"Eugène arriva à Paris le 17 mai. La Commission exécutive avait succédé au gouvernement provisoire. Tout le monde voyait arriver l’explosion. Bourgeois et ouvriers voulaient en découdre. À longueur de journée la foule déambulait sur les boulevards, tandis qu’on manifestait sur la chaussée. Les incidents étaient quotidiens. La fermeture des Ateliers nationaux fut l’étincelle, qui mit le feu aux poudres. Le jeudi 22 juin 1 500 manifestants se séparèrent à la nuit au cri de À demain les barricades ! En même temps, devant la faiblesse de la Commission exécutive, une manœuvre politique, sans doute initiée par les républicains du National et ceux de la Réunion de la rue de Poitiers, s’amorçait dans le but de confier le pouvoir à Eugène. La Commission exécutive entra en agonie dans la nuit du vendredi au samedi. On murmurait de plus en plus à l’Assemblée et en ville : un homme, un sabre, Cavaignac. Le samedi 24 au matin, l’Assemblée vota le texte suivant :
Paris est mis en état de siège. Tous les pouvoirs exécutifs sont délégués au général Cavaignac.
Les premières barricades apparurent le vendredi matin. Eugène ne voulut pas recommencer les erreurs tactiques de juillet 1830 et de février 1848. Il laissa l’insurrection se développer, puis il fixa les insurgés sur leurs barricades. Ils étaient mal commandés et l’insurrection s’essoufflerait. Tous les récits des journées de juin s’accordent sur l’atrocité des combats et la rage de tous les combattants. Eugène fit donner l’assaut le lundi matin. À midi l’insurrection était réduite. En début d’après-midi il adressait un message à l’Assemblée : Il n’y a plus de lutte dans Paris. Mais le bilan de l’opération était lourd : des milliers de morts et de blessés, des centaines de maisons détruites, des quartiers défigurés, une vague de haine déferlant de tous côtés. Une sévère répression commença dès le lendemain.
Le mercredi 28, Eugène déposa les pouvoirs qui lui avaient été confiés le 24. Le pays était las des clubs, des émeutes et des manifestations. L’Assemblée en prit acte et vota à l’unanimité le décret suivant : L’Assemblée nationale confie le pouvoir exécutif au général Cavaignac qui prendra le titre de président du Conseil et nommera le ministère. Ce texte de circonstance plaça Eugène à la tête du pays pendant six mois. Il s’installa avec sa mère à l’Hôtel de Matignon.
Le passage d’Eugène au pouvoir fut marqué par la remise en route de l’activité du pays et par la préparation d’une constitution, qui fut votée au début de novembre. Celle-ci prévoyait l’élection du président de la République au suffrage universel. Eugène fut candidat. Emporté par son tempérament et mal conseillé par des politiciens plus roués que lui il multiplia les erreurs politiques et brouilla son image. Ne perdant pas une occasion d’évoquer la mémoire de son père et de son frère et de s’affirmer bon républicain, il prit des mesures d’inspiration réactionnaire, telles que le rétablissement de la journée de travail à 12 heures et l’imposition du passeport aux ouvriers qui voulaient changer de département et choisit trois anciens orléanistes lors du remaniement ministériel du 13 octobre".
Pierre Givaudon, « Eugène Cavaignac (1802-1857) », Bulletin de la Sabix
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