(Frère Manuel et Sœur Najat, attachés à la défense de la Sainte Parole Républic/haine, s'inquiètent de la montée d'une certaine mécréance externiste...)
Pour la Laïque
(1910)
Pour la Laïque
(1910)
DISCOURS DU CITOYEN JEAN JAURÈS
Prononcé les 10 et 24 Janvier 1910 à la Chambre des Députés.
Prononcé les 10 et 24 Janvier 1910 à la Chambre des Députés.
JAURÈS. — Messieurs, maintenant que la Chambre, à une grosse majorité,
a pris son parti, je lui demande respectueusement de vouloir bien s'y
tenir.
M. le président du Conseil a circonscrit le problème politique qui s'est posé devant vous.
J'espère ne point vous paraître indiscret ou présomptueux si je reviens au grand problème d'ordre général qui, selon moi, domine le débat.
Par l'ample et noble débat qui s'est développé à cette tribune et qui a attesté une fois de plus que, quelles que puissent être les fautes de tel ou tel Parlement, c'est dans la liberté des débats publics, dans le libre contrôle réciproque des partis qu'est, pour les nations modernes, la seule garantie des droits et des intérêts de tout citoyen, par ce grand débat deux questions sont posées devant vous : comment organiser, distribuer l'enseignement populaire de façon qu'il soit en conformité avec l'esprit de la République et des temps nouveaux et qu'il donne à l'ensemble des familles et à toutes les consciences les garanties nécessaires ?
Et puis, par quelle politique, par quels actes, par quelles lois pourrait être défendue, contre toute menace et contre toute attaque, l'école laïque ?
Quand on discute sur les fondements de l'enseignement populaire public, sur sa nature, sur son caractère, quand on parle de la neutralité scolaire et qu'on essaye de la définir, en sens divers, il me semble que l'on commet un malentendu.
On discute, on raisonne comme si une grande nation pouvait arbitrairement donner tel ou tel enseignement. Messieurs, on n'enseigne pas ce que l'on veut ; je dirai même que l'on n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est. J'accepte une parole qui a été dite tout à l'heure, c'est que l'éducation est, en un sens, une génération.
Je n'entends point du tout par là que l'éducateur s'efforcera de transmettre, d'imposer à l'esprit des enfants ou des jeunes gens telle ou telle formule, telle ou telle doctrine précise.
L'éducateur qui prétendrait ainsi façonner celui qu'il élève, ne ferait de lui qu'un esprit serf. Et le jour où les socialistes pourraient fonder des écoles, je considère que le devoir de l'instituteur serait, si je puis ainsi dire, de ne pas prononcer devant les enfants le mot même de socialisme.
S'il est socialiste, s'il l'est vraiment, c'est que la liberté de sa pensée appliquée à une information exacte et étendue l'a conduit au socialisme. Et les seuls chemins par où il y puisse conduire des enfants ou des jeunes gens, ce serait de leur apprendre la même liberté de réflexion et de leur soumettre la même information étendue. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
M. le président du Conseil a circonscrit le problème politique qui s'est posé devant vous.
J'espère ne point vous paraître indiscret ou présomptueux si je reviens au grand problème d'ordre général qui, selon moi, domine le débat.
Par l'ample et noble débat qui s'est développé à cette tribune et qui a attesté une fois de plus que, quelles que puissent être les fautes de tel ou tel Parlement, c'est dans la liberté des débats publics, dans le libre contrôle réciproque des partis qu'est, pour les nations modernes, la seule garantie des droits et des intérêts de tout citoyen, par ce grand débat deux questions sont posées devant vous : comment organiser, distribuer l'enseignement populaire de façon qu'il soit en conformité avec l'esprit de la République et des temps nouveaux et qu'il donne à l'ensemble des familles et à toutes les consciences les garanties nécessaires ?
Et puis, par quelle politique, par quels actes, par quelles lois pourrait être défendue, contre toute menace et contre toute attaque, l'école laïque ?
Quand on discute sur les fondements de l'enseignement populaire public, sur sa nature, sur son caractère, quand on parle de la neutralité scolaire et qu'on essaye de la définir, en sens divers, il me semble que l'on commet un malentendu.
On discute, on raisonne comme si une grande nation pouvait arbitrairement donner tel ou tel enseignement. Messieurs, on n'enseigne pas ce que l'on veut ; je dirai même que l'on n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est. J'accepte une parole qui a été dite tout à l'heure, c'est que l'éducation est, en un sens, une génération.
Je n'entends point du tout par là que l'éducateur s'efforcera de transmettre, d'imposer à l'esprit des enfants ou des jeunes gens telle ou telle formule, telle ou telle doctrine précise.
L'éducateur qui prétendrait ainsi façonner celui qu'il élève, ne ferait de lui qu'un esprit serf. Et le jour où les socialistes pourraient fonder des écoles, je considère que le devoir de l'instituteur serait, si je puis ainsi dire, de ne pas prononcer devant les enfants le mot même de socialisme.
S'il est socialiste, s'il l'est vraiment, c'est que la liberté de sa pensée appliquée à une information exacte et étendue l'a conduit au socialisme. Et les seuls chemins par où il y puisse conduire des enfants ou des jeunes gens, ce serait de leur apprendre la même liberté de réflexion et de leur soumettre la même information étendue. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
Messieurs, il en est de même d'une nation et il serait puéril à un
grand peuple d'essayer d'inculquer, aux esprits, à l'esprit de
l'enfance, selon l'ombre fuyante des événements ou les vicissitudes
d'un gouvernement d'un jour, telle ou telle formule passagère. Mais, il
reste vrai que l'éducateur, quand il enseigne, communique
nécessairement à ceux qui l'écoutent, non pas telle ou telle formule
particulière et passagère, mais les principes essentiels de sa liberté
et de sa vie.
La raison et le principe de laïcité
dans les sociétés modernes
Eh bien ! messieurs, il en est des nations comme des individus ; et
lorsqu'une nation moderne fonde des écoles populaires, elle n'y peut
enseigner que les principes mêmes selon lesquels les grandes sociétés
modernes sont constituées. Or, sur quels principes, depuis la
Révolution
surtout, reposent les sociétés politiques modernes, sur quels
principes repose particulièrement la France, dont ce fut le péril, on
l'a dit souvent, mais dont c'est la grandeur d'avoir par son esprit
logique et intrépide poussé jusqu'aux conséquences extrêmes l'idée même
de la Révolution ? L'idée, le principe de vie qui est dans les sociétés
modernes, qui se manifeste dans toutes leurs institutions, c'est l'acte
de foi dans l'efficacité
morale et sociale de la raison, dans la valeur de la .personne humaine
raisonnable et éducable.
C'est ce principe, qui se confond avec la laïcité elle-même, c'est ce
principe, qui se manifeste, qui se traduit dans toutes les
institutions du monde moderne. C'est ce principe qui commande la
souveraineté politique elle-même. Ah ! messieurs, les catholiques, les
chrétiens peuvent continuer à dire que même le pouvoir populaire
d'aujourd'hui est une dérivation, une émanation du pouvoir de Dieu.
Mais ce n'est pas en vertu de cette délégation que la démocratie
moderne prétend exercer sa souveraineté. (...)
http://www.miscellanees.com/j/jaures01.htm
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