samedi 12 décembre 2009
Jacques Spacagna
lundi 7 décembre 2009
le 10 décembre au Palais de Tokyo, Frédéric Acquaviva
jeudi 3 décembre 2009
A LETTRIST AFTERNOON
mardi 17 novembre 2009
lundi 9 novembre 2009
LES MAUVAISES PHOTOS DE MAURICE LEMAITRE
Maurice Lemaître
Mauvaises Photos Lettristes
prises n’importe où, avec n’importe quel appareil,
sur n’importe quelle pellicule, dans n’importe quel éclairage,
dans n’importe quel angle, tirées n’importe comment,
sur n’importe quel papier, etc...
une proposition de Frédéric Acquaviva
Le vernissage sera aussi l’occasion du lancement du nouveau roman hypergraphique et hypergéologique de Maurice Lemaître :
“Wanted”, premier ouvrage des Editions AcquAvivA
Cet ouvrage est un appel au public (supertemporel)
dont les contre-propositions seront publiées dans un second Tome.
Vernissage le 10 NOVEMBRE 2009, 18H ( exposition jusqu'au 5 DECEMBRE 2009)
MAURICE LEMAÎTRE : MAUVAISES PHOTOS LETTRISTES
Galerie Satellite 7/9 rue francois-de-neuf-chateau 75011 paris
http://www.galeriesatellite.com/lemaitre.html
aitre.html -
mercredi 4 novembre 2009
EXPOSITION L'ANTI-CINEMA LETTRISTE
Le Film-Débat d'Isou réalisé le 24/09 à la Villa Cernigliaro : http://www.youtube.com/watch?v=pPnbL9jhatA
Roland Sabatier : Les mots du lettrisme http://www.youtube.com/watch?v=keJOvgPytbY&feature=related
Maurice Lemaître : Le film est déjà commencé ? http://www.youtube.com/watch?v=-e10eNq6ztI&feature=related
Re-voir qui diffuse et distribue les oeuvres d'Isou et Lemaître mais aussi de nombreuses figures reconnues du cinéma expérimental contemporain (Stan Brakhage, jonas Mekas) : http://www.re-voir.com/
Les Editions Paris-Expérimental qu'on ne présente plus : http://www.paris-experimental.asso.fr/ pour un complément livresque indispensable.
dimanche 1 novembre 2009
PETIT PANORAMA DE L'INTELLIGENCE CONTEMPORAINE 2
M.Frédric M. plutôt que de défendre Roman Polanski qui pour ce faire peut compter sur ses avocats , et qui sur le plan de la vie quotidienne relève du droit commun comme vous et moi, serait bien plus avisé de soutenir les trois responsables de l'exposition "Présumés innocents", présentée à Bordeaux en 2000, qui sont tojours accusés de "diffusion d'image de mineur à caractère pornographique", en attente de leur procès. Voilà bien un dossier où on attendrait le Ministre (la "criminalisation" croissante des oeuvres). Ce n'est pas l'artiste qui a un statut d'exception au regard du droit commun mais bien l'oeuvre : qui demanderait sérieusement l'interdiction de Crimes et Châtiments pour incitation au meurtre ? C'est bien le privilège absolu de l'oeuvre que de se soustraire aux règles et contraintes qui régulent la vie en société quotidiennement, c'est cette mise en retrait qui permet à l'artiste d'explorer , d'élargir le champ de l'expérience esthétique au bénéfice, j'insiste, de l'ensemble de la collectivité. Cette liberté de création dans l'oeuvre ne se départit d'une éthique (non pas sur le terrain moral mais sur celui autrement plus exigeant de la création) et d'une responsabilité de l'artiste au regard de cette liberté, et aussi de cette confiance, qui lui est ainsi accordée. Mais l'époque est aux artistes sans oeuvres, qui n'ont à offrir au public que leur personne, le petit tas de secrets qui les constitue, leurs nombreux coming out et anecdotes biographiques, et sur ce plan là La Mauvaise vie en est la plus exemplaire illustration. L'autobiographie reste cependant une pratique littéraire qui comme toute bonne littérature a ses ambiguités, ses contradictions, ses amnésies et ses polysémies, ses rapports équivoques avec la vérité et le réel et très peu à voir avec la parole politique. Les références avancées (Gide, Genet, Wilde, Proust) pour défendre le texte de Frédéric M. prêtent à sourire : ces quatre là pouvaient brillamment se prévaloir d'avoir crée une oeuvre (et quelle oeuvre !), un style, ou plutôt une écriture dans laquelle des générations d'écrivains à venir viendraient à leur tour trouver la passion de noircir du papier. Gide, Genet, Wilde, Proust, Frédéric M.... cherchez l'erreur ! Comme hier Rimbaud, Orelsan ! Cherchez l'erreur ! Baudelaire, Flaubert, Frédéric M. ! Cherchez l'erreur ! Passolini, Polanski ! Cherchez l'erreur !
PANORAMA DE L'INTELLIGENCE CONTEMPOARAINE I
Retour sur l'évènement : le cinéaste R. Polanski est arrêté en Suisse dans des conditions en effet douteuses et peu fair-play, il est en effet recherché pour une sombre affaire de mœurs qui remonte aux années 70 et a trouvé refuge en France afin d'éviter et le procès et la prison. Le positionnement de Monsieur Frédéric M., ministre d'Etat, en faveur du très populaire R. Polanski, le lyrisme maximaliste à la limite du grotesque déployé en la circonstance (« Si le monde de la culture ne soutenait pas Roman Polanski, ça voudrait dire qu’il n’y a plus de culture dans notre pays/ Je pense que tous les Français doivent être avec Polanski dans cette épreuve" ), le déni portant sur les faits (aucun de ses défenseurs hexagonaux ne semble même envisager que leur sympathique cinéaste aie pu commettre les faits pour lesquels il est poursuivi dans leur crudité) ont cependant installé le trouble et la confusion au détriment du ministre qui est vite devenu la cible de l'emballement public et du délire internautique. M. Frédéric M. devant le buzz grandissant contre sa personne, les allégations et accusations venues de la presse, de l'extrême droite mais aussi de la gauche (Walls et Hamon) a fini par sortir de sa réserve aristocratique et, final sordide, est venu à un journal de 20h00 démentir tous les fantasmes nauséeux qui enguirlandaient sa personne. Chacun aura donc tenu à la perfection son rôle dans cet opéra comico-pathétique à deux balles et personne n'en sort grandi :
D'abord les partisans de R. Polanski : on a vu à cette occasion combien des faits identiques peuvent se voir qualifiés différemment selon l'appartenance sociale de leur auteur. Un viol sous Ghb conduit aujourd'hui le premier Don Juan râté devant une cour d'assise, mais s'il s'agit d'une personnalité notoirement établie dans le domaine des arts comme Roman Polanski, les uns évoquent avec nostalgie l'époque libertaire et libertine des seventies légères et défendent à travers polanski le souvenir de leur jeunesse révolue, les autres dénoncent avec des airs graves de démocrate devant la bête fasciste un retour de l'ordre moral, voire une forme de « barbarie » qui se confond comme dans la tête vide de M. Frédéric M. avec le klux klux klan, les armes en vente libre, la peine de mort, le refus de l'avortement... Autant de figures de l'amérique archaïque contre qui tout bon boyscout progressiste doit se mobiliser et agir. Procès de la révolution culturelle et sexuelle à travers l'affaire Polanski ? Retour en force des réacs, du vieux monde de la morale restrictive...
