"Alors, comment expliquez-vous que des jeunes de milieux sociaux très divers quittent leur terre natale pour la Syrie ou l’Irak ?
Il s’agit d’une crise identitaire et spirituelle, mais aussi d’une 
volonté de devenir un héros, ces jeunes recherchent l’aventure, un peu 
pareil que la Légion, la Bande à Baader ; il y a 30 ans, ils auraient 
rejoint Action directe. Ces jeunes ne sont pas tous dans des situations 
de détresse, ils recherchent l’aventure, mais aussi du sens à leur 
existence, ils ne savent plus où ils en sont. En ce moment, c’est le 
salafisme, mais à une époque, les jeunes anarchistes ont tué Sadi 
Carnot, car en rupture avec le capitalisme d’entreprise, le monde 
naissant. Ce sont des comportements de rupture, peu importe la cause 
pour arriver vers la violence contestataire, ce sont des entrepreneurs 
de cause. Aujourd’hui, les politiques sont incapables de proposer un 
projet pour mobiliser les gens, pour certains leur vie n’a pas de sens 
donc ils en cherchent un. Le plus souvent, ils sont mal armés 
intellectuellement pour creuser leur analyse du monde, ils n’ont pas 
d’esprit critique, c’est ou noir ou blanc, ils ne relativisent rien. Je 
suis allée dans les prisons à la rencontre de ces jeunes : pour eux 
c’est soit noir, soit blanc. Ils disaient : « Il n’y a plus d’espoir ici, chez moi c’est mieux ». Ils veulent un aller simple pour les pays du Golfe.
Mais là-bas, ils seront étrangers, pas bien accueillis, pour eux, la 
vie est simple. Il faut faire société ensemble, travailler sur 
l’éducation et ne pas laisser à l’école certaines personnes au bord de 
la route qui sortent sans diplômes. Ils maîtrisent mal l’écrit et 
l’oral, ils n’ont que la violence pour s’exprimer et une image négative 
de leur propre vie donc ils veulent se purifier ailleurs, car ils n’ont 
pas de repères. C’est le boulot de l’école, des éducateurs, de la 
justice et de l’insertion professionnelle. Vous savez, dans les 
années 1960-1970, il existait des internats publics pour pauvres, 
marginalisés et ce serait une bonne solution aujourd’hui pour régler le 
problème des mères isolées. Ce serait une bonne solution aussi pour ces 
jeunes pour les sortir de leur système familial et social. Ce serait 
coûteux, mais il vaut mieux payer des pions que des gardiens de 
prison non ?"
http://bondyblog.liberation.fr/201502170001/catherine-withol-de-wenden-il-est-ridicule-de-parler-dintegration-et-dimposer-un-modele/#.VOT6Cy6OqM8
 

