"Ce pouvoir d'attraction du FN n'est bien-sûr pas le même selon les
catégories professionnelles: au sein de milieux populaires, il frôle ainsi les
deux tiers. Ces électeurs jeunes et peu favorisés font partie de cette France
des perdants, finement analysée par deux sociologues de la jeunesse Cécile Van
de Velde et Camille Peugny, qui ont conduit une consultation extrêmement
ambitieuse auprès des 18-30 ans en 2014. Biberonnés à la rhétorique de la
crise, ils sont convaincus que leur vie sera pire que celle de leur ainés. Une
analyse, qui n'est pas le simple fruit du pessimisme: avec un chômage proche de
50% parmi les non-diplômés, le syndrome de génération sacrifiée est palpable au
quotidien.
Face à cet avenir muré, les jeunes CSP- sont aujourd'hui habités par une
colère sourde, combinaison de frustration et de défaitisme. Un terreau idéal
pour Marine Le Pen qui fait le plein, débarrassée des outrances de son père,
tout en revendiquant une pensée antisystème qui peut séduire cette jeune tranche
d'âge. En effet, auprès des moins de 35 ans, l'épouvantail Jean-Marie Le Pen ne
fonctionne plus. Les polémiques sur la Seconde guerre mondiale - et on peut le
regretter - sont reléguées au rang préhistorique. Libéré facialement de son
discours antisémite, le Front national continue dans le même temps de jouer sur
la transgression. Entonnant le refrain habituel d'une collusion des médias à
son détriment, le parti conserve une dimension sulfureuse, à même de catalyser
le désir de rébellion des ces nouveaux adultes. Une rébellion contre le
système, qui permet enfin de se doter d'une identité: voter FN c'est tout à
coup appartenir à cette catégorie composite que les médias auscultent, que les
politiques rejettent ou draguent, mais en tout cas considèrent à nouveau."
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/10/13/31001-20151013ARTFIG00334-vote-fn-le-peril-jeune.php