Bien sûr il n'en était rien, et c'est bien en cela que cette farce est emblématique d'une post-modernité qui agite dans un théâtre d'ombre dérisoire les faux-semblants et leurs justifications vides. Car qui trouvait-on pour demander que la justice passe, y compris pour M. Polanski , pour demander qu'on ne banalise pas le viol comme une « affaire sans importance » ? des bigots et des dévotes ? Non, les descendants naturels de la révolution culturelle et sexuelle des sixties, de ses idéaux démocratiques, de son refus des hiérarchies et des figures d'autorité (papa, patron, professeur) au premier rang desquels les féministes, mais aussi les quadras socialistes....
Si il y en avait bien un qui faisait ringard dans l'histoire c'est ce pauvre Polanski soupçonné d'avoir pratiqué tel un seigneur sorti de sa féodalité le droit de cuissage dans un monde où les valeurs démocratiques sont universellement admises et où la contrainte des corps et des esprits est perçue comme une anomalie sociale et morale. Anachronique mon vieux Roman ! Heureusement Marine lepen était là, dans le rôle de l'irréductible archaïque, de l'empêcheur de jouir tranquille, heureusement ! car sans elle tout ce beau monde aurait fini par comprendre qu'ils parlaient tous du « même lieu » comme on disait en 68 (je te tiens, tu me tiens par la barbichette) et que leur querelle était de fait bien vaine sauf à en interroger la racine commune et parodoxale : moderne contre moderne (Total respect pour Philippe Murray qui nous manque vraiment devant de pareils trésors de la bêtise extraordinaire), partisan de la liberté des mœurs, défenseur du jouir sans temps mort et sans entrave contre défenseurs de l'émancipation et critiques du vieux patriarcat.... Les réactions à l'occasion de l'arrestation de Polanski ne témoignent donc en rien d'un retour de l'ordre moral ainsi que quelques commentaires hâtifs et sans profondeur (le très consternant BHL) le suggéraient : c'est au contraire l'extension sans limite de la vie démocratique issue du joli mois de mai qui fait que ce qui hier était supporté dans tous les sens du terme (le dépucelage forcé par un adulte mais aussi la violence physique des professeurs dans les écoles par exemple) sous l'indifférence d'un ordre social et symbolique, ne l'est plus aujourd'hui. On peut s'en réjouir ou le déplorer ou en rire mais les petits enfants de mai 68 n'ont pas démérité de leurs grands-parents. Mentionnons enfin au passage qu'à ce petit jeu du réac vs progressiste certains se sont trouvés confondus par leurs propos : que penser de Finkelkraut s'échauffant contre les bas instincts homicides et guillotins du peuple réclamant la tête de Polanski et qui prenant maladroitement la défense de ce dernier (solidarité artérielle ?) finit par lâcher : "Sa victime, la plaignante, qui a retiré sa plainte, qui n'a jamais voulu de procès public, qui a obtenu réparation, n'était pas une fillette, une petite fille, une enfant, au moment des faits.C'était une adolescente qui posait dénudée pour Vogue homme" (Entretien sur France Inter). C'est toujours un choc de voir un brillant intellectuel (si, si...) rattrapé par un impensé dont on le pensait a priori exempt : quel vieux cliché sexiste ! Qui pose nue mérité d'être violée ? Syllogisme du sexisme ordinaire : une fille respectable ne pose pas nue, or cette jeune fille a posé nue, donc cette fille n'est pas respectable... Le respect n'est du qu'aux filles respectables, or..., donc.... quelle misère...
Mais tout cela vient trop tard, 30 ans après... Alors oui, la justice doit passer et être juste : désolé de faire aussi plat mais en la circonstance, c'était bien le seul commentaire qui s'imposait, au lieu des emballements hystériques et autres procès en sorcellerie ou copinages germanopratins.
jeudi 22 octobre 2009
UNHAPPY HADOPI
Hadopi se focalise essentiellement sur ce que l'on pourrait qualifier le « cyber-transgressif » (évitons de « criminaliser » et laissons l'appellation de cyber-délinquant à d'autres !) : l'internaute qui ayant acquis un ordinateur et un libre accès à internet veut légitimement jouir de toutes les ressources que lui offrent ces nouvelles technologies ; sur le chemin de son « bon plaisir », il butine et va émerveillé de sites en sites, rapportant de ses interminables explorations mouts trésors... Quand soudain surgit de la cyber-jungle le grand méchant Hadopi !!!! Voilà bien la base d'une fable post-moderne ! Dans un premier temps, c'est donc sur l'internaute que se sont arrêtés les débats : pour l'accabler (qui télécharge illégalement un fichier vole un vélo !) ou le défendre (le droit à l'information et à la culture doit l'emporter sur le corporatisme des auteurs !), la loi se proposant donc de manière graduée de « changer les comportement », d'apporter un peu de civilité, et de régulation. A ce niveau là du débat, j'ai noté les contradictions terribles que la gauche devait douloureusement surmonter : devait-elle prendre le parti des auteurs contre les internautes quitte à s'aliéner ces derniers ? Le téléchargement compulsif (comme il y a des achats compulsifs...) a-t-il vraiment à voir avec une défense inconditionnelle de la démocratisation de la culture ? Tout avoir pour rien nous rapproche-t-il d'un monde post-luttes des classes, peuplés de lutins et de fées libertaires, ou davantage d'une préhistoire dominée par les prédateurs qui siègent aux conseils d'administrations des grandes entreprises cotées en Bourse ? Quid du financement de la culture (notamment le cinéma) si celle-ci ne se décline désormais que sur le mode de la libre circulation et de la gratuité (retour/recours du mécénat ? Fonctionnarisation des artistes, créateurs et travailleurs culturels ?) ?
