dimanche 1 novembre 2009

PETIT PANORAMA DE L'INTELLIGENCE CONTEMPORAINE 2



Dans sa défense de Roman Polanski, le Ministre de la culture a eu pourtant cette justification étonnante : "je suis le ministre des artistes". Bigre, voilà bien un scoop que seuls quelques esprits avertis ont pris la peine de relever pour en souligner l'énormité (Jean-Luc Mélenchon) ! Quelle curieuse idée se fait-il donc de son mandat ? Le Ministre de la Culture aurait donc d'abord pour vocation de défendre la personne des artistes ? Un peu comme si le Ministère de l'Economie affirmait être le Ministre des Patrons.... Je pensais qu'un tel ministère avait d'abord en charge des questions de politique culturelle (promotion et valorisation de la création passée et présente, diversité et démocratisation culturelle...). Ceci n'exclut en rien les artistes qui sont bien sûr les premiers acteurs intéressés par les choix ministériels ; en cela la loi Hadopi qu'il a portée à son terme même si elle représente une très mauvaise réponse à un vrai problème s'inscrivait dans son champ de compétences. Pour autant c'est avant tous les oeuvres que son Minsitère se doit de défendre, promouvoir et porter et non la personne même des artistes surtout dans leur dimension privée. Cette confusion est d'autant plus inquiétante qu'elle semble renvoyer à une conception aristocratique du ministère des "beaux-arts" ou le souverrain assure la protection des artistes, de leur personne moyennant leurs services exclusifs (exit l'indépendance). Faut-il comprendre par là que M. Frédéric M. ira demain secourir Florent Pagny ou Johnny Halliday dans leurs démélées fiscales ? Ou plutôt faut-il comprendre qu'il s'agit d'assurer ses faveurs comme sous l'ancien régime à quelques élus et privilégiés qui font partie d'un cercle de proches amis ? Société de cours, résaux, et amitiés réciproques... en quoi ces mondanités intéressent-elles un Ministère de la culture ? Il y a erreur de casting et de recrutement !
Tout cela ne démérite pourtant pas de la Sarkozie et sans nul doute les frasques du fils de notre Président ont-elles suscité indignation et débat pour les mêmes raisons que les déclarations de Monsieur Frédric M. car chacun pouvait ici et là y deviner le copinage, la cooptation, le passe-droit, l'endogamie des élites qui sous couvert de l'intérêt général assurent avant tout la promotion et le placement, voire la défense, de leur caste, de leurs cénacles, le détournement des institutions publiques au profit des amis, des copains, des relations, le traitement d'exception... J'avais écrit dans un post au moment de l'élection présidentielle que Sarkozy pouvait séduire les externes car il en partageait la marginalité à son échelle (enfant indésiré de la chiraquie et outsider impatient) et en adoptait la rhétorique. Pour autant ce n'était qu'une posture car sous couvert de "rupture", on voyait déjà se dessiner le "presque parvenu" qui ne manquerait pas une fois installé de vérouiller les places et tous les ascenseurs sociaux pour donner de bons gages aux cercles d'installés où il cherchait à se voir reconnu. Ces internes là savaient dès le départ qu'avec lui, rien ne changerait heureusement. L'Unanimité du microcosme artistico-médiatique à l'annonce de l'arrestation de Polanski a traduit un réflexe quasi-organique, gégaire, de soutien inconditionnel et sans nuance à un pair pour qui il était demandé par principe l'immunité sous couvert de services rendus au grand art cinématographique. D'où les demandes en direction du pouvoir... qui en l'occurence ne pouvait rien faire. Charles Pasqua vient de faire exactement le même numéro cette semaine ! Imaginerait-on pareille mobilisation pour des faits similaires pour des écrivains aussi peu politiquement correct que Renaud Camus ou Peter Handke ? Bien sûr que non... les grands principes du petit milieu artistico-médiatique sont à géométrie variable !
M.Frédric M. plutôt que de défendre Roman Polanski qui pour ce faire peut compter sur ses avocats , et qui sur le plan de la vie quotidienne relève du droit commun comme vous et moi, serait bien plus avisé de soutenir les trois responsables de l'exposition "Présumés innocents", présentée à Bordeaux en 2000, qui sont tojours accusés de "diffusion d'image de mineur à caractère pornographique", en attente de leur procès. Voilà bien un dossier où on attendrait le Ministre (la "criminalisation" croissante des oeuvres). Ce n'est pas l'artiste qui a un statut d'exception au regard du droit commun mais bien l'oeuvre : qui demanderait sérieusement l'interdiction de Crimes et Châtiments pour incitation au meurtre ? C'est bien le privilège absolu de l'oeuvre que de se soustraire aux règles et contraintes qui régulent la vie en société quotidiennement, c'est cette mise en retrait qui permet à l'artiste d'explorer , d'élargir le champ de l'expérience esthétique au bénéfice, j'insiste, de l'ensemble de la collectivité. Cette liberté de création dans l'oeuvre ne se départit d'une éthique (non pas sur le terrain moral mais sur celui autrement plus exigeant de la création) et d'une responsabilité de l'artiste au regard de cette liberté, et aussi de cette confiance, qui lui est ainsi accordée. Mais l'époque est aux artistes sans oeuvres, qui n'ont à offrir au public que leur personne, le petit tas de secrets qui les constitue, leurs nombreux coming out et anecdotes biographiques, et sur ce plan là La Mauvaise vie en est la plus exemplaire illustration. L'autobiographie reste cependant une pratique littéraire qui comme toute bonne littérature a ses ambiguités, ses contradictions, ses amnésies et ses polysémies, ses rapports équivoques avec la vérité et le réel et très peu à voir avec la parole politique. Les références avancées (Gide, Genet, Wilde, Proust) pour défendre le texte de Frédéric M. prêtent à sourire : ces quatre là pouvaient brillamment se prévaloir d'avoir crée une oeuvre (et quelle oeuvre !), un style, ou plutôt une écriture dans laquelle des générations d'écrivains à venir viendraient à leur tour trouver la passion de noircir du papier. Gide, Genet, Wilde, Proust, Frédéric M.... cherchez l'erreur ! Comme hier Rimbaud, Orelsan ! Cherchez l'erreur ! Baudelaire, Flaubert, Frédéric M. ! Cherchez l'erreur ! Passolini, Polanski ! Cherchez l'erreur !

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