orthodoxies religieuses voudraient bien mettre au pas la science mais que penser ici d'une nébuleuse nourrie de Orwell mal digéré qui sur le mode du catastrophisme obscurantiste s'impose dans l'espace public en slogans simplificateurs et en intimidations qui visent à empêcher le citoyen d'être informé, le scientifique de chercher et surtout souhaiteraient visiblement imposer à tous leurs tics et leurs tocs : petit extrait de cette lèpre de l'intelligence :

"Prenant acte du naufrage de sa campagne de promotion, la Commission nationale du débat public (CNDP) annonce ce mercredi 3 février 2010 l’annulation de ses trois dernières réunions prévues à Montpellier le 9 février, à Nantes le 16 février et à Paris le 23 février 2010.

Pour sauver la face, elle improvise en lieu et place des visio-conférences d’experts sur Internet, invitant les internautes à leur poser des questions par mail et par téléphone, comme dans n’importe quel talk-show à la radio ou à la télé.

Après la conduite de Grenoble subie le 1er décembre 2009, Jean Bergougnoux, président de la CNDP-Nanos, avait claironné à la manière du général Mac Arthur qu’il reviendrait. "A Grenoble, le débat n’est que suspendu, il n’est pas annulé, et reprendra sous une autre forme", déclarait-il le soir du 1er décembre [1] . Confirmation le 26 janvier à L’Express.fr [2] : "Je me suis promis d’y retourner".

On voit qu’il n’en est rien pour l’instant, à notre vif regret. Nous espérions rendre à M. Bergougnoux le Pipeau d’Or que nous lui avions décerné lors d’un précédent passage, et qu’il a oublié d’emporter dans sa prompte retraite.

Nous avions appelé au boycott et au sabotage de la campagne de promotion du nanomonde par la CNDP. L’échec de cette mascarade est une bonne nouvelle. Les dispositifs d’acceptabilité et de "démocratie technique" ont été démasqués et défaits. En dépit de moyens considérables, et de l’explosion d’un budget initial de deux millions d’euros fourni par le ministère de l’Ecologie. Explosion sur laquelle les journalistes ne manqueront de demander des comptes.

Nous menons depuis janvier 2003 le débat public sur les nanotechnologies et l’avènement du nanomonde à travers des livres, des films, des articles, des émissions de radio, des réunions publiques, des manifestations, et nous allons continuer avec tous les opposants à la tyrannie technologique, qui partout en France ont fait dérailler le train publicitaire des nanotechnologies. Et en tout premier lieu avec les collectifs anti-nanos de Montpellier, de Nantes et de Paris, qui poursuivront, eux, leur travail d’information, d’alerte, et de débat direct dans les mois à venir.

Quant à nous, nous invitons les rhônalpins à Grenoble les 5 et 6 février pour le 3e café luddite avec l’historien François Jarrige, auteur de Face au monstre mécanique (http://www.piecesetmaindoeuvre.com/...)."

in www.reporterre.net/spip.php?article915

Assurément, les sciences et les techniques doivent faire l'objet dans leurs usages d'un choix éclairé, le débat éthique contradictoire est légitime ; encore faut-il qu'il reste quelque espace aux scientifiques pour y apporter leur substance. Le catastrophisme entretenu à dessein sur la question du réchauffement climatique n'aide pas forcément le citoyen à mieux comprendre et à opérer des choix en conséquence, pire encore cela réduit des questions complexes qui ont besoin d'une authentique vulgarisation à des caricatures qui sont autant de faillites de l'intelligence critique. Ne faisons pas de procès politique a priori à la recherche scientifique, ce ne sont pas les scientifiques qui décident si oui ou nom un pays doit faire sien par exemple le nucléaire, ce sont des choix politiques qui intéressent chacun et il n'est pas en ce domaine plus douteux que ces groupuscules qui prétendant parler au non de tous (du bien, du bon, du vrai) finissent par vouloir décider pour tous.