Pourtant, sans négliger la place de l'internaute dans la discussion, force est de constater que la révolution internet est moins le fruit d'un bouleversement des comportements individuels que d'une lutte industrielle féroce entre deux pôles qui auraient pourtant tout intérêt à s'entendre : une industrie culturelle installée avec ses marchés, ses réseaux (musique, cinéma, livres), ses rentes, et d'autre part l'industrie des communications qui n'a cessé de prendre de l'importance depuis ces dix dernières années. Pour faire simple, sans être caricatural, si il y 20 ans la communication était un exercice obligé pour assurer la promotion d'un film, on peut dire qu'aujourd'hui la logique est totalement inversée : c'est le film qui est le produit d'appel destiné désormais à promouvoir le fournisseur d'accès, acteur central de ce nouvel ordre technologique qui est aussi un nouvel ordre économique. Le « piratage » a toujours existé (que l'on se souvienne des pressages italiens des Beatles ou des copies venues de l'est) et existe toujours (en Afrique les copies officielles sont rares !) mais il ne jouait qu'à la marge d'un système dont l'ensemble des acteurs trouvaient des droits, des revenus, des positions reconnus et garantis par la loi. Aujourd'hui la libre circulation des fichiers, facilitée par les innovations technologiques, est devenue le cœur même de la révolution internet. Les positions d'hier vacillent (le manque à gagner est énorme), les acteurs installés n'ayant pas anticipé cette mutation se sont efforcés via un volet répressif de sauver les meubles puis de prendre l'histoire en cours avec plus ou moins de succès (les plateformes de téléchargement légal sont arrivés bien tardivement), il n'en reste pas moins que même si le consommateur est le grand bénéficiaire provisoire de cette dématérialisation de l'offre culturelle (exit le support, ses coûts et ses intermédiaires !), c'est surtout au profit des nouveaux acteurs économiques de l'immatériel que ce procès du support se fait (prestataires de services, mais aussi fabricants d'Ipod et autres gadgets technologiques à forte plus-value). So what ? Exemple typique de « destruction créatrice », étape ultime de la post-modernité économique qui verrait célébrer les noces d'un super-capitalisme conquérant et du gauchisme collectiviste ? Il n'y aurait pour contester ce brave new world que les tenants du vieux monde, attachés à leurs rentes et leurs privilèges ? Ou quelques mauvaises langues bien connues pour tirer sur tout ce que le monde présent peut offrir en matière d'innovations et de « progrès » ?
Rien n'est moins sûr... Certes, les industries culturelles voient leurs monopoles fortement contestés par la libre circulation des fichiers ; cette crise, elles ne l'ont pas souhaitée mais l'incapacité à réellement faire leur job, leur intégration dans des ensembles de plus en plus vastes, sans rapport aucun avec leur coeur de production initial (Que l'on se souvienne de Vivendi Universal et de son icône Jean Marie Messier et que l'on regarde le monde des livres aujourd'hui). Les années 90 ont vu le succès du nouveau format Cd sur le vieux vinyl mais cela n'a guère été dans le sens d'une baisse des coûts unitaires et d'un surcroît de signatures de nouveaux talents. Bien au contraire, les phénomènes de concentration propres aux bureaucraties de type capitaliste se sont traduits par la création de grands groupes multidisciplinaires où la production dite culturelle n'est qu'une activité parmi d'autres, soumises à des obligations de rendement qui privilégient de fait les block-busters aux artistes débutants, le conformisme esthétique à l'audace, la diversité et à la prise de risque... Les acteurs de l'industrie culturelle ont eux même par leur inertie contribué à se couper des artistes qui ont immédiatement vu l'intérêt d'Internet pour promouvoir leur travail, lui donner une visibilité quitte à reporter à plus tard la question d'un éventuel retour sur investissement. Il n'en a pas toujours été ainsi et ceux, théoriciens du piratage généralisé, qui justifient le téléchargement illégal en pointant d'un doigt accusateur les « majors » gourmandes et peu soucieuses des artistes, n'oublient que ces acteurs de l'industrie culturelle ont d'abord joué un rôle d'indispensables propagateurs, qu'à l'origine, il y a toujours eu un rêve, une ambition, voire un combat pour imposer dans l'espace public des esthétiques, des artistes et des œuvres qui étaient loin d'être consensuelles : Daniel Miller en Angleterre a signé Depeche Mode après les avoir vus en concert dans un pub sur son label Mute qui a promu des artistes des premières vagues électroniques : ce fut à la fois la maison de disque de Moby et celle de Diamanda Galas, Laibach, Boyd Rice..., Rough Trade le label de Geoff Travis reste un des grands fleurons en matière de pop et ce depuis 1977, malgré quelques vicissitudes financières, John Zorn de son label Tzadik propose un impressionnant catalogue de musiques contemporaines et nouvelles, et que dire des méritants « Metamkine » et Orkhestra, ou encore de Sub-Rosa... Et on pourrait multiplier les exemples dans le hip hop, les musiques électroniques, le metal pour ne s'en tenir qu'à la pop-culture... La maison de disque, même modeste, sans budget, underground, permettait d'accéder à une reconnaissance symbolique et sociale (voir son premier disque – même tiré à très peu d'exemplaires - dans les bacs comme pour les écrivains de corriger les premières épreuves) et hypothétiquement économique, elle pouvait transformer un désœuvrement ou un loisir en un possible succès social, et en signe fort de reconnaissance en même temps qu'elle apportait des valeurs esthétiques nouvelles. Même à l'heure des artistes/internet la signature avec une maison de disques, la sortie d'un disque et le concert, restent des moments forts en terme symbolique même si une partie essentielle de la communication de la musique se fait via le flux de la toile (Le succès en vente des Artic Monkeys découverts via myspace en est un bon exemple).
Pour autant, le libre accès technique théoriquement illimité à tous les contenus audiovisuels du web ne règle pas tous les problèmes : on peut légitimement critiquer le conservatisme des majors, leur « financiarisation », leur abandon d'une politique ambitieuse en matière de découverte et de lancement de nouveaux talents, mais au moins avaient-elles vocation à investir les gains réalisés dans le domaine musical. Et qu'en sera-t-il demain des fournisseurs d'accès qui tirent un grand bénéfice du travail des autres (cinéastes, écrivains, chercheurs, musiciens...), sans pour autant en rétribuer le travail ? Les artistes doivent-ils désormais se réjouir d'avoir changé « d'exploiteurs » au nom d'une plus grande visibilité de leur travail ? Car dans ce procès permanent des intermédiaires, même les artistes finissent par devenir encombrants (les fameux droits d'auteur)... on oublie cependant un peu vite quelle avancée cela a constitué pour les auteurs et artistes (en terme notamment d'indépendance au regard du pouvoir politique) et combien la possibilité de vivre de son travail a suscité des vocations (Si ! Si ! Plutôt punk qu'ouvrier en usine !). Sans parler d'une diversité qui est en partie liée à cette viabilité économique.... Dans les arguments pour un téléchargement libre et sans contrainte ni contrepartie, on voit revenir les vieux rêves des utopies gauchistes qui à défaut d'avoir prise sur le monde réel reportent sur la toile leur vieux rêve de démocratie culturelle absolue aux cotés de... Google ! Les discussions sont en cours, elles n'excluent pas des recours devant les tribunaux y compris Google qui se trouve obligé désormais de négocier a minima avec les syndicats et organisations qui représentent les auteurs, les éditeurs... mais on voit bien que sous couvert de « démocratie » la nouvelle donne cherche à passer en force, sans égard pour les créateurs et producteurs sans qui pourtant le web serait une toile bien vide.
