dimanche 17 février 2019

GILETS JAUNES : ACTE 14 ET BILAN DE TROIS MOIS DE MOBILISATION




les samedis se suivent et les manifestations sont reconduites, souvent dans le plus grand désordre,  avec un noyau dur de participants qui, les beaux jours arrivant, ont trouvé là l'occasion de joindre l'utile à l'agréable, la déambulation urbaine récréative et l'opposition à une république enlisée dans ses injonctions contradictoires (rassembler l'ensemble des citoyens  dans une concorde retrouvée, et en même temps écraser les moins bien lotis d'entre eux par des choix politiques, économiques calamiteux) ; ici j'ai défendu et je défends toujours ce mouvement social parce qu'il incarne une critique en actes du pouvoir légalement établi, dans une forme inédite et un pluralisme inattendu, en rupture avec les stratifications sociales héritées, il représente dans une dynamique équivalente comme une réplique venue des catégories externes à la victoire hégémonique de LREM et ses happy few aux dernières élections. C'est le second temps d'un processus de recomposition d'ensemble du paysage politique. Si la République s'est remise en marche, c'est d'abord dans les rues et sur les ronds-points. C'est pourquoi les erreurs et les faiblesses du mouvement me semblent bien moins préjudiciables et beaucoup plus excusables que le niveau bassement policier de leurs détracteurs qui vocifèrent en meutes. Les gilets jaunes ont tout à apprendre et à expérimenter comme mouvement social, les autres défendent une position et ses avantages. Ils ne veulent rien à apprendre, ni expérimenter, ils ne veulent pas de la révolution (ils sont rassurés elle n'arrivera pas) mais moins encore des réformes ! Le niveau de violence déployé par les manifestants à plusieurs reprises, l'impossibilité de ce mouvement à s'auto-organiser et à se dépasser dans des formes institutionnelles (des listes et un programme dans le cadre du jeu électoral) appelle cependant plusieurs observations :
- vers une "nuitdeboutisation" du mouvement des gilets jaunes ? Ce qui d'emblée a frappé d'inanité les commentateurs (intellectuels et journalistes), c'est le bien le caractère protéiforme de ce mouvement qui pouvait rassembler dans un premier temps des individus venus de partout et de nulle part sur le plan politique. Si ultras de gauche et de droite s'affrontent parfois en marge voire au milieu des manifestations comme à Lyon la semaine dernière, la plupart du temps ils peuvent défiler non sans quelques frictions au milieu des gilets jaunes, chacun s'efforçant de donner de la voix pour mettre en sourdine les slogans et chants de ses adversaires politiques. Or hier, ce qui m'a frappé immédiatement, outre l'inexistence d'un service d'ordre (le côté amateur...), c'est clairement la forte présence de la gauche radicale au sein du cortège, immédiatement reconnaissable à ses chants et slogans ("tout-le-monde-détestelapolice/ah-ah-anti-anticapitaliste-ah-ah/police partout justice nulle part") ; dans la mesure où ce mouvement n'a pas pu encore produire sa propre institutionnalisation (et dans une certaine mesure son noyau dur la combat), il ressemble pour le meilleur (il faut aussi le dire !) comme pour le pire à une auberge espagnole où chacun, chacune, sans regard pour ses orientations habituelles, peut venir habillé(e) d'un gilet jaune et rejoindre une mobilisation centrée essentiellement sur des demandes de renouvellement démocratique, de justice sociale et fiscale et de réforme de l'Etat. Dans une certaine mesure les violences déployées surtout contre les forces de l'ordre et les lieux de pouvoir (les permanences des élus, l'Assemblée Nationale la semaine dernière) sont fortement connotées politiquement, les méthodes des émeutiers aussi ; nous ne sommes pas en présence des scènes de pillage et de destruction habituelles (comme lors du troisième samedi) ; il y a clairement une dimension politique insurrectionnelle et paradoxale ; en effet si le "grand soir" révolutionnaire hante les imaginaires de la gauche radicale, il semble peu partagé par l'essentiel des manifestants qui de samedi en samedi reviennent avec les mêmes mots d'ordre (comme l'a très justement rappelé Ingrid Levavasseur : "vivre dignement dans une société plus juste") et s'inscrivent clairement dans une orientation réformiste plus que révolutionnaire (même si le langage chez les gilets jaunes emprunte beaucoup à 1789). Aussi les minorités actives et politisées tentent clairement d'orienter le mouvement et une partie de l'opinion ; la provocation contre la police cherche à démontrer la nature supposée totalitaire et liberticide du régime en place et donc son illégitimité ; d'où les écarts délibérés tentés par des petits groupes pour sortir le cortège de l'itinéraire déclaré en préfecture et obliger la police à disperser ce qui devient de fait un attroupement illégal. Beaucoup de gilets jaunes sont des novices sur le plan politique et sans doute découvrent-ils ce qu'est une manifestation en temps de crise ; les services d'ordre improvisés des gilets jaunes, aussi sympathiques soient-ils ne sont pas en mesure d'imposer leur autorité à des acteurs aguerris aux techniques de l'entrisme, de la guérilla urbaine et de l'insurrection. Ces éléments de gauche radicale forment l'avant-garde romantique d'une masse d'insurgés  fantôme et d'une révolution tout aussi introuvable. Certains néophytes sont grisés par cette ambiance électrique et sont  moins bons à la course que les forces de l'ordre et les professionnels de l'émeute... Mais il est clair que la manifestation de ce samedi me rappelait davantage les débats et discussions entendues lors de l'épisode Nuits Debout place de la République ou l'ambiance des manifestations altermondialistes que la colère exprimée sur les ronds-points. 


