jeudi 18 février 2010

LIBERALISME ET JUSTICE SOCIALE


Le libéralisme est un mouvement de pensée qui tout en se déclinant dans nos vies quotidiennes sur le plan politique et économiques reste largement méconnu voire caricaturé par nos contemporains lorsqu'il se trouve invité dans les débats publics souvent passionnés qu'il suscite ; aussi convient-il de saluer la publication dans la collection Folio d'un remarquable essai de Catherine Audard Qu'est ce que le libéralisme ? Réfutant les procès simplistes que l'on fait usuellement aux idées libérales (promotion de l'égoïsme auto-suffisant, guerre de tous contre tous dans la recherche exclusive de la satisfaction des passions privées, utilitarisme antisocial, etc...), elle réinstalle dans leur vérité et leur complexité les apports historiques de la pensée libérale (depuis ses fondateurs Locke, Smith, Hume jusqu'aux contemporains courants "libertariens" ou néo-libéraux) dans la relation tendue qu'ils entretiennent entre des fondamentaux (état de droit, liberté souveraine du sujet) et la nécessité d'une justice sociale. On comprend à la lire combien une intelligence binaire (droite versus gauche) est incapable de rendre compte de la richesse d'une pensée qui en France a longtemps été confinée aux marges de l'intelligence officielle toujours sous le coup de Marx et de ses innombrables spectres (Althusser, Bourdieu, Badiou et tous leurs épigones). Pourtant les concepts de discrimination et d'égalité des chances qui font aujourd'hui l'actualité politique et sociale sont directement issus de la pensée libérale, mais ils ne sont que la face visible d'une pensée en mouvement qui porte l'exigence démocratique et ses contradictions et dont l'ouvrage de C. Audard nous donne toute l'épaisseur. Il n'y a pas un libéralisme mais des libéralismes, et le néolibéralisme financier qui cause tant de désordre et d'injustice aujourd'hui est aussi éloigné de l'éthique libérale que la prose dogmatique de R. Garaudy ne l'était de la pensée de Karl Marx. Là où l'ouvrage s'avère bien utile c'est qu'il privilégie à la seule approche historique s'appuyant sur les grands textes et leur exégèse, la mise en situation par l'ouverture directe à des problématique contemporaines (diversité et multiculturalisme, place de la religion dans la modernité, égalité des droits et égalité des chances). Le chapitre sur John Rawls est lumineux : défenseur d'un libéralisme délibératif (débat pluraliste avec recherche d'un consensus sur la base de règles acceptées par chacune des parties en présence), ce dernier propose une théorie de la justice sociale qui a le mérité de sortir d'un égalitarisme abstrait et peu efficient au profit d'une distinction subtile entre inégalité juste et inégalité injuste.
La lecture de ce livre démontre s'il en était le caractère hautement périssable des doxas au regard des contributions historiques de la pensée : le marxisme comme le freudisme ont dominé les esprits pendant des générations (le "fameux horizon indépassable de notre temps" lancé par Sartre), les épigones de Levi-Strauss ont décliné le structuralisme dans tous les champs de l'activité humaine, les universités américaines sont "Derridés" et pratiquent tout azimuts la déconstruction... Et puis un jour, de cela il ne reste rien ou un nom Derrida, Levi-Strauss, Freud, Marx... renvoyé à ses forces et aussi à ses insuffisances, contesté sur le terrain qu'il occupait par des nouveaux arrivants qui veulent faire mieux, aller plus loin, ailleurs... Que la gauche s'entête encore à suivre les spectres que représentent les épigones tardifs de Bourdieu, Badiou ou encore Foucauld pour prétendre solutionner la question de la justice sociale ne témoigne que de sa volonté d'apporter sa contribution au maintien de la plus grande ignorance en ce domaine. Isou débarrassé des étiquettes réductrices (gauche/droite) avait publié une remarquable Histoire du Socialisme, il avait dans ses cartons une Histoire du Libéralisme, tant pour lui l'un et l'autre comprenaient des apports essentiels à l'intelligence politique des problèmes sociaux et à la formation de propositions nouvelles. Qui à gauche aura cette liberté intellectuelle là d'aller du côté des libéraux pour au moins se remettre à réfléchir ?