Cela m'amène à un dernier point : celui de la justice sociale qui d'ailleurs est brandi comme l'étendard absolu face à toutes les restructurations liées à la globalisation « marchande » ; on imagine mal un monde où les artistes seraient des sous-citoyens ne bénéficiant pas des droits et garanties par ailleurs accordés à l'ensemble des autres citoyens notamment en ce qui concerne la possibilité de tirer un revenu de son travail, condamnés donc à créer en remettant leur survie au bon-vouloir d'un éventuel mécène ou de la compassion du public (un peu à la manière des artistes de rue)... Je l'imagine d'autant moins que la diversité et l'abondance en matière de productions/créations reste liée à l'existence d'un marché du livre, de la musique et du cinéma, n'en déplaise aux ennemis définitifs du marché, et à la rétribution de ses acteurs, et que la disparition du dit marché conduirait sans nul doute à un appauvrissement qualitatif de l'offre. Que nenni répondent en cœur les évangélistes du nouveau monde immatériel : il est fini le temps de l'artiste spécialiste, désormais chacun peut accéder aux contenus et interagir avec eux un peu à la manière d'un Marx dans ses rêveries les plus fumantes : chacun peut être toute à la fois journaliste, artiste de variété, penseur, vidéaste.... sans doute entre 19h00 et 23h00... Et pourtant, c'est bien cette division des taches, des domaines et des attributions qui permet à chacun de ceux-ci de se ramifier toujours plus, d'aller d'approfondissement en renouvellement et non de végéter dans un butinage de surface. La division du travail loin d'être une malédiction s'avère être un extraordinaire accélérateur qualitatif. La disparition de cette division ouvre en effet à la multiplication sans fin des œuvres de chacun hors de toute spécialisation : bout de concerts filmés de manière déplorable sur youtube, films de vacances sur fond d'electro-pop maison « cheap », demos qui en d'autres temps n'auraient jamais quitté le garage qui avait servi de studio d'enregistrement... mais que gagnons-nous véritablement dans cette prolifération de contenus (a)variés ? Les derniers concerts de Prince à Paris donnent un avant-goût de l'avenir : une musique universellement accessible sous format fichier et des manifestations/évènements rares, à un prix très élevé, uniques et non reproductibles. Les contenus sont désormais librement accessibles mais le temps devient le nouveau critère de division sociale : le temps est argent et le moment artistique vulgarisé sous format reproductible rejoint comme manifestation le domaine jamais aboli de la rareté symbolique et économique, avec tous les risques de bulles spéculatives.
On a vu à l'occasion de loi Hadopi que les artistes étaient divisés sur l'attitude à adopter : les uns sont prêts à céder sur la question du téléchargement illégal dans la mesure où ils peuvent escompter une rétribution de leur travail venue d'ailleurs (multiplication des concerts et des festivals, participation à des pubs, des bandes originales de films, commandes d'Etat...). D'autres restent attachés à un contrôle de leurs œuvres et voient d'un mauvais œil une libre circulation qui s'apparente à un pillage... Si l'intérêt de fournisseurs d'accès comme Google est de pouvoir compter à moindre frais sur le maximum de contenus audiovisuels, il n'est certainement pas dans l'intérêt de la société et des usagers de laisser les artistes sans revenus, ce n'est pas seulement une question de justice sociale, mais c'est aussi une condition de la diversité et de son foisonnement créatif. Le bouleversement technologique du web oblige à terme à trouver un nouveau modèle économique, de nouvelles normes juridiques et un consensus social qui permettent d'articuler des intérêts divergents des opérateurs en nouvelles technologies, des usagers et des artistes. Pour l'heure il est plaisant de voir que souvent les plus ardents défenseurs du téléchargement libre déploient une rhétorique que les promoteurs de la mondialisation cannibale ne réfuteraient pas. Et plaisant de voir que les vrais amateurs de musique n'hésitent pas à lancer des cyberlabels sur les modèle des souscriptions des libraires du XIXème afin de palier au manque d'ambition des maisons de disques et de financer de nouveaux artistes via le web. Voilà qui nous amène loin de la jungle de téléchargement compulsif et consummériste...
jeudi 15 octobre 2009
Pierre Albert-Birot, passager clandestin des avant-gardes
mardi 28 juillet 2009
ACTUALITE DE L'ART SUPERTEMPOREL
"Les Britanniques ont le sens de la patrie et de l'honneur, c'est un fait. Trafalgar Square, à Londres, en est un témoignage urbain majeur, et reste l'un des cœurs battants de la cité. Sur ses piédestaux se dressent les statues de héros nationaux, comme l'amiral Nelson ou George IV. Cependant l'un d'entre eux, communément appelé « The Fourth Plinth », reste vide depuis 1841 : à l'époque ce fut faute de moyens, puis la vacance perdura en raison d'un désaccord persistant quant au choix du grand homme à y placer.
En 1999, la Royal Society of Arts décida de confier chaque année le piédestal à un artiste contemporain vivant en Grande-Bretagne, parmi lesquels Mark Wallinger, Rachel Whiteread, Thomas Schütte ou Marc Quinn. Depuis le 6 juillet, c'est le sculpteur anglais Antony Gormley qui investit le piédestal avec son projet One and other. Pendant trois mois, 2400 personnes sont invitées à grimper sur la plate-forme, pour une heure, et devenir ainsi de véritables sculptures vivantes.
Echo à la performance Living Sculptures des artistes londoniens Gilbert & George, One and other redéfinit les limites de la sculpture et de l'art de la performance. Il s'agit, selon l'artiste, de « célébrer le vivant ». Pour le maire de Londres, Boris Johnson, c'est une « méditation triomphante sur la célébrité et la gloire ».