Un académicien invectivé ! 
Cette "nuitdeboutisation" à l'oeuvre aux marges du mouvement me semble confirmée par "l'agression" dont a été victime le philosophe et académicien Alain Finkelkraut. Jusqu'à présent, le mouvement des gilets jaunes refusait tout ce qui pouvait rappeler une institution et une autorité (partis et syndicats) ;  j'ai même assisté à une scène étonnante (acte 10 ou 11 je ne sais plus) où des Cgtistes rejoignant en cours de manifestation le cortège se sont heurté aux organisateurs qui ne refusaient pas aux syndicalistes la possibilité de prendre toute leur place dans le cortège mais s'opposaient farouchement à ce que leurs banderoles CGT dénaturent le caractère "apolitique" et "apartisan" du mouvement ; dans les échanges entendus, revenaient aussi les reproches contre un syndicat dont le bureau central avait pris très tôt ses distances avec un mouvement qu'il jugeait sans doute trop "poujadiste" à ses yeux, même si à la base des adhérents de plusieurs fédérations avaient rejoint les protestataires sur leurs ronds-points. Bref, les invectives virulentes lancées contre le philosophe académicien témoignaient très clairement d'une orientation politique que par paresse, impuissance ou aveuglement les notables de l'information et de "l'intelligence" ont qualifiée bien sûr "d'antisémite" (l'arme de disqualification massive). Et pour être très précis sur le sujet je ne vois que l'injonction stupide de "retourner à Tel-Aviv" qui s'inscrive nettement dans les poncifs anciens et nouveaux de l'antisémitisme (le philosophe serait illégitime en France en raison de ce qu'il est, absurde !), je pense par contre que les accusations jetées contre Finkelkraut de "fasciste", de "haineux" et de "raciste" méritent mieux que cette disqualification de principe car ce qui est attaqué de manière outrancière c'est non ce qu'il est mais ce qu'il a écrit ou dit.


