Le libéralisme est un mouvement de pensée qui tout en se déclinant dans nos vies quotidiennes sur le plan politique et économiques reste largement méconnu voire caricaturé par nos contemporains lorsqu'il se trouve invité dans les débats publics souvent passionnés qu'il suscite ; aussi convient-il de saluer la publication dans la collection Folio d'un remarquable essai de Catherine Audard Qu'est ce que le libéralisme ? Réfutant les procès simplistes que l'on fait usuellement aux idées libérales (promotion de l'égoïsme auto-suffisant, guerre de tous contre tous dans la recherche exclusive de la satisfaction des passions privées, utilitarisme antisocial, etc...), elle réinstalle dans leur vérité et leur complexité les apports historiques de la pensée libérale (depuis ses fondateurs Locke, Smith, Hume jusqu'aux contemporains courants "libertariens" ou néo-libéraux) dans la relation tendue qu'ils entretiennent entre des fondamentaux (état de droit, liberté souveraine du sujet) et la nécessité d'une justice sociale. On comprend à la lire combien une intelligence binaire (droite versus gauche) est incapable de rendre compte de la richesse d'une pensée qui en France a longtemps été confinée aux marges de l'intelligence officielle toujours sous le coup de Marx et de ses innombrables spectres (Althusser, Bourdieu, Badiou et tous leurs épigones). Pourtant les concepts de discrimination et d'égalité des chances qui font aujourd'hui l'actualité politique et sociale sont directement issus de la pensée libérale, mais ils ne sont que la face visible d'une pensée en mouvement qui porte l'exigence démocratique et ses contradictions et dont l'ouvrage de C. Audard nous donne toute l'épaisseur. Il n'y a pas un libéralisme mais des libéralismes, et le néolibéralisme financier qui cause tant de désordre et d'injustice aujourd'hui est aussi éloigné de l'éthique libérale que la prose dogmatique de R. Garaudy ne l'était de la pensée de Karl Marx. Là où l'ouvrage s'avère bien utile c'est qu'il privilégie à la seule approche historique s'appuyant sur les grands textes et leur exégèse, la mise en situation par l'ouverture directe à des problématique contemporaines (diversité et multiculturalisme, place de la religion dans la modernité, égalité des droits et égalité des chances). Le chapitre sur John Rawls est lumineux : défenseur d'un libéralisme délibératif (débat pluraliste avec recherche d'un consensus sur la base de règles acceptées par chacune des parties en présence), ce dernier propose une théorie de la justice sociale qui a le mérité de sortir d'un égalitarisme abstrait et peu efficient au profit d'une distinction subtile entre inégalité juste et inégalité injuste.
La lecture de ce livre démontre s'il en était le caractère hautement périssable des doxas au regard des contributions historiques de la pensée : le marxisme comme le freudisme ont dominé les esprits pendant des générations (le "fameux horizon indépassable de notre temps" lancé par Sartre), les épigones de Levi-Strauss ont décliné le structuralisme dans tous les champs de l'activité humaine, les universités américaines sont "Derridés" et pratiquent tout azimuts la déconstruction... Et puis un jour, de cela il ne reste rien ou un nom Derrida, Levi-Strauss, Freud, Marx... renvoyé à ses forces et aussi à ses insuffisances, contesté sur le terrain qu'il occupait par des nouveaux arrivants qui veulent faire mieux, aller plus loin, ailleurs... Que la gauche s'entête encore à suivre les spectres que représentent les épigones tardifs de Bourdieu, Badiou ou encore Foucauld pour prétendre solutionner la question de la justice sociale ne témoigne que de sa volonté d'apporter sa contribution au maintien de la plus grande ignorance en ce domaine. Isou débarrassé des étiquettes réductrices (gauche/droite) avait publié une remarquable Histoire du Socialisme, il avait dans ses cartons une Histoire du Libéralisme, tant pour lui l'un et l'autre comprenaient des apports essentiels à l'intelligence politique des problèmes sociaux et à la formation de propositions nouvelles. Qui à gauche aura cette liberté intellectuelle là d'aller du côté des libéraux pour au moins se remettre à réfléchir ?
La lecture de ce livre démontre s'il en était le caractère hautement périssable des doxas au regard des contributions historiques de la pensée : le marxisme comme le freudisme ont dominé les esprits pendant des générations (le "fameux horizon indépassable de notre temps" lancé par Sartre), les épigones de Levi-Strauss ont décliné le structuralisme dans tous les champs de l'activité humaine, les universités américaines sont "Derridés" et pratiquent tout azimuts la déconstruction... Et puis un jour, de cela il ne reste rien ou un nom Derrida, Levi-Strauss, Freud, Marx... renvoyé à ses forces et aussi à ses insuffisances, contesté sur le terrain qu'il occupait par des nouveaux arrivants qui veulent faire mieux, aller plus loin, ailleurs... Que la gauche s'entête encore à suivre les spectres que représentent les épigones tardifs de Bourdieu, Badiou ou encore Foucauld pour prétendre solutionner la question de la justice sociale ne témoigne que de sa volonté d'apporter sa contribution au maintien de la plus grande ignorance en ce domaine. Isou débarrassé des étiquettes réductrices (gauche/droite) avait publié une remarquable Histoire du Socialisme, il avait dans ses cartons une Histoire du Libéralisme, tant pour lui l'un et l'autre comprenaient des apports essentiels à l'intelligence politique des problèmes sociaux et à la formation de propositions nouvelles. Qui à gauche aura cette liberté intellectuelle là d'aller du côté des libéraux pour au moins se remettre à réfléchir ?
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