Les participants sont autorisés à faire ce qu'ils veulent (à condition qu'il n'y ait pas outrage, le sexe est donc exclu) : certains ont annoncé qu'ils allaient y fêter leur anniversaire, honorer un parent mort, informer sur des maladies rares ou clamer des revendications politiques."
source :
http://arts.fluctuat.net/blog/38774-l-art-vivant-d-antony-gormley-a-trafalgar-square.html
le site officiel de la manifestation :
http://www.oneandother.co.uk/
vendredi 17 juillet 2009
PETITES MISERES DE L'HISTOIRE LITTERAIRE 3
"Paris, le 8 avril 1971. Madame, parce qu'Isou a écrit une phrase dans un livre de jeunesse, vous demandez qu'il crève. Or demander la mort d'un être pour une phrase, c'est du nazisme. Vous êtes une sale nazie. Cette phrase de la Mécanique montre justement l'ignorance d'un individu dans une société conventionnelle, son impuissance qui conduit le jeunes garçon à faire. Mais au delà de ces erreurs normales, évolutives, le héros arrive à aimer toutes les femmes et de toutes les manières à respecter la femme ainsi que le fait tout membre du mouvement lettriste. En transformant une étape en une fin vous prouvez que vous ne savez même pas lire. Les nazis lisaient au moins jusqu'au bout. Vous êtes une néonazie inculte. Isou a apporté aux femmes Le Soulèvement de la jeunesse et l'idée de création, base des valeurs grâce à laquelle la femme ne peut se libérer qu'en devenant une polytechnicienne créatrice. En insultant l'un des plus profonds créateurs de ce temps, vous agissez comme une nazie, oppresseurs des créateurs". Et la critique s'achève par "vous n'avez pas à crever, Françoise d'Eaubonne, car vous n'avez jamais existé, disparaissez détritus".
Cette réplique à la fois cinglante et violente était signée, notamment, par Micheline Hachette, Jacqueline Takieltaub et Françoise Canal. Aux arguments de mes camarades j'ajoute que la journaliste en question semble ignorer la différence entre une œuvre romanesque de fiction et la réalité".
Anne-Catherine Caron, Le lettrisme au delà de la feminitude, Zero gravità, 2008
jeudi 16 juillet 2009
PETITES MISERES DE L'HISTOIRE LITTERAIRE 2
Droit de réponse publié dans le N° 2469 du 29 octobre 1998
Dans le n° 2456, du 30 juillet 1998, dans un article intitulé «Le racisme surfe sur le Web», traitant des sites racistes et néonazis, vous citez comme seul exemple le site Web de Jean-Louis Costes. Mon site n'est ni raciste ni néonazi. C'est un site artistique consacré à mes productions musicales, vidéo et scéniques, sans aucun rapport avec ces idéologies que je réprouve absolument. Les chansons de moi que vous citez font partie d'un CD édité en 1989, «Livrez les Blanches aux bicots», qui est une satire des comportements racistes et non leur apologie. Je m'étonne que votre publication ne vérifie pas mieux les informations qui lui sont fournies et qu'elle cautionne la censure de la liberté d'expression. Cette liberté est pourtant le fondement de la pratique journalistique.
Jean-Louis Costes
La réponse de L'Express par Christophe Barbier
Il suffit de «surfer» sur le site Internet de M. Costes pour réaliser à quel point sa démarche est insidieuse. L'humour, la pratique élastique du second degré et la référence commode à la liberté d'expression ne sauraient justifier le contenu de ses textes. Ceux-ci dépassent le mauvais goût et, lus par des internautes non avertis, peuvent fournir la matière à des prises de position racistes. M. Costes affirme que ce n'est pas là son but: il serait plus efficace dans sa prétendue lutte contre le racisme en n'écrivant rien. L'Express s'est par ailleurs contenté de rappeler les attaques en justice subies par M. Costes, sans déformer aucunement la réalité
http://www.lexpress.fr/informations/le-racisme-surfe-sur-le-web_629763.html
"On n’a pas seulement tenté de me censurer. On me censure effectivement. L’union des étudiants juifs de France me poursuit en justice sans arrêt depuis 1997. Le résultat : concerts annulés, mes disques retirés des magasins, plus aucune émission de télé sur mes shows, articles de presse qui me font passer pour nazi, raciste, révisionniste et même... assassin ! Plus des agressions et des coups sur scène et dans la rue en sortant de chez moi. Je suis ruiné, je suis épuisé. Je vais en crever mais je résisterai jusqu’au bout".
interview de Costes http://www.letempsdetruittout.net/gasparnoe/index.asphttp?v=163
mercredi 15 juillet 2009
PETITES MISERES DE L'HISTOIRE LITTERAIRE
La frustration sociale et existentielle dont la misogynie et le bling-bling (grosses, voitures, grandes maisons, gros seins) sont les conséquences les plus visibles constitue un exercice de style éculé, basique de la posture hip-hop en ses balbutiements infantiles ; cela peut servir de viatique pour un public peu exigeant, comme un service minimum quand ni le talent ni l'originalité ne sont là pour marquer son propre territoire ; c'est un peu la version hardcore de Carla Bruni ou de Cherifa Luna : tout est affaire de style : il y a le style fleur-bleue niaiseux et aussi entre autres le style hétéro beauf qui n'est pas spécifique au Rap et dont le rock a largement abusé en sa courte histoire. Mais voilà ce cadavre délibérément enterré (puisqu'il ne reprend ce titre ni scène ni sur son album) lui revient en pleine ascension comme un boomerang (internet est de ce point de vue la plus efficace officine des renseignements généraux). Emballement généralisé, les associations féministes se mobilisent, le passage au Francofolies qui devait arriver comme un début de consécration est annulé, les défenseurs de la liberté d'expression se mobilisent à leur tour, les politiques s'en mèlent, le Ministre en charge de ces questions de leur emboiter le pas... So what ?
"Je ne vois rien de choquant ni de répréhensible dans la manière dont il chante et je trouve cette polémique, toute cette controverse vraiment ridicule ; Rimbaud a écrit des choses bien plus virulentes et qui sont devenues des classiques » dixit notre Ministre.
