dimanche 23 décembre 2012

LE CHOC DES GENERATIONS : LA JEUNESSE ITALIENNE VUE PAR MARC LAZAR

Toute l'Europe : Un sondage Istat publié récemment a montré que c’est en Italie que l’on trouve la plus grande proportion de jeunes qui sont complètement inactifs, soit 1 sur 5. Comment expliquer ce chiffre ? Quel est l’état de la jeunesse italienne ?
ML : De plus en plus dramatique !

D'autant que ce seul chiffre masque une réalité géographique : la situation est encore pire dans le Sud de l'Italie. Le chômage y est encore plus fort et frappe encore plus les jeunes, qui payent cette situation au profit des baby-boomers qui sont au pouvoir, dans une société caractérisée par sa gérontocratie. Ce sont des gens âgés qui sont au pouvoir partout : dans les entreprises, dans les institutions, dans le monde universitaire… Un phénomène de blocage s'est créé qui provoque d'importantes tensions. Je pense que l'on n'est pas loin d'un choc des générations.

En conséquence, les jeunes sont nombreux à être inactifs. Très souvent, ils restent sous le toit familial. Ces garçons italiens qui restent avec la "Mamma" pendant de nombreuses années font sourire dans toute l'Europe : c'est un cliché qui recoupe une certaine réalité culturelle (il existe un rapport étroit entre les enfants, en particuliers les garçons, et leurs mamans), mais qui sert aussi de structure de protection. Ca a toujours été le cas en Italie. Il reste la vieille idée que pour partir de la famille il faut avoir la capacité d'acheter sa maison : l'écrasante majorité des Italiens sont propriétaires de leur résidence principale. Comme les jeunes ne travaillent pas et que les crédits sont élevés, ils ne peuvent acheter de maison, et restent sous le toit familial. C'est donc une société qui se sclérose.

Un autre effet de cette tension sur le marché de l'emploi des jeunes est le fait que l'on assiste, pour ceux qui ont un niveau de diplôme important, à un exode des cerveaux qui devient très préoccupant. L'Italie se tire une balle dans le pied actuellement de ce point de vue ! Leur première destination est les Etats-Unis, la seconde, l'Angleterre et la troisième la France. Nous voyons arriver de plus en plus de jeunes Italiens qui tentent leur chance en France. Les Italiens, dans un pays qui contrairement au nôtre a une grande tradition d'immigration, n'hésitent pas à partir. C'est un énorme problème pour l'avenir d'un pays où la croissance démographique est quasiment nulle, mais qui n'est pourtant absolument pas au cœur du débat public. La légère reprise de la natalité à laquelle on assiste depuis deux ans est due à l'immigration.

Toute l'Europe : Vous animiez une table ronde sur les réponses européennes à la criminalité organisée. Pensez-vous que les jeunes inactifs, notamment lorsqu'ils ont un faible niveau d'instruction, deviennent de la matière première pour les actions de criminalité organisée, ou se livrent du moins à des activités illégales ou de travail au noir qui ne sont pas comptabilisées dans le chiffre de l'Istat ?

ML :
Beaucoup de jeunes sont inactifs parce qu'ils s'engagent dans des études qu'ils ne mènent pas à bout, dans un système universitaire en plein délabrement. Comme ils ne trouvent pas de travail, ils sont inactifs.
Dans une partie de l'Italie, notamment dans le Sud et certains quartiers périphériques des villes de Palerme, de Catane ou de Naples, c'est le passage dans la criminalité organisée. Ces inactifs sont donc très actifs dans les activités illégales. Ils sont l'humus sur lequel s'appuie la criminalité organisée.

Mais il y a une seconde chose qui n'est pas comptabilisée dans la statistique italienne, ce sont toutes les activités qui se font dans le cadre de la famille, et qui sont des activités légales. Il y a en Italie 4 millions et demi de chefs d'entreprise. A la différence de la France, l'Italie a sauvé son petit commerce et son artisanat, et ces activités se maintiennent très bien en Italie, bien qu'en baisse depuis quelques années avec l'implantation de la grande distribution, notamment française.

Or le boucher ou le vendeur de fruits et légumes, voire la petite entreprise de 4-5 personnes très performante au demeurant, fait travailler essentiellement les membres de la famille, ce qui n'est pas déclaré. Vous pouvez être jeune inactif et travailler aux côtés de papa, maman et des cousins dans la boulangerie-pâtisserie locale, qui, en même temps, a parfois développé des activités importantes sur toute une région, voire exporte des produits hors de l'Italie. Vous y travaillez mais vous n'êtes pas comptabilisé, et officiellement vous ne travaillez pas. Vous n'êtes pas dans l'illégalité, puisque la loi conçoit de travailler pour aider sa famille.
Source :
http://www.touteleurope.eu/fr/organisation/etats-membres/italie/analyses-et-opinions/analyses-vue-detaillee.html


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