
une époque incompréhensible aujourd'hui, un temps d’insoumission où l’existence quotidienne était le terrain expérimental de toutes les utopies, où l'art et la littérature s'inscrivaient dans un style de vie qu'aucun de ses enfants terribles et perdus n'auraient voulu céder pour une place sécurisée, une rente... La vie dangereuse était toujours la règle, on bricolait entre deux voyages ici un livre, là quelques toiles... on discutait beaucoup, au gré des rencontres Burroughs, Gysin, les surréalistes, les sédentaires du "quartier" et les "passants" considérables ou non... avec chez Brau malgré le chaos quelques fondamentaux qui reviennent comme un leitmotiv obsessionnel (la poésie, la présence de Wolman et Dufrène, la marginalité, la clandestinité). Bien plus que la prose austère des derniers textes de Guy Debord, Le Singe Appliqué restitue, dans un verbe libéré des enfers de la langue française, le drame d'une génération qui, venue au "vieux" monde par ses lectures surréalistes et marxistes, ne consent pas à déposer les armes, à se ranger malgré la défaite, la faillite des rêves révolutionnaires. Le passage consacré à l’enterrement d'André Breton a presque ici une valeur testamentaire ; le sublime y côtoie le grivois, la grande histoire cède devant les anecdotes, les "petits tas de secrets" et se révèle alors l'ambivalence d'un narrateur dont le propos oscille toujours entre l'urgence de la révolte et l'ironie suicidaire d'un Jacques Rigaut. En 1976 les Editions Balland publiaiENt L'Hériter du château d'Isidore Isou que l'on peut lire comme un complément et une réponse au témoignage de Brau, l'envers lumineux d'un même projet de révolution de la vie quotidienne dont Le Singe Appliqué est une pièce maîtresse.
Jean-Louis
Brau, Le Singe Appliqué, Le Dilettante, 2012
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