Extrait de l'objet du scandale :
"Je vous ai vu vous jeter sur l'autre, il passait les mains sous ton pull pendant que tu l'embrassais Putain j'avais envie de vous tuer j'étais choqué j'croyais que tu étais différente des autres pétasses J'te déteste j'te hais J'déteste les petites putes genre Paris Hilton les meufs qui sucent des queues de la taille de celle de ''Lexington'' T'es juste bonne à te faire péter le rectum même si tu disais des trucs intelligents t'aurais l'air conne J'te déteste j'veux que tu crèves lentement j'veux que tu tombes enceinte et que tu perdes l'enfant Les histoires d'amour ça commence bien ça fini mal Avant je t'aimais maintenant j'rêve de voir imprimer de mes empreintes digitales Tu es juste une putain d'avaleuse de sabre, une sale catin Un sale tapin tout ces mots doux c'était que du baratin On s'tenait par la main on s'enlaçait on s'embrassait On verra comment tu fais la belle avec une jambe cassée On verra comment tu suces quand j'te déboiterai la mâchoire T'es juste une truie tu mérites ta place à l'abattoir T'es juste un démon déguisé en femme j'veux te voir briser en larme J'veux te voir rendre l'âme j'veux te voir retourner brûler dans les flammes »
Je comprends la posture du Ministre qui doit défendre les principes qui fondent sa politique culturelle mais que cela se fasse avec de réels arguments et des exemples pertinents : Monsieur le Ministre il n'y a pas de ressentiment et de frustration ni de violence d'ailleurs chez Rimbaud (pas de petite copine ou surtout de petit copains à massacrer, désolé !), c'est le désir à son plein midi (et non son plein minuit !), ce qui permettait à un Etiemble d'expédier le "cas Rimbaud" comme un crise d'adolescence qui aurait emprunté les mots pour se signaler à l'attention de ses contemporains ; la violence est bien plus chez Sade mais elle ne se solutionne pas dans une misère du beauf cocufié, elle déborde jubilatoire par tous les orifices des camisoles de la prohibition ou de la permission. Ce qui est violent et transgressif chez Rimbaud, et a fortiori "virulent", ce n'est pas l'esbroufe pour effrayer le bourgeois (pauvre Gaspard Noé qui a offert Monica Belluci "littéralement et dans tous les sens" au Festival de Cannes et a tous les écrans de la société "spectaculaire et marchande"), c'est la violence qu'il exerce contre lui même en un voyage sans précédent dans la poésie moderne, des exercices parnassiens appliqués, de l'académisme du Bateau Ivre jusqu'aux révolutionnaires Illuminations. La violence réelle fut le seul fait de Verlaine qui désespéré par la rupture vint avec un flingue pour dire adieu à un amant révolu. Pour le reste Mallarmé avait vu juste « il n'est d'explosion qu'un livre ». Le texte d'Orelsan est de ce point de vue d'une platitude affligeante ; tous les lieux communs du mâle frustré se retrouvent (l'association femme/démon, ambivalence amour/haine, le fantasme anal comme forme ultime du mépris, identification femme/truie) quelques métaphores (« avaler des sabres » plutôt que « tailler des pipes ») ne parviennent pas à relever le niveau de ce florilège indigent. Je suppose qu'il doit adorer sa maman. Ce n'est pas là une femme qui est maltraitée ici mais le sujet (l'adultère et la jalousie) ! Non décidément Orelsan n'est pas Rimbaud dont je ne peux m'empêcher de donner ici un extrait afin d'acter sa "virulence" :
« O mon bien ! O mon beau ! Fanfare atroce où je ne trébuche point ! Chevalet féérique ! Hourra pour l'œuvre inouïe et pour le corps merveilleux, pour la première fois ! Cela commença par le rire des enfants, cela finira par eux. Ce poison va rester dans toutes nos veines même quand la fanfare tournant, nous serons rendus à l'ancienne inharmonie. O maintenant nous si digne de ces tortures ! Rassemblons fervemment cette promesse surhumaine faite à notre corps et à notre âme crées : cette promesse, cette démence ! L'élégance, la science, la violence ! On nous a promis d'enterrer dans l'ombre l'arbre du bien et du mal, de dé porter les honnêtetés tyranniques, afin que nous amenions notre très pur amour. Cela commença par quelques dégoût et cela finit – ne pouvant nous saisir sur le champ de cette éternité – cela finit par une débandade de parfums" (Matinée d'ivresse)
Voilà qui nous emmène très loin du gentil Dormeur du val et d'Orelsan... Mais justement revenons-y ! Considérer que le premier venu a vocation a faire date et histoire parce qu'il bouscule un politiquement correct bien établi, un consensus intellectuel, c'est considérer que Eric Zémour ou Jean Marie Lepen, pour ne pas parler de Georges Frêche, sont des francs tireurs de la pensée ! Ce n'est donc pas ce niveau que doit se situer le débat mais ailleurs dans le devenir social des productions artistiques et intellectuelles dont l'histoire récente offre quelques exemples hautement significatifs. Les démêlées judiciaires du groupe La Rumeur s'inscrivaient ainsi dans un schéma somme toute classique (plainte pour diffamation initiée par le Ministère de l'intérieur), il n'en avait pas été de même dans le cas du roman Rose bonbon (roman vaguement amusant dont le personnage principal est un pédophile) qui s'était vu pris sous les feux et les foudres d'une opinion public interloquée mais surtout d'associations très actives en matière médiatique. Malgré sa nature fictive le roman peinait à se défendre et se trouvait enrôlé dans une suspicion de justification et de promotion de la pédophilie devant laquelle les tenants de l'ordre et des bonnes moeurs se devaient de réagir (ils sont rarement de bons lecteurs) ! Mais le hip-hop a grillé cette marge là, c'est bien là sa limite : le rappeur débutant fonde sa crédibilité sur "l'authenticité', le "réel", « la vraie vie » là une démarche artistique revenue du romantisme juvénile pose comme préalable la nécessaire distanciation pour interroger, expérimenter et inventer. On veut du créatif mais dilué dans le social et le sociétal, dans l'anecdote personnelle, comme une preuve, un témoignage, voire un engagement, une position, un marquage. D'où mise en retrait du travail artistique (sur lequel une Missy Elliott aux USA a tout misé justement pour gagner crédibilité et respect face aux « poseurs » qui encombraient le paysage du rap américain) au profit d'une lecture au premier degré devenue seule clef d'approche... Ouïe ! Aïe !
Anecdote personnelle : en 2002 j'étais au Batofar voir Whitehouse par curiosité et aussi goût des expériences sonores extrêmes : le spectacle était tout à la fois sur scène et dans la salle, un mur du son et hostilité sans savoir si ceux qui s'évertuaient à court-circuiter le concert le faisaient pas militantisme crétin (« non aux fachos », ce que whitehouse n'est pas !) au par provocation (le très controversé écrivain pornographe Peter Sotos était de la partie, la bête noire des féministes) ; à un moment un enragé a réussi à couper l'alimentation, quelques réactions du public se sont faites alors entendre ; je me souviens d'un type à côté de moi qui a alors hurlé quelque chose comme "l'apologie du viol... vous avez vraiment rien compris à la vie". Évidemment, ceux qui avaient dédicacé leurs bruits blancs à Peter Kurten ou Ted Bundy ont toujours suscité rejet et incompréhension, mais la question n'était pas là, show must go on ! in fine c'est l'évènement comme expérience artistique (dont l'agressivité du public est une composante ) qui doit avoir le dernier mot et non l'argutie de tel ou tel lobby, la défense et la promotion telle ou telle posture intellectuelle. Rien de plus soporifique que tous ces artistes "engagés et concernés" par toutes les causes sauf celle de l'art. William Bennett a remis en route la machine infernale et sous les sifflets, les bouteilles et mégots a mené jusqu'à son terme la performance. Whitehouse n'a jamais eu de message à délivrer en vue d'édifier le public.