La séquence vidéo laisse en effet clairement entendre les insultes ("sioniste de merde, raciste, haineux, nous sommes le peuple...") proférées, mais ne donne pas le hors-champ qui éclaire, sans les excuser aucunement, le contexte de ce non-dialogue débuté en amont. Alain Finkelkraut s'inquiète en des termes que je trouve souvent "inquiétants" depuis bien longtemps dans son émission hebdomadaire Répliques, mais aussi dans l'Esprit d'Escalier avec Elisabeth Levy, d'une France facturée, d'une "identité nationale" fragilisée par de nouveaux venus visiblement peu solubles dans l'idéal républicain, qui de leurs "territoires perdus", préparent une nouvelle "barbarie", attaquent la laïcité, diffusent un islam radical et toxique, se tordent de rire aux spectacles de Dieudonné, refusent d'étudier la Shoah... J'en oublie ? Ce qui s'est invité hier dans un cortège ouvert à tous les vents (et même les vents mauvais !) c'est d'abord un conflit qui ne concerne en rien le mouvement des gilets jaunes (le conflit israelo-palestinien !), puisque on entend clairement le mot "Palestine" répété à plusieurs reprises et qui couplé avec la charge accusatoire sans appel "sioniste de merde" laisse clairement entrevoir l'imaginaire politique dans lequel se tiennent les insulteurs de Monsieur Finkelkraut ; mais il me semble qu'il faut suspendre un instant l'arme de disqualification massive (trop facile pour vous et moi) pour envisager la scène autrement ; car c'est aussi en quelque sorte une réponse abrupte et sans doute imbécile à une ligne souvent défendue par le philosophe académicien. Dans son regard maladif porté sur les marges disruptives de la société (= les banlieues), Alain Finkelkraut finit par par glisser comme beaucoup  de nos notables du Parti de l'Intelligence sur les pentes d'une déploration identitaire qui clive le corps social en "bons citoyens" (= républicains, universalistes) et "mauvais citoyens" (communautaires, souvent musulmans, étrangers en quelque sorte à une "francité" qu'ils ne veulent pas comprendre et intégrer) ; ainsi à l'occasion des obsèques de la vedette "nationale" J. Halliday avait-il noté que parmi la foule rassemblée les "non souchiens" (terme polémique repris aux indigènes de la république pour dissocier ceux qui se revendiquent de souche ancienne par opposition aux "branches" plus récentes de la Nation- France) "brillaient par leur absence" alors que le "petit peuple blanc" lui était bien là, comme pour suggérer que décidément de l'attentat contre Charlie Hebdo aux obsèques d'Halliday les "banlieues" n'entendaient rien aux temps forts de ce pays. Or dans les invectives lancées hier contre l'académicien ("la France nous appartient, nous sommes le peuple"), se lisait, au delà du conflit israelo-palestinien tombant comme un cheveu sur la soupe, ou des prétentions venues d'un islamisme conquérant, une véritable déclaration d'appartenance et d’identification à une communauté plus large que celle d'un quartier ou d'un banlieue, lancée avec arrogance et véhémence à la face d'un philosophe à qui on peut effectivement reprocher d'exclure souvent dans ses propos de l'espace républicain national les marges dissidentes et virulentes, issues d'une immigration plus récente. On a souvent souligné que les banlieues étaient plutôt absentes du mouvement des gilets jaunes ; elles ne sont pas étrangères au combat politique, mais il prend souvent les formes  aujourd'hui rédhibitoires d'un tiers-mondisme révolutionnaire, ou d'un islam politique. Les externes rentrent dans le jeu politique par des formes et des mots d'ordre de rupture au regard des codes qui règlent la vie publique et collective dont ils s'estiment à tort et à raison exclus. Je ne suis donc pas étonné de ne pas trouver des "républicains" forcenés parmi cette jeunesse qui effraie les "braves gens" et les "honnêtes citoyens" mais plutôt des individus en dissidence violente avec les habitus de la civilité officielle. Mais je ne peux m’empêcher de voir dans les allégations vociférées par l'un des deux insulteurs autre chose qu'une déclaration de guerre "islamiste" à un supposé "sioniste", j'y vois aussi clairement une réponse à l'académicien, à certaines de ses déclarations, de ses obsessions, dans ce "nous sommes le peuple" il y a comme la reconnaissance d'une communauté d'expérience et de destin, la découverte d'un Nous à l'occasion d'une manifestation, d'un