lundi 27 avril 2009

VERS UNE SOCIOLOGIE DE LA CREATION ?

Dans le chaos des évènements et des discours, qui voient les libéraux d'hier battre leur coulpe et adopter des accents quasi léninistes (minc, attali et bien d 'autres naufragés de l'intelligence économique) et une gauche infantile (saluons ici Bernard Thibaut (CGT) et François Chéréque (CFDT) qui seuls ont su poser dans l'espace publique la question sociale en des termes pertinents : mais où sont donc la gauche ? le gouvernement ? Le patronat ?) applaudir chaque fois que les salariés désespérés s'en prennent à leurs dirigeants parce que in fine elle n'a rien à leur (nous) proposer pour répondre et surmonter les zones de turbulences présentes, quelques lectures ici et là, en rupture avec les dogmatismes hégémoniques du moment (non au marché oui à l'Etat !), méritent plus qu'une simple et bienveillante attention. Le petit livre de Norbert Alter L'innovation ordinaire (PUF) propose par exemple une analyse aboutie dans le cadre de l'entreprise de l'innovation considérée comme mouvement à la fois destructeur et créateur de nouvelles formes et pratiques (Schumpeter), il en étudie les incidences notamment en terme d'instabilité, les stratégies individuelles et collectives mises en place par les acteurs pour accompagner ce mouvement et en réguler les désordres mais aussi chez le(s) initiateurs du changement ce livre cherche à rendre compte des motivations que la seule rationalité économique ne peut épuiser (c'est là sans doute la partie la moins convaincante ; a contrario de ce qu'affirme l'auteur le détour par l'économie, notamment nucléaire, offre un éclairage essentiel) : une lecture passionnante, quoi que "technique" souvent (il s'agit d'un ouvrage de sciences humaines et non de vulgarisation) qui donne envie de se replonger dans la les oeuvres de Schumpeter. Quelques extraits du résumé suivent, il est à noter combien le point numéro 3 a des accents "isouiens" ; sans parler du Traité d'Economie nucléaire, il n'est quà relire l'article d'Isou publié par la revue Fontaine en 1947 ; dans ce premier bilan du lettrisme, Isou décrit la situation du groupe d'avant-garde, en des termes très proches, dans une situation conflictuelle à l'égard d'un marché organisé (dimension économique) et surtout d'un champ institué (la poésie) où il apporte le désordre en contestant les valeurs qui y dominent (dimension symbolique) et en introduisant par le scandale le loup lettriste dans la bergerie des moutons de la résistance et du surréalisme. Les résistances sont aussi nombreuses que les conformismes (éditeurs, journalistes, radios, critiques, et surtout les poètes eux-mêmes qui n'entendent pas voir disqualifiée leur "vieillerie" rentable symboliquement et économiquement) et Isou fixe ce qui ressemble fort à un programme d'action pour que lettrisme rentre en "vainqueur" dans la Cité.




Chapitre 1 : LA TRAJECTOIRE, DES INNOVATIONS.

1. Le passage de l'invention à l'innovation.
L'innovation diffère de l'invention, en le sens où elle représente la mise en œuvre de cette invention et son intégration dans un milieu social. C'est le processus selon lequel un corps social confronte les qualités théoriques de l'invention qui lui est proposée à la réalité et aux contingences du milieu d'où il agit. S'il se l'approprie, alors l'invention devient innovation, et les effets de sa mise en œuvre sont multiples.

2. Les séquences du processus.
Selon Joseph Schumpeter, le développement de l'innovation se fait en trois temps : C'est au départ le fait de quelques personnes qui prennent un risque par rapport aux routines en usage en élaborant de " nouvelles combinaisons " de ressources. C'est ensuite, une fois l'intérêt de ces nouvelles combinaisons démontré, l'apparition d'imitateurs " par grappe " qui viennent bouleverser l'ordre établi en les généralisant et en développant des innovations secondaires. Le troisième temps est caractérisé par un retour à l'ordre et par la définition progressive de nouvelles règles du jeu qui entérinent le nouvel ordre social issu de ces bouleversements. Ce développement peut être représenté par une courbe en S, correspondant à la diffusion de l'innovation. Nombre de travaux réalisés sur les innovations retrouvent ainsi un découpage en séquences, dont le nombre varie selon les auteurs et selon la nature des cas étudiés. Mais plus que le nombre de séquences, il est important, pour comprendre le déroulement du processus, de considérer ces étapes d'un point de vue social, irréductible à la seule logique économique, et mettant en jeu des effets de réseaux, de normes et d'action collective.

  1. Le conflit avec l'ordre.
    Avant de parvenir à l'inversion des normes, les acteurs de l'innovation se heurtent à l'ordre établi. Pour Schumpeter, c'est la figure de " l'entrepreneur " qui témoigne de cette lutte. Elaborant de nouvelles combinaisons, il subit des contraintes objectives, puisqu'il n'existe pas d'expériences antérieures lui permettant de conduire son action de façon " rationnelle " du point de vue de la gestion, subjectives, parce qu'il doit imaginer des situations pour lesquelles il ne dispose pas de repères, et enfin sociales, car dans cette action il se heurte à des partenaires routiniers dont il transgresse les normes. Ceci permet de comprendre les difficultés du développement de l'innovation, et la position particulière de l'innovateur, qui ne s'oppose pas aux buts poursuivis par la collectivité à laquelle il appartient, mais se trouve en situation critique par rapport aux moyens mis en œuvre pour les atteindre. Il doit composer avec l'ordre établi, quitte à dissimuler son action jusqu'à obtenir la reconnaissance sociale qui se traduit par l'inversion, complète ou partielle, des normes.
    Il se trouve donc, à un moment donné, en situation de déviance par rapport aux normes du groupe, passible de sanctions, sans pour autant être assuré d'obtenir la reconnaissance de son action. Comment peut s'expliquer cette prise de risque ?

Source : http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/alter.html#resume

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