Mais les temps changent... Et dans son ouvrage La crise de l'art contemporain, Yves Michaud note bien la singularité de l'époque dans ses rapports conflictuels avec la sphère artistiques : l'émergence d'une société civile sur le modèle libéral indépendante de la tutelle étatique et de ses instances aboutit à des situations et des confrontations nouvelles : telle manifestation artistique est désormais contestée non par la censure étatique ou la morale "bourgeoise" (schéma désormais obsolète) mais par des groupes d'intérêt et de pression très divers, autonomes et très actifs dans l'espace médiatique au sein desquels la question du statut de la création artistique se trouve à nouveau posée et bousculée ( minorités, féministes, mais aussi les associations de défense de l'enfance dont les interventions comme à Bordeaux ont marqué un précédent puisque deux plaintes furent déposées contre deux commissaires d'exposition pour "diffusion d'image de mineur à caractère pornographique" dans une exposition où figuraient notamment Christian Boltanski et Annette Messager).
Ces lobbies en quête d'influence et d'hégémonie (qui ont malgré tout une légitimité dans l'espace public) font feu de tout bois et obéissent à une logique de concurrence qui donne souvent de savoureux paradoxes : verrait-on vraiment Fédéric Mitterand apporter son soutien à un grouspucle néo nazi (rock identitaire ou black métal ) appelant à « l'holocauste définitif », à la « purification » et à la « fierté blanche » sur fond de gros riffs de guitare saturée au nom de la liberté d'expression ? Ceux qui plaident pour cette sacro-sainte liberté d'expression (qu'ils confondent à tort avec la création) sont les premiers comme l'avait très bien noté feu Philippe Murray à demander sanctions, démission, instruction judiciaire et poursuite dès qu'un quidam se hasarde à penser et à parler hors de leur politiquement correct. Le malheureux Finkelkfraut a fait les frais de ce genre de chasse aux sorcières, c'est maintenant au tour d'Orlessan pour d'autres raisons, l'un pour "racisme", l'autre pour "sexisme".
Mais ni l'intelligence civique, ni l'intelligence artistique ne gagnent à cette confusion des genres. Gros plan sur le point aveugle de l'époque : les féministes et le Ministère de la culture et des Inrockuptibles se retrouvent ensemble pour communier dans la défense ou l'interdit de la liberté d'expression dans l'oubli actif de toute dimension artistique. Car cette liberté d'expression est un acquis autant pour l'artiste que pour le citoyen ordinaire que je suis ; la tour d'ivoire est une histoire désormais révolue, toute parole s'inscrit dans un espace social composé de sensibilités (de susceptibilités ?) qui ont elles aussi gagné leur autonomie et avec lesquelles elle entre en interaction, aujourd'hui bien plus qu'hier : le malaise vient que cette « liberté d'expression » est à géométrie variable : on défend Orelsan en invoquant les grands principes mais on était prêt hier à pétitionner contre Pascal Sevran pour quelques phrases imbéciles et racistes de son Journal. A quand de nouveaux comités de vigilance et de censure ; les USA ont bien une avance sur nous en ce domaine (Walt Disney en savait quelque chose, qui s'était vu attaqué par des groupes religieux pour le darwisnisme de son Fantasia) : j'imagine non sans mal les comités de toutes les bien-pensances obligées pour l'occasion de s'entendre : : Platon a-t-il évoqué les problèmes de la jeunesse des banlieues ? Non ? Forget it ! Objection : il y a les prémisses d'une pensée queer transgenre avec son hermaphrodite ! Certes, certes... on épurera Platon. Suivant ! Céline ! Non aux poubelles ! Antisémite, collabo, incurable hétérosexuel et surtout fumeur ! Écrivain génial accessoirement... Tout cela prêterait à rire s'il n'y avait pas derrière un réel pouvoir de nuisance et des effets inquiétants sur la création.
En effet, la remise en question des normes, l'expérience et la transgression des limités héritées ont servi de fil conducteur aux aventures individuelles et collectives les plus audacieuses de l'art moderne ; or aujourd'hui, plusieurs niveaux se télescopent brutalement : la société civile demande des comptes à l'artiste et à ses œuvres aux regard des groupes de pression, de leur prosélytisme et de leurs passions. Dans cette réduction à zéro du travail de l'art, rien ne distingue les formes et les gestes, : une chanson, une publicité, un extrait de film, un tableau, un poème, un éditorial... tout cela n'a de sens qu'à l'aune des centres d'intérêt défendus comme au bon vieux temps de jdanov où l'art en régime réaliste-socialiste devait être représentatif des préoccupations de la classe ouvrière et de son édification. On interpelle l'artiste sur la question des femmes, des animaux, du développement durable, de la banlieue, du conflit Israëlo-palestinien, de la politique de Nicolas Sarkozy et on lui demande de rendre de compte sur ces terrains là qui ne sont pas spécifiquement les siens au détriment de ce qui pourtant constitue dans l'espace public sa singularité. Le champ de l'art est désormais un champ de ruines que hantent les fantômes d'une modernité perdue.
Alors Orelsan n'est pas Rimbaud... ou pas encore ; et on lui souhaite d'ailleurs d'aller plus loin, de se départir des poncifs et clichés qui sont la révérence obligée dans un milieu hip-hop déjà bien encombré de médiocrités et qui ne brille guère par son avant-gardisme. Il devrait aussi lire Proust pour y voir comment la jalousie y est littérairement traitée (la grande classe...) mais aussi Olympe de Gouges et Virginie Despentes. C'est un mauvais procès qui lui est fait (un titre "incorrect" et tout le reste passe à la trappe) mais que dire de ses défenseurs, tout autant maladroits et confus que ses détracteurs. Et que dire d'un Ministre qui cite un auteur que visiblement il n'a pas lu ou compris.
mercredi 8 juillet 2009
EN MAI A DROUOT, EN JUILLET AU PASSAGE DE RETZ
"Fluxus a rêvé et rêve encore, au travers de ses protagonistes actuels, d'enchanter le monde. C'est en quoi, au-delà d'un art, il est d'abord une attitude, une façon de penser toujours mouvante, une manière d'être à jamais inimitable : une « révolution » créative, une attitude et un doute fondamental où se croisent des personnalités venues de tous horizons mentaux et géographiques, de la France à New York, du Japon à l'Allemagne où le mouvement se cristallise, au gré de rendez-vous et festivals, de manifestations parodiques, poétiques et politiques à la fois.
