vendredi 15 juin 2007

QU'EST-CE QUE L'ECONOMIE NUCLEAIRE III ? (REISSUE)

La théorie économique d'Isou se veut nucléaire, dans la mesure où elle s'appuie sur l'ensemble des individus décentrés par rapport au circuit économique et ses agents, l'entrepreneur capitaliste et la classe prolétaire. Si la perspective des partis de gauche, très fortement marqués par le marxisme, a longtemps été l'issue révolutionnaire des conflits et antagonismes de classe, le résultat recherché par l'économie nucléaire est plutôt d'éviter les dénouements révolutionnaires et leur issue malheureuse, bref d'apparaître, quitte à heurter l'héroïsme radical, comme un réformisme efficace capable de peser dans une transformation effective de la société. Refusant la planification communiste aussi bien que le marché et ses ressorts, les propositions d'Isou détonnent au sein d'une gauche qui souvent oublie que l'opposition entre droite et gauche tient moins à des valeurs sociétales (liberté des moeurs par exemple) qu'à des conceptions économiques. Proudhon, Marx, ou encore Fourrier s'inscrivent dans une tentative de réappropriation de la sphère économique pour en faire un moteur de l'émancipation et du développement comme autant d'alternatives au libéralisme de la bourgeoisie. Le marché et ses lois doivent être critiqués et dépassés parce qu'ils maintiennent le potentiel humain et technique (les fameuses forces productives) dans un état de sous-développement. C'est bien à l'aune de cette utopie que les doctrines classiques sont fustigées et "avalées" par Marx. Isou reprend en partie cette critique mais il ne manque pas de l'appliquer au marxisme qui a plutôt conduit au "socialisme de la misère" historiquement. La faiblesse de Marx est de n'avoir pas intégré l'élément créatif dans son analyse économique tandis que le marché n'obéit lui qu'à des logiques de courts termes et ne fait siennes les problématiques de développement (durable en particulier) que si elles permettent un retour pertinent sur investissement. A la prolifération des biens et des services voulue par un marketing généralisé correspond un sous-développement des forces productives et créatives, totalement parasitées par les impératifs de rentabilité immédiate. Par ailleurs, cette abondance marchande n'implique pas la satisfaction de l'ensemble des besoins, même les plus élémentaires, bien au contraire. Le marxisme s'il entend répondre à l'ensemble des besoins les enferme dans un mode de production qui est incapable de les satisfaire. L'aspiration à un mieux-vivre inscrite dans la modernité ne peut être tenue par une planification qui en méconnaît les tenants et les aboutissants, qui les réduit à quelques fonctions rudimentaires à mesure que pourtant elle libère et promet des "lendemains qui chantent". La réduction de l'existence à un travail répétitif et planifié, aussi aliénant que l'usine sous domination bourgeoise, l'absence de perspective de dépassement, définissent un degré d'externité qui à terme met en échec le socialisme "réel" et sa bureaucratie. Le communisme soviétique finit par démentir les deux projets qu'il était supposé porter : l'émancipation et le développement au profit de l'aliénation sous la férule d'une dictature bureaucratique et le sous-développement des forces productives et des moyens de production. Bien sûr comme le rappelle Maximilien rubel Marx lui-même jugeait la Russie trop arrièrée, en raison du poid de la paysannerie, pour permettre une révolution de type socialiste, il regardait davantage l'Angleterre ou l'Allemagne comme des pays porteurs et décisifs quant à l'avenir du socialisme... Ces deux pays ont en définitive inventé la sociale-démocratie pour l'un et le Welfare state pour l'autre (le fameux état "providence"), très loin donc de la dictature du prolétariat attendue. Ni le libéralisme que les externes de gauche ont rejeté pour le socialisme via la révolution ou la réforme sociale-démocrate, ni le marxisme que les externes ont fini par abattre dans sa forme soviétique, n'ont réussi à épuiser et à résoudre la problématique de l'externité du seul point de vue qui compte, celui de l'économie politique. C'est là que se situe spécifiquement l'apport d'Isou. L'économie nucléaire ne rejette pas par principe le marché, elle en connaît les limites et en régule politiquement le fonctionnement. Le crédit de lancement est ainsi destiné à lancer et promouvoir les projet innovants, porteurs de nouveaux marchés et créateurs d'emplois. Le principe de libre entreprise est ainsi respecté. Cette politique forte de soutien à l'initiative privée et public trouve ses principales ressources dans un enseignement réformé qui privilégie les apports créatifs des disciplines enseignés. L'école et l'université dans cette perspective deviennent non plus les pourvoyeurs d'une main-d'oeuvre formée pour un marché de l'emploi donné (conception productiviste) mais un pôle de formation d'inventeurs, d'entrepreneurs et de salariés hautement qualifiés dont les compétences et connaissances permettent de renouveller totalement le marché, en anticipant les besoins à venir par leurs forces d'innovation. En développant l'initiative privée, le principe de la contribution de tous à la solidarité étant acquis (impôts), l'économie nucléaire entend multiplier les recettes fiscales par le nombre d'entreprises et d'emplois crées et ainsi financer les politiques éducatives, sociales et culturelles. L'état joue pleinement son rôle quasi keynesien de régulateur de la vie économique par une intervention qui se veut précise dans ses missions. Ce rôle de l'état nécessite comme Isou le préconise dés 1950 le renouvellement nécessaire des cadres des partis, des syndicats et la rotation des élus aux postes à responsabilité, ce qui implique un nombre limité de mandats, afin de ne pas confisquer le mieux être de la collectivité au profit d'une bureaucratie (étatique, syndicale ou patronale). Comme on le voit l'économie nucléaire s'appuie, c'est là sa grande originalité, sur des postulats à la fois libéraux et socialistes pour constuire un projet singulier de dépassement de leurs oppositions et une théorie économique qui vient donner un second souffle à un socialisme toujours hanté par le spectre de Marx.

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