La fuite minable du despote Ben Ali permet à la Tunisie de mettre un terme (provisoire ?) à un régime corrompu, incapable de répondre aux aspirations et besoins les plus élémentaires de ses concitoyens. A ceux qui ici se satisfaisaient de la clique Ben Ali comme rempart contre un islamisme politique qui tente de s'imposer depuis des années comme figure exemplaire de l'opposition au Maghreb (non sans succès en Algérie), la société tunisienne vient de démontrer qu'elle représentait par sa mobilisation la cime la plus avancée d'une volonté de réforme sociale, économique et politique. Il faut souligner le rôle de la jeunesse qui à l'avant-garde de la contestation a littéralement mis le "feu aux poudres" : véritable contradiction vivante d'un système qui a massifié l'enseignement supérieur pour n'offrir aux lauréats des universités que la misère et le chômage. Bien sûr, les inégalités de richesse, l'absence de redistribution, les effets redoutables des spasmes de la mondialisation sur des économies fragiles (hausse des matières premières), la cooptation de tous les moyens par un pouvoir et ses proches... expliquent l'exaspération des tunisiens. Mais ni les grilles de lecture libérales, ni celles du marxisme (et que dire des décryptages "ethniques" ou "religieux") ne peuvent rendre compte de la dynamique qu'a représenté la jeunesse dans ce mouvement social d'ampleur : refus de la misère, demande d'emploi en rapport avec les diplômes, liberté d'opinion et d'expression, non pas la "révolution nihiliste" mais le désir de réforme pour accéder à l'existence et la reconnaissance ! Certes, rien n'est encore joué, les proches de Ben Ali n'entendront pas renoncer aussi vite à leurs privilèges et à leurs rentes indues, le mouvement social peut être récupéré, piégé, trahi par des forces politiques réactionnaires (islamistes) et ce d'autant qu'une partie non négligeable des opposants politiques se trouve en exil, mais la jeunesse étudiante en posant son problème comme LE problème révélateur d'une société bloquée représente en cet instant une force progressiste par qui peut venir la transformation attendue de la société tunisienne. Ses demandes sont nombreuses : sur le plan politique et économique, il ne suffira à une nouvelle majorité, même désignée démocratiquement aux prochaines élections, de lâcher ici et là quelques concessions pour en être quitte avec la colère venue comme en mai 68 des Universités (qu'un Ben Ali averti s'est empressé de fermer). C'est à un vrai programme ambitieux de réformes notamment économiques avec les jeunes et pour les jeunes qu'il faudra qu'elle s'attache. Enfin, comme Isou l'avait déjà noté, l'armée ne représente pas seulement le bras armé du pouvoir despotique, "l'ennemi de classe", mais un rassemblement d'externes dont le refus d'intervenir lors des manifestations a marqué une solidarité avec la contestation et a surpris plus d'un commentateur. D'autres pays seraient bien inspirés de "prendre acte" de l'exemple tunisien, et pas seulement ailleurs (Égypte, Algérie notamment dont la jeunesse sur-diplômée est condamnée à la misère) mais aussi ici, en Europe. On aura remarqué à quel point en ces circonstances historiques le personnel politique en France est décidément en dessous de tout : de l'impayable Frédéric Mitterrand à l'indigence d'une Alliot Marie, ces gens là nous disent comment ils traiteront le moment venu un soulèvement de la jeunesse française...
samedi 15 janvier 2011
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1 commentaire:
continuez ce que vous faîtes, on en a besoin. je viens de vous consacrer une petite note sur mon blog. Amitiés.
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