mouvement social, qui agrège contre toute attente des pans de la société que l'on n'attendait pas ou plus, avec comme l'avait bien vu Lénine leurs "préjugés terribles". C'est comme si le jeune homme répondait à l'académicien, exemple abouti d'intégration par la littérature et la culture (français par les livres et par l'écriture) : "moi je suis français par la rue et par l’émeute, je découvre des pairs en condition, je quitte le quartier, la famille, la communauté religieuse pour une nouvelle aventure, je rejoins le peuple anonyme  et révolté dont j'étais jusque là séparé" ; c'est là une lecture très personnelle,  peut-être erronée, et on verra, puisqu'il y a désormais enquête, ce que le principal intéressé dira pour sa défense.    Pour le reste, la réaction et ses gardiens sourcilleux n'en attendaient pas tant, concerto d'indignation et sans doute mobilisation de tous les notables dans leur guerre ouverte au mouvement des gilets jaunes... avec la petite musique de ceux à qui on ne l'a fait pas "on vous l'avait bien dit !" Ah décidément Askolovitch ignore à quel point il a raison,  la "lutte contre l'antisémitisme" est la dernière justification, le joker, l'argument moral ultime de tout pouvoir aux abois qui ayant failli sur tout joue cette carte atomique, en se présentant comme le seul rempart face à la "barbarie qui monte" et qui arbore... un gilet jaune ! Ceci dit, ces insultes étaient inutiles et sans objet car on peut reprocher beaucoup de choses à Finkelkraut, mais c'est lui qui a donné toute parole à Christophe Guilluy,  Jean Claude Michéa, pour souligner combien la France périphérique était snobée, ignorée des élites politiques et intellectuelles toutes entières focalisées sur le "malaise" bien réel des banlieues. L'accuser de "sionisme"...bof, bof, bof... sérieusement, il est sans doute celui qui comme souvent dans son émission Répliques arrive à faire dialoguer des voix très discordantes sur le sujet de la question palestinienne comme sur bien d'autres. j'en tiens pour preuve le communiqué de la Ligue de Défense Juive qui rappelle tout son soutien à Finkelkraut comme juif attaqué mais son opposition à lui "dans sa défense de la cause palestinienne" I C I ; voilà donc un homme  qualifié à la fois de "sioniste"  par les uns et de "pro-palestinien" par les autres, ce qui est une bonne nouvelle pour le philosophe académicien car sans doute sur un sujet aussi explosif que celui-ci il tient une position nuancée et subtile, qu'il peine à trouver sur d'autres sujets (voir plus haut), mais qui fâche assurément tous les adeptes de jugements partisans et définitifs. Ce n'est pas la première fois que Finkelkraut est ainsi conspué ; lors d'une précédente Nuit Debout il avait été aussi vertement pris à partie, et obligé de quitter la Place de la République sous les sifflets et les crachats... l'utopie d'une société meilleure  plus tolérante se ferait sans lui ! Les notable n'ont cessé depuis le début de mépriser et couvrir de quolibets et d'insultes le mouvement des gilets jaunes, on ne répond pas au crachat par le crachat, personne n'a raison parce qu'il éructe plus fort ou brille davantage dans l'insulte, on gagne sur ses adversaires en les ralliant à sa cause par l'argument, l'exemple, la preuve. Finkelkraut est sans doute celui qui, malgré ses préjugés tenaces, dans le petit champ médiatique discute et débat le plus avec tout le monde (y compris un Renaud Camus théoricien sulfureux du "grand remplacement"), cela lui a été suffisamment reproché.... Les œillères et les ornières de la gauche radicale et de ses luttes habituelles viennent comme polluer un œcuménisme ambiant (voir les photos qui accompagnent ce post, lors des actes précédents, c'était encore plus bigarré) où finalement il importe peu de savoir qui sont ou ne sont pas les manifestants qui défilent habillés d'un Gilet Jaune (pas de déclaration préalable ni de sondage systématique des reins et des coeurs) ; or ici très clairement s'invitent des luttes et des revendications qui lui donnent une orientation politique hautement partisane, très étrangère à son noyau irradiant originel, comme une "récupération" que la plupart des gilets jaunes refusent par ailleurs, voilà une contradiction qu'il leur revient de résoudre très vite sous peine de n'être in fine que la caisse de résonance de toutes les causes opportunistes en mal de troupes.