… Soudain l'été Fluxus est une gageure car le Passage de Retz a d'abord l'ambition de témoigner de moments rares et d'attitudes singulières qu'il est toujours essentiel d'entendre et de regarder, sans en avoir ni les possibilités ni les moyens de faire œuvre muséale.
On ne retrouvera donc pas ici les pièces que seules les institutions sont à même de réunir, mais un ensemble considérable d'œuvres et d'objets de nature souvent plus intime que Ben Vautier a accepté d'offrir de présenter au public pour la première fois.
À cet ensemble unique qui constitue le corpus essentiel de cette exposition, s'ajoutent des œuvres provenant de collections privées, dont un large ensemble des archives de Luigi Bonotto inédit en France, permettant de dessiner les contours d'une histoire commencée, il y a quelque cinquante ans, et qui n'a toujours pas aujourd'hui l'intention de disparaître.
Après Surexposition : Duchamp, Man Ray, Picabia - Sexe, Humour et Flamenco, et avant la première exposition d'envergure à Paris qu'il consacrera au mouvement lettriste, le Passage de Retz tente d'offrir un regard et une lecture sur un des mouvements clé de la création, mouvement qui nous aide à comprendre et à transcender encore et toujours notre quotidien.
… Soudain l'été Fluxus est une proposition du Passage de Retz. Elle a bénéficié du concours amical et exceptionnel de Ben et Annie Vautier et de Bernard Blistène.
Elle a reçu le soutien de nombreux prêteurs privés.
Sa coordination a été assurée par Valérie Maffioletti et Vincent Normand, ainsi que par l'équipe du Passage de Retz animée par Jacqueline Frydman."
A y regarder de près, ce sont donc surtout des archives et fonds privés qui seront mis à contribution, ce qui risque vite de transformer cette manifestation en rendez-vous qu'on ne doit pas manquer ! Exit Paris-plage ! Ben récidiviste ! Après la manifestation Le Tas d'esprits l'artiste semble bien décidé à continuer son travail de promotion des avant-gardes en bonne compagnie. Notons aussi qu'il annonce une prochaine exposition dans ce même lieu consacré au lettrisme, et là c'est un vrai scoop ! On aimerait vraiment en savoir plus !
Pour en savoir plus : www.passagederetz.com
Exposition ouverte au public du 14 juillet au 20 septembre 2009
tous les jours sauf le lundi de 10h à 19h
mercredi 10 juin 2009
Manifestation(s) le 19 juin autour du travail de Frédéric Acquaviva
. http://www.mouvement.net/site.php?rub=3&id=207852
Par ailleurs les Editions Derrière La Salle de Bains et la désormais incontournable collection Frédéric Acquaviva (qui vient de rééditer les Images à lire d'Alain Satié) seront présentes au Marché de la poésie du 17 au 21 juin, place Saint-Sulpice.
samedi 2 mai 2009
NO FUTURE ?
Isidore Isou, Lettrisme et Révolution de la Jeunesse in Revue Hikma, Février 1948
mercredi 29 avril 2009
INTERNET ET CREATION
http://www.libreacces.org/spip.php?article58 (surtout la deuxième conférence !)
lundi 27 avril 2009
VERS UNE SOCIOLOGIE DE LA CREATION ?
Chapitre 1 : LA TRAJECTOIRE, DES INNOVATIONS.
1. Le passage de l'invention à l'innovation.
L'innovation diffère de l'invention, en le sens où elle représente la mise en œuvre de cette invention et son intégration dans un milieu social. C'est le processus selon lequel un corps social confronte les qualités théoriques de l'invention qui lui est proposée à la réalité et aux contingences du milieu d'où il agit. S'il se l'approprie, alors l'invention devient innovation, et les effets de sa mise en œuvre sont multiples.
2. Les séquences du processus.
Selon Joseph Schumpeter, le développement de l'innovation se fait en trois temps : C'est au départ le fait de quelques personnes qui prennent un risque par rapport aux routines en usage en élaborant de " nouvelles combinaisons " de ressources. C'est ensuite, une fois l'intérêt de ces nouvelles combinaisons démontré, l'apparition d'imitateurs " par grappe " qui viennent bouleverser l'ordre établi en les généralisant et en développant des innovations secondaires. Le troisième temps est caractérisé par un retour à l'ordre et par la définition progressive de nouvelles règles du jeu qui entérinent le nouvel ordre social issu de ces bouleversements. Ce développement peut être représenté par une courbe en S, correspondant à la diffusion de l'innovation. Nombre de travaux réalisés sur les innovations retrouvent ainsi un découpage en séquences, dont le nombre varie selon les auteurs et selon la nature des cas étudiés. Mais plus que le nombre de séquences, il est important, pour comprendre le déroulement du processus, de considérer ces étapes d'un point de vue social, irréductible à la seule logique économique, et mettant en jeu des effets de réseaux, de normes et d'action collective.
Le conflit avec l'ordre.
Avant de parvenir à l'inversion des normes, les acteurs de l'innovation se heurtent à l'ordre établi. Pour Schumpeter, c'est la figure de " l'entrepreneur " qui témoigne de cette lutte. Elaborant de nouvelles combinaisons, il subit des contraintes objectives, puisqu'il n'existe pas d'expériences antérieures lui permettant de conduire son action de façon " rationnelle " du point de vue de la gestion, subjectives, parce qu'il doit imaginer des situations pour lesquelles il ne dispose pas de repères, et enfin sociales, car dans cette action il se heurte à des partenaires routiniers dont il transgresse les normes. Ceci permet de comprendre les difficultés du développement de l'innovation, et la position particulière de l'innovateur, qui ne s'oppose pas aux buts poursuivis par la collectivité à laquelle il appartient, mais se trouve en situation critique par rapport aux moyens mis en œuvre pour les atteindre. Il doit composer avec l'ordre établi, quitte à dissimuler son action jusqu'à obtenir la reconnaissance sociale qui se traduit par l'inversion, complète ou partielle, des normes.
Il se trouve donc, à un moment donné, en situation de déviance par rapport aux normes du groupe, passible de sanctions, sans pour autant être assuré d'obtenir la reconnaissance de son action. Comment peut s'expliquer cette prise de risque ?
Source : http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/alter.html#resume