Les diplômes, c’est surfait. C’est le message de Peter Thiel, un Américain qui a décidé de distribuer des bourses à des étudiants non pas pour poursuivre leurs études mais pour les planter. Ils sont vingt-quatre jeunes de moins de 20 ans à avoir été sélectionnés par la Thiel Foundation. Ils recevront 100 000 dollars chacun s’ils ne mettent plus les pieds au lycée ou à l’université pendant deux ans.
Ils développeront leurs projets, suivis par des mentors établis dans la Silicon Valley. Peter Thiel, cofondateur de PayPal, a fait partie du premier tour de table d’investisseurs de Facebook. Avec la valorisation actuelle du réseau social, sa participation représente 1,5 milliard d’euros.
Le milliardaire dit aujourd’hui que si les fondateurs de Facebook étaient restés étudiants à Harvard le temps d’obtenir leur diplôme, leur fenêtre de tir pour développer le site se serait refermée. Selon lui, beaucoup d’innovations – un sujet qui le passionne – proviennent de gens qui ne pouvaient pas attendre.
“Nous ne sommes pas en train dire que les études supérieures nuisent à tout le monde. Mais l’entreprenariat, l’innovation dans des domaines tels que l’informatique ou internet demandent une combinaison de compétences et de dynamisme qui n’est pas enseignée efficacement dans les universités et les grandes écoles. Le monde réel est probablement un meilleur enseignant”, expliquait récemment le président de sa fondation, James O’Neill, invitant les jeunes à “réfléchir soigneusement aux coûts et à ce qu’apportent les études supérieures” avant de s’y engager.
Aux Etats-Unis, où les frais de scolarité ont flambé ces dernières années (des études supérieures coûtent facilement 50 000 dollars par an), le raisonnement de Thiel est d’abord économique. Il estime que dans 70 à 80 % des universités américaines, les diplômes ne rapportent pas ce qu’ils ont coûté.
Des prix irrationnellement élevés, des projets financés par des dettes sans espoir de retour sur investissement, les études supérieures présentent selon lui les caractéristiques d’une nouvelle bulle. Un domaine dans lequel il est crédible : les anciens de PayPal se souviennent que Peter Thiel avait anticipé celle d’internet en 2000, quand personne ne voulait encore y croire ; son fonds d’investissement a aussi anticipé le krach immobilier de 2007.
Mise à part la faible rentabilité, s’endetter au-delà du raisonnable pour un diplôme, argumente-t-il encore, c’est s’empêcher de prendre des risques dans sa carrière professionnelle (tout comme les remboursements des traites d’une maison achetée trop chère). Steve Jobs, Bill Gates et Mark Zuckerberg sont connus pour avoir largué leurs études en route. Ce n’est pas le cas de Thiel, passé par la très réputée université de Stanford avant de monter PayPal à 31 ans.
Il ne regrette pas ses études mais déplore que personne ne remette en question l’idée qu’elles soient une espèce d’assurance frileuse sur l’avenir, un peu comme un placement immobilier. Plutôt qu’au recrutement de ces vingt-quatre jeunes, Thiel, libertarien convaincu, semble d’abord s’intéresser aux discussions que l’initiative va susciter. Dans leur dossier de candidature (les prochains seront disponibles en octobre), les candidats à quitter l’école devaient répondre à deux items, dont “Parlez-nous d’une idée à laquelle vous croyez et à laquelle les autres ne croient pas.”
Guillemette Faure