Ce qu'on voit ce qu'on ne voit pas !
Faut-il donc tourner le dos à ces insurgés d'un genre nouveau, amateurs et désorganisés, et se joindre aux "assis", aux notables de l'information et de la réflexion pensionnée, à leurs indignations ? Décidément non, le cercle de la raison , et ses paniques morales, me semblent un parfait repoussoir éthique et politique ; qu'un Apathie, qu'un Calvi, qu'un Praux sans parler de Bruckner ou Ferry, prennent la parole pleine de fiel, et j'ai l'impression de voyager dans le temps d'entendre les anathèmes de la bourgeoisie outrée contre les communards, leurs exactions autant que leur programme politique ! les censeurs du mouvement pratiquent un activisme qui relève de la caricature ; l'hypertrophie du détail permet de faire disparaître la vue d'ensemble ; ce n'est pas une information que l'on vous livre mais une caricature, ce n'est pas l'analyse savante d'un mouvement social que tel plumitif vous soumet, mais une caricature ! les exactions sont présentées comme des "faits du jour", les violences tournent en boucle (on se demande bien à quelle fin non dissimulée)... on entend et on voit la violence verbale et physique (un peu moins celle des policiers, étonnant non ?), pourtant si on tend l'oreille, si on ouvre les yeux, si oublie un moment la rumeur du monde, plusieurs faits sortent d'une invisibilité :
- l'appel de Commercy lancé comme une bouteille à la mer a connu un succès inattendu : plusieurs dizaines de coordinations de toute la France ont répondu favorablement à cet appel et ont donné lors des premières assises  une première réalité à un "municipalisme libertaire", d'inspiration autogestionnaire, qui propose de revivifier par la base et la vie quotidienne l'exercice d'une citoyenneté souveraine ; à ceux et celles qui du côté des notables prophétisent pour le mouvement des gilets jaunes, comme à chaque fois que la démocratie avance, qu'elle donne toute sa place à ceux qui en représentaient les marges radicales, un nihilisme sans débouché  voué à terminer dans les pires ornières, voilà bien le meilleur argument à opposer à leur délire policier et à leurs demandes de plus en plus sécuritaires. On pourra suivre les débats dans plusieurs vidéos hautement recommandées


le live de Mediapart : 



le live de MEdiapart 2 




- le grand débat : c'est une expérience inédite menée à l'échelle du pays en temps de crise ; sans doute le pouvoir n'avait guère d'autre alternative puisque le mouvement incapable dans l'immédiat de produire sa propre structure représentative, ne pouvait permettre une sortie de crise classique (de type accord de Grenelle), mais assurément c'est un succès (dans la version proposée par le gouvernement mais aussi sur celle plus ouverte des gilets jaunes), et je pense que cela ne restera pas une expérience sans lendemain, car visiblement les citoyens commencent fort heureusement à y prendre goût. De ce point de vue c'est l'issue de ce grand débat qui tarira le mouvement en lui offrant des réformes ambitieuses à la mesure des exigences en termes de renouveau démocratique et de justice sociale ou au contraire lui permettra de connaître un second souffle qui l'obligera immanquablement à se structurer et à s'institutionnaliser comme une force d'opposition politique.



pour participer Aux grands débats deux liens :
- A mesure que les semaines se passent, le mouvement pris dans son horizontalité originelle, rejette tous ceux et toutes celles qui proposent de rentrer dans un cadre politique traditionnel comme si les manifestations hebdomadaires voulaient ressusciter la mystique révolutionnaire et le grand soir instituant ; ce faisant, loin d'innover en matière politique il renoue avec le pire sectarisme de l'histoire de la gauche critique (marxiste-léniniste, trotskiste, maoïste de feu la Gauche prolétarienne, situationniste), multiplié par une communication 2.0, en coupant régulièrement les têtes de ceux et celles qui pour le plus grand malheur veulent donner un prolongement institutionnel à l'opposition qui s'exprime dans la rue. Loin d'être tenté par les "aventuriers" (Drouet, Nicolle), je pense, qu'au contraire il faut soutenir toutes les initiatives qui visent à inscrire de manière durable les valeurs et exigences portées par le mouvement, et qui explique en partie le soutien, malgré les violences, d'une partie de l'opinion, dans le jeu institutionnel. En termes externistes, il faut parier sur ceux et celles qui veulent sortir de la "créativité détournée" pour entrer dans la "créativité pure" positive. bien sûr, le chemin de croix risque d'être long tant les règles de la vie politique privilégient le fait majoritaire et les partis consensuels. Tout mon soutien aux initiatives de Hayk Shaynian, Ingrid Levavasseur, Benjamin Cauchy, dont on devine qu'à la base les préférences politiques ne sont pas tout à fait identiques mais qui veulent donner au mouvement une existence officielle à même de peser dans le cadre de rendez-vous électoraux. On sait maintenant que les heureux contributeurs de LREM n'ont pas eu à puiser sur leur livret A.... mais sur des comptes bien mieux garnis, les gilets jaunes qui veulent constituer des listes pour les européennes viennent de découvrir que le nerf de la guerre en politique c'est d'abord l'argent, là encore il faudrait lever ce plafond de verre pour permettre l'accès au champ politique à ces mouvements de citoyens nés dans la rue et les manifestations ou les ronds points, même si bien sûr les partis bien établis n'y ont guère intérêt. A l'heure où j'apprends que même le candidat LR Bellamy connaît visiblement des problèmes de financement pour la campagne européenne il semble urgent de ne pas laisser la diversité de la vie démocratique à l'appréciation des seuls comptables. A ce sujet on lira avec profit les propositions de Julie Cagé dans son ouvrage le Prix de la démocratie. A écouter absolument les trois dernières minutes de l'entretien, lumineux !


- les médias et le gouvernement communiquent beaucoup sur le coût du mouvement des gilets jaunes (destruction, blocages, ralentissement de la fréquentation des centres villes et donc pertes pour les magasins qui essaient d'y survivre, impact sur la croissance...) mais en des termes erronés (propagande !) ; ce n'est pas la "créativité détournée" dans ses formes paroxystiques qui est en cause mais bien la nature du contrat social entre insiders et outsiders ; la révolte sociale a un coût, elle se chiffre et finalement il est plus pertinent économiquement d'investir en direction des marges et des exclus d'une prospérité normative et exclusive que de régler la facture de leurs externalités négatives (vers un capital de lancement ?). La majorité en place n'a d'autre alternative que de dépasser dans la réforme les demandes et les exigences des gilets jaunes ; pour l'heure c'est par la droite qu'elle essaie reconquérir une légitimité (l'ordre et la sécurité) aux yeux de l'opinion, elle sortirait grandie si elle parvenait à ramener non seulement l'ordre (indispensable), la concorde, la justice sociale (tout aussi indispensable) dans le cadre d'un Nouveau Contrat Social intégrant ces invisibles qui ont endossé depuis trois mois le désormais célèbre Gilet